29.03.2024
L'Union européenne se tourne vers une utilisation plus large de l'énergie nucléaire pour assurer sa souveraineté énergétique en réponse à la crise énergétique qui a commencé avec le conflit en Ukraine. La crise a été déclenchée par les décisions des autorités de l'Union européenne (notamment la décision de renoncer complètement au combustible fossile russe - pétrole, gaz et charbon, après le début de l'opération militaire spéciale), ce qui a considérablement réduit le seuil de sécurité énergétique de la région.
Le 21 mars, le président du Conseil européen, Charles Michel, lors de l'ouverture du sommet international sur l'énergie nucléaire à Bruxelles, a déclaré que l'Union européenne revenait à une utilisation plus large de l'énergie nucléaire pour assurer sa souveraineté énergétique en réponse à la crise énergétique qui a commencé après le début du conflit en Ukraine. Cependant, il n'a pas précisé que la pénurie de ressources énergétiques dans l'UE résultait uniquement de l'introduction de sanctions antirusses par l'UE, y compris l'embargo sur les achats de pétrole et de charbon russes, les plafonds de prix et d'autres "initiatives restrictives". La plupart des États membres de l'UE ont également refusé de payer pour les livraisons de gaz en roubles, ce qui a conduit à une réduction drastique de celles-ci.
De son côté, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors du sommet, a pour la première fois appelé à prolonger la durée de vie des centrales nucléaires des États membres de l'Union européenne. "Se pose la question de prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes, à condition, bien sûr, qu'elles soient exploitées en toute sécurité. Compte tenu de l'importance de la question climatique, les pays doivent examiner attentivement leurs options avant de renoncer à une source d'électricité facilement accessible et à faibles émissions. L'extension de l'exploitation sûre du parc nucléaire moderne est l'un des moyens les moins coûteux de fournir de l'énergie propre à grande échelle: cela peut aider à tracer une voie économiquement viable vers des émissions de carbone nulles," a conclu la chef de la Commission européenne.
Von der Leyen a été soutenue par le Premier ministre belge Alexander De Croo, qui a déclaré lors du sommet que pour atteindre l'objectif de l'UE de zéro émission de carbone d'ici 2050, l'énergie nucléaire et ses alternatives à la fois étaient nécessaires: "Si nous voulons avancer sur la voie de la décarbonisation de l'économie, si nous voulons nous diriger vers zéro émission de carbone d'ici 2050, nous devons utiliser toutes les formes d'énergie propre: à la fois le nucléaire et le renouvelable."
La Belgique prévoit notamment de prolonger jusqu'en 2035 la durée de vie de ses réacteurs les plus modernes dans les centrales nucléaires de Tihange et Doel. "Nous faisons cela parallèlement à des investissements massifs dans des sources alternatives, y compris la construction de parcs éoliens en mer du Nord", a souligné M. De Croo.
Ce ne sont pas les premiers signaux indiquant que l'attitude change envers le nucléaire civil en Europe. À l'automne 2023, un plan de construction d'une centrale nucléaire en Pologne a été annoncé. Les travaux de conception et de construction seront réalisés par les entreprises américaines Westinghouse et Bechtel. Cela a été annoncé le 27 septembre par le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki lors de la cérémonie de signature d'un accord à cet effet.
L'UE possède également des plans stratégiques avec le géant russe Rosatom. Le 25 mars, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Péter Szijjarto, est arrivé à Sotchi pour le forum international Atomexpo, où il a discuté avec le directeur général de Rosatom, Alexeï Likhatchiov, de l'avancement de la construction de la centrale nucléaire de Paks 2. Le ministre hongrois a partagé cette information sur sa page Facebook. "De nouvelles étapes dans l'investissement de Paks. Les détails seront bientôt disponibles," a écrit Péter Szijjarto. Auparavant, le ministre avait noté que la coopération entre la Hongrie et la Russie dans le domaine de l'énergie nucléaire se développait "avec beaucoup de succès".
Le début de la construction de Paks 2 en Hongrie est prévue pour cette année.
Actuellement, la centrale nucléaire de Paks, construite selon les technologies soviétiques sur la rive du Danube, fournit près de la moitié de la production et plus d'un tiers de la consommation d'électricité dans le pays. Après la mise en service de deux nouvelles unités, la capacité de la centrale passera de 2.000 MW actuels à 4.400 MW. Le projet de Paks 2 est estimé à 12,5 milliards d'euros.
Les changements dans la stratégie énergétique européenne soulèvent plusieurs questions sérieuses pour Bruxelles. Premièrement, il n'est pas tout à fait clair où la région obtiendra plus de combustible nucléaire, et ce, à un prix raisonnable. En effet, le prix de l'uranium a fortement augmenté ces dernières années.
En janvier 2024, le prix de l'oxyde d'uranium sur le marché a dépassé 94 dollars la livre (0,454 kg). Selon les conclusions de l'agence d'analyse Numerco, c'est la valeur la plus élevée depuis 2007. L'année dernière, le prix de cette matière première a presque doublé et continue d'augmenter. En janvier 2023, une livre d'uranium coûtait environ 50 dollars.
Deuxièmement, l'Union européenne doit réévaluer l'énergie solaire et éolienne, avec l'apparition de nouveaux dilemmes. En effet, certains projets d'énergies renouvelables pourraient devenir inutiles en raison de plans ambitieux de construction de réacteurs nucléaires et de prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires existantes.
Enfin, les commissaires européens doivent maintenant essayer d'intégrer la "composante nucléaire" dans le plan de sécurité énergétique à long terme. Et la première "victime" de cette nouvelle initiative bureaucratique s'est déjà manifestée aujourd'hui: la doctrine de l'hydrogène pratiquement oubliée, qui encore récemment était censée devenir un maillon important de la transition énergétique à l'européenne.
Alexandre Lemoine
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