25.06.2024
Ce lundi 24 juin, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, s'est rendu à Washington où, selon ses propos, des "négociations critiques" doivent avoir lieu concernant les conflits de Tel Aviv avec le Hamas dans la bande de Gaza et le Hezbollah au Liban. Cependant, la logique des récents évènements et des déclarations indique que le ministre de la Défense est venu aux États-Unis avant tout pour obtenir une augmentation des livraisons d'armes.
Au cours des derniers mois, la Maison Blanche ne faisait que promettre au gouvernement Netanyahou des armes déjà promises, comme le Premier ministre israélien l'a rappelé dans une interview à la télévision israélienne. "Nous avons reçu toutes sortes d'explications, mais nous n'avons pas obtenu une chose: la situation n'a pas fondamentalement changé", a constaté Benjamin Netanyahou. Il a ensuite exprimé l'espoir que cette question serait résolue dans un avenir proche.
C'est Yoav Gallant qui est chargé de le négocier lors de ses rencontres avec le secrétaire américain à la Défense, le secrétaire d'État et l'envoyé spécial de la Maison Blanche. Il est évident que le problème des livraisons ne réside pas seulement dans la vision différente de Netanyahou et de Biden concernant le règlement dans les territoires palestiniens. La réalité est plus simple: les Américains manquent de capacités pour répondre simultanément aux besoins d'Israël et de l'Ukraine, ainsi qu'aux demandes d'autres clients. Washington doit faire un choix. Ces derniers mois, la priorité a été donnée à Kiev, ce que Tel Aviv a immédiatement ressenti. Mais la situation pourrait rapidement changer, étant donné l'invitation reçue par le Premier ministre israélien à prendre la parole devant le Congrès américain le 24 juillet. Netanyahou a déclaré qu'il en était "très touché".
Et maintenant, des jours sombres commencent pour l'équipe de Biden. Comme l'écrit le journal Politico, "la Maison Blanche estime que le chef du gouvernement de l'État hébreu pourrait utiliser la tribune du Congrès pour critiquer le président américain pour son soutien insuffisant aux mesures de rétorsion contre le Hamas". "Personne ne sait ce qu'il [Netanyahou] va dire", a avoué un haut fonctionnaire à Politico.
La situation semble diplomatiquement périlleuse pour Biden: en qualifiant le Hezbollah et le Hamas d'organisations criminelles, l'administration américaine ne peut pas refuser à Israël des livraisons d'armes pour lutter contre ces groupes. Les accusations indirectes de Netanyahou concernant le manque d'attention de la Maison Blanche à la lutte contre le terrorisme fournissent déjà des arguments supplémentaires à Donald Trump pour critiquer le président américain. Si le ministre israélien Gallant ne reçoit pas les armes demandées à Washington, il est certain que Tel Aviv renforcera sa critique de Biden.
La prochaine apparition de Netanyahou au Congrès ne présage rien de bon pour les démocrates. La dernière fois que le Premier ministre israélien a pris la parole devant les législateurs américains, c'était en 2015. Son discours avait été qualifié de gifle au président de l'époque, Barack Obama, qui négociait alors l'accord nucléaire avec l'Iran. De plus, 60 représentants démocrates avaient délibérément boycotté le discours de Netanyahou, ce qui avait provoqué de vifs débats internes au parti.
La situation actuelle semble encore plus tendue. Selon le New York Times, de nombreux membres du Congrès sont déchirés entre leur soutien de longue date à Israël et leur opposition à l'opération dans la bande de Gaza, qui a causé de nombreuses victimes civiles. Les sondages montrent que les actions de Tel Aviv ont déjà eu un impact négatif sur les taux d'approbation de Biden dans des segments électoraux clés. Ainsi, la question de savoir s'il faut applaudir ou huer le prochain discours du Premier ministre israélien divise profondément les démocrates au Congrès. Pendant ce temps, les législateurs républicains espèrent que Netanyahou critiquera publiquement Biden pour son manque de soutien à Israël et ses erreurs en politique étrangère.
Le scénario des évènements deviendra clair après la visite du ministre israélien de la Défense à Washington. Mais Kiev en sortira inévitablement perdant. Les projets de l'État hébreu d'élargir ses actions militaires au Liban pour repousser les troupes du Hezbollah de la frontière nécessiteront beaucoup plus de livraisons d'armes que les affrontements avec le Hamas. Le pouvoir de propagande et de lobbying de Tel Aviv est nettement plus fort que celui de Kiev, il est donc facile de prévoir vers qui le complexe militaro-industriel américain se tournera en priorité.
Selon le Guardian, il suffirait d'une frappe aérienne accidentelle ou d'un assassinat sur le territoire libanais ou israélien pour plonger tout le Moyen-Orient dans le chaos. Le président du comité des chefs d'état-major interarmées des États-Unis, Charles Brown, a averti qu'une offensive israélienne au Liban "augmenterait le risque d'un conflit plus large impliquant l'Iran et des combattants associés". La visite du ministre israélien de la Défense à Washington offre à la Maison Blanche une dernière chance de dissuader Netanyahou d'entamer la prochaine phase de guerre contre le Hezbollah.
Alexandre Lemoine
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