02.07.2024
Le 28 juin, la République islamique d'Iran a tenu une élection présidentielle anticipée. Il s'agissait de la 14e présidentielle en 45 ans d'existence de l'Iran. Les Iraniens ont voté pour élire leur neuvième président.
L'élection anticipée a été convoquée en raison du décès du président Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère le 19 mai. 58.640 bureaux de vote ont été mis en place dans le pays et 344 à l'étranger, dans près de 100 pays, pour la tenue de cette élection, sachant que le nombre d'électeurs s'élève à 61.452.321 personnes. La sécurité dans les bureaux de vote était assurée par près de 800.000 agents des forces spéciales et de la police.
Le 29 juin, le représentant du siège électoral a annoncé les résultats définitifs du vote. Au total, 24.535.185 voix ont été exprimées. Le taux de participation des électeurs était de 39,92%, le plus faible de l'histoire de l'Iran.
Massoud Pezeshkian a recueilli 10.415.991 voix (42,5%), Saïd Jalili a obtenu 9.473.298 voix (38,6%), Mohammad Bagher Ghalibaf 3.383.340 voix (13,78%), et Mostafa Pourmohammadi 206.397 voix (0,84%). Il y avait 1.056.159 bulletins nuls et invalides (4,3%).
Les résultats du vote du 28 juin montrent qu'aucun des candidats n'a obtenu 50% + 1 voix des électeurs, donc conformément à la loi iranienne, un second tour de scrutin aura lieu le vendredi 5 juillet. Ce jour-là s'affronteront les deux gagnants du premier tour, Massoud Pezeshkian et Saïd Jalili. Ils ont une semaine pour mener leur campagne électorale et des débats télévisés avant le jour du scrutin.
Dans l'histoire de l'Iran, il n'y a eu qu'un seul second tour des élections présidentielles: en 2005, lorsque le partisan de la ligne dure Mahmoud Ahmadinejad a battu l'ancien président Ali Akbar Hashemi Rafsanjani.
Que réserve l'avenir à l'Iran le 5 juillet?
Le président du parlement Mohammad Bagher Ghalibaf a appelé ses partisans à voter pour Saïd Jalili. Mostafa Pourmohammadi, qui n'a pas non plus obtenu suffisamment de voix, a gardé une position neutre, se contentant d'inciter les électeurs à venir voter le 5 juillet. Ali Reza Zakani et Amir Hossein Ghazizadeh Hashemi, qui se sont retirés de la course présidentielle avant les élections, ont exprimé leur soutien aux fondamentalistes, également appelés "principialistes" en Iran. Ainsi, un front uni de fondamentalistes et de conservateurs s'oppose au réformiste Pezeshkian.
Le 5 juillet, ce ne sera pas seulement un duel entre deux politiciens, mais entre deux concepts idéologiques opposés. Les électeurs iraniens devront déterminer laquelle des deux visions, fondamentaliste ou réformatrice, le nouveau président devra proposer au guide suprême comme base de son action en tant que président du pays. Bien sûr, le président ne pourra pas changer radicalement la politique stratégique, mais il pourra lui apporter une certaine nuance, ce qui pourrait sans aucun doute influencer la politique nationale et étrangère de l'Iran.
Les résultats du second tour dépendent de la volonté des électeurs qui, sans aucun doute, veulent voir leur pays prospérer.
Or les problèmes de l'Iran sont nombreux. Quel que soit le neuvième président de la République islamique, il fera face à des difficultés majeures dès le premier jour. Le mécontentement social, qui a alimenté des manifestations répétées, l'état de crise de l'économie et la baisse du niveau de vie de la population sont les principaux problèmes intérieurs. La guerre au Moyen-Orient et les relations tendues de l'Iran avec Israël et les États-Unis sont en tête de l'agenda de la politique étrangère. Tous ces sujets sont en quelque sorte liés au dossier nucléaire de l'Iran.
Comment le président Saïd Jalili ou le président Massoud Pezeshkian aborderont-il ces problèmes?
Saïd Jalili, 58 ans, est un politicien ultra-rigide, proche du guide suprême Khamenei et protégé de son fils Mojtaba. Il jouissait d'une influence significative dans l'administration Raïssi. Actuellement membre du Conseil de discernement de l'intérêt supérieur du régime, il est un partisan intransigeant du guide suprême et de ses opinions, soutenant pleinement la politique menée par feu Ebrahim Raïssi.
Jalili défend les normes religieuses et politiques conservatrices, y compris le hijab obligatoire et le contrôle strict de la presse et d'Internet. En politique étrangère, il prône la poursuite de la confrontation avec l'Occident et rejette tout dialogue avec celui-ci. En tant qu'ancien négociateur sur le nucléaire iranien, Jalili connaît parfaitement la situation dans ce domaine. Il est contre la reprise de l'accord sur le nucléaire iranien (Plan d'action) avec les États-Unis et les pays d'Europe occidentale et plaide pour un enrichissement de l'uranium iranien à 90% à des fins militaires.
Saïd Jalili est connu pour ses opinions nationalistes et sa profonde conviction quant à la supériorité morale et stratégique de l'Iran et son succès dans la lutte contre l'agression américano-israélienne.
Massoud Pezeshkian, 69 ans, originaire de la province de l'Azerbaïdjan occidental, est un chirurgien cardiaque de formation et a été ministre de la Santé dans le gouvernement du président réformateur Mohammad Khatami.
Pezeshkian est un politicien réformateur ou, comme il se décrit lui-même, un "réformateur conditionnel". Tout au long de sa carrière politique, Pezeshkian appelait constamment à l'unité entre les différents groupes politiques. Il croit que "la force de l'Iran réside dans l'unité" et qu'il est important "d'accepter l'existence de différences de points de vue et de goûts".
Il critiquait le gouvernement concernant le port du hijab. Après le décès de Mahsa Amini en 2022, il a déclaré: "Nous voulons que nos enfants soient modestes, mais si notre comportement les pousse à haïr notre religion, nous devons au moins nous abstenir de continuer à utiliser cette méthode." Pezeshkian insiste sur l'assouplissement des restrictions sociales, y compris une attitude plus clémente envers le port obligatoire du hijab par les femmes.
En ce qui concerne la politique étrangère, Massoud Pezeshkian affirme que "le virage vers l'Est" et la dépendance à la Chine et à la Russie étaient une erreur. Il insiste sur le fait que la politique étrangère iranienne doit être multilatérale, que les sanctions doivent être levées et exprime la conviction que le sort de l'Iran et de son économie, et plus généralement de l'avenir iranien, dépend de la sortie de l'Iran de l'isolement, de la normalisation des relations avec l'Occident et, au moins, de la réduction de la confrontation avec les États-Unis. Par conséquent, il est favorable à la reprise de l'accord nucléaire, ce qui conduirait à l'assouplissement ou même à la levée des sanctions contre l'Iran.
Les réformateurs plus radicaux critiquent Pezeshkian pour ne pas mettre en avant les valeurs démocratiques et exprimer une soumission totale au guide suprême à chaque étape. En effet, tout en condamnant l'administration Raïssi comme étant incapable de résoudre les problèmes de l'Iran, Pezeshkian n'a pas franchi la ligne en critiquant publiquement le guide suprême Khamenei. Il a également défendu les principes fondamentaux du régime, selon lesquels les États-Unis sont la principale cause des tensions dans la région. En d'autres termes, Pezeshkian est un politicien réformiste systémique.
À quelques jours du second tour, il est donc difficile de prédire le résultat. Ce sont des forces puissantes et souvent antagonistes (bien qu'exclusivement dans le cadre des lois de l'Iran) qui s'affrontent.
Vladimir Sajine, politologue et orientaliste russe
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