24.06.2024
Depuis 2022, la Serbie a fourni aux alliés occidentaux de l'Ukraine des munitions pour 800 millions d'euros, rappelant ainsi qu'elle n'est pas un allié de la Russie.
C'est ce qu'a rapporté le journal britannique Financial Times, citant ses sources. Le président serbe Aleksandar Vučić a confirmé que cette estimation pourrait être proche de la réalité.
"Probablement, cette somme correspond à deux ou trois ans, à peu près. Cela fait partie de notre renouveau économique, et c'est important pour nous. Oui, nous exportons des munitions. Nous ne pouvons pas les exporter directement vers l'Ukraine ou la Russie, mais nous avons de nombreux contrats avec les Américains, les Espagnols, les Tchèques et d'autres. Ce qu'ils en font ensuite, c'est leur affaire. Même si nous le savions, ce n'est plus mon travail", a déclaré Vučić.
À noter un autre point intéressant de son commentaire. Vučić a souligné que son rôle en tant que président était seulement de garantir que les transactions d'armes soient légales: "Je dois m'occuper de mon peuple, et c'est tout ce que je peux dire. Nous avons des amis à Kiev et à Moscou. Ce sont nos frères slaves."
Selon le président serbe, Belgrade a "des amis à la fois à Kiev et à Moscou", et l'augmentation de la demande d'armements en Europe dans le contexte du conflit en Ukraine constitue une "opportunité idéale" pour l'industrie militaire serbe de renforcer sa position sur le marché grâce à des prix compétitifs.
Le ministre des Finances serbe, Sinisa Mali, a noté que la Serbie restait largement en retard par rapport aux pays plus développés en termes de potentiel de l'industrie de défense, mais que le moment était venu de saisir cette opportunité.
Comme l'a rapporté l'agence Reuters en avril 2023, se référant à une fuite de documents secrets du Pentagone, Belgrade aurait accepté de fournir des armes à Kiev ou l'aurait déjà fait. En réponse, les autorités serbes ont nié cette information, la qualifiant d'infox.
Ce qui est frappant, c'est surtout la franchise avec laquelle Vučić a reconnu que des livraisons d'armes serbes à l'Ukraine avaient eu lieu. Le fait que la Serbie, sans adhérer aux sanctions occidentales, aide néanmoins Kiev a commencé à être rapporté par les médias en février 2023. À cette époque, une information est apparue sur une chaîne Telegram russe concernant des livraisons d'armes serbes via la Turquie et la Slovaquie. Une entreprise privée serbe était impliquée dans ces livraisons. En conséquence, l'Ukraine a reçu 3.500 roquettes de 122 mm pour les lance-roquettes multiples Grad.
Vučić avait alors qualifié cette information de "mensonge flagrant". "Nous n'avons vendu aucune pièce d'artillerie, arme ou munition que ce soit à la Russie ou à l'Ukraine", avait-il déclaré en février 2023 lors d'une conférence de presse pendant sa visite au Qatar. Le ministère serbe de la Défense, de son côté, avait annoncé qu'il ne commenterait pas les actions des entités privées. "Si des entreprises privées achètent des armes sur les marchés à l'étranger et les vendent dans d'autres pays, cela ne concerne pas la Serbie et ses obligations légales", avait alors déclaré le ministre de la Défense de l'époque, Miloš Vučević. Depuis avril 2024, il est Premier ministre du pays. Les experts le considèrent comme une créature de Vučić, assez proche du président et ne menant pas ses propres magouilles dans le dos de son patron.
Le commentaire du leader serbe au Financial Times ne contredit pas ce qu'il disait il y a deux ans. La Serbie ne vend effectivement pas d'armes directement à l'Ukraine. Mais indirectement, elle le fait quand même, si l'on en croit encore une fois le commentaire de Vučić.
La Serbie n'est pas membre de l'UE ou de l'Otan. Avec la Hongrie, ce sont les deux pays européens qui n'ont pas soutenu les sanctions contre la Russie en raison de ses actions en Ukraine.
Moscou demandera à Belgrade d'expliquer les informations sur les livraisons de munitions serbes en Ukraine, indique le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. "Nous avons vu et entendu les déclarations en ce sens du président de la Serbie Aleksandar Vučić. Nous allons demander des explications lors des contacts avec nos amis serbes", a-t-il précisé.
Alexandre Lemoine
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