01.08.2024
L'aggravation de la situation à la frontière libano-israélienne, l'assassinat du leader du Hamas Ismaïl Haniyeh et de commandants militaires du Hezbollah ont sérieusement inquiété le monde entier. Les évènements au Moyen-Orient attirent de nouveau l'attention générale. Cette "escalade contrôlée" avec des menaces incessantes va-t-elle devenir incontrôlable?
Le soir du 30 juillet, Israël a de nouveau attaqué le Liban. Des frappes ont touché les banlieues sud densément peuplées de Beyrouth, près de l'hôpital Bahman, à 100 mètres du quartier général du Hezbollah. Il y a des victimes et des blessés parmi la population civile, y compris des femmes et des enfants.
Tel Aviv a annoncé avoir ainsi éliminé un haut commandant du Hezbollah, responsable, selon lui, du bombardement du village druze de Majdal Shams sur le plateau du Golan occupé, qui a causé la mort de nombreux enfants. Un autre commandant militaire du mouvement a également été tué.
Il s'agit du chef d'état-major opérationnel, Fouad Mohsen Chokr, numéro deux dans la hiérarchie militaire de la structure pro-iranienne. Il était le conseiller principal du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah et le responsable du projet de missiles de haute précision. Il était recherché par les États-Unis pour sa participation à l'attentat contre des casernes d'infanterie de marine américaines à Beyrouth en 1983, qui a tué plus de 200 Marines.
Les États-Unis avaient offert une récompense de 5 millions de dollars pour sa capture. Quelqu'un au sein de Tsahal est maintenant millionnaire.
Ces derniers jours, la situation à la frontière israélo-libanaise s'est brusquement détériorée. Cette escalade survient après le début des hostilités dans la bande de Gaza en octobre 2023.
Dans ce contexte, le 31 juillet à Téhéran, le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, arrivé du Qatar pour l'investiture du nouveau président Massoud Pezeshkian, a été tué. Un missile a frappé l'endroit où il se trouvait avec son garde du corps. Le mouvement palestinien promet de riposter, menaçant Israël que cette attaque ne restera pas impunie.
La communauté internationale appelle toutes les parties à la retenue, craignant non seulement l'aggravation de la situation dans la bande de Gaza, où une opération israélienne d'une ampleur et d'une violence sans précédent se poursuit depuis près de 10 mois, mais aussi le début d'une autre guerre au Moyen-Orient, cette fois au Liban.
Le porte-parole de l'armée israélienne, Daniel Hagari, a déclaré lors d'une conférence de presse qu'il préférerait éviter une grande guerre dans la région, mais estime que le mouvement chiite Hezbollah mène le Liban et le Moyen-Orient vers une "large escalade", et que Tel Aviv est prêt à tout scénario.
Plus tôt, le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, a déclaré qu'Israël était proche d'une "guerre totale avec le Hezbollah et le Liban... Nous riposterons tant au front qu'à l'arrière, mais à la fin de la guerre, Nasrallah [le leader du mouvement] et le Hezbollah seront vaincus, et le Liban en souffrira gravement."
Le Liban traverse actuellement une crise économique extrêmement grave, et le pays est secoué par l'instabilité politique. Une nouvelle guerre risque d'anéantir pour de nombreuses années tout espoir de sortir de l'impasse.
Cependant, il est important de comprendre que ce n'est pas l'État libanais qui s'est formellement confronté à Israël, mais le Hezbollah, qui représente une grande partie de la population chiite du pays. Le mouvement est soutenu par Téhéran et ne se lancera probablement pas dans des actions sérieuses sans son approbation et son appui.
Ainsi, il faut d'abord parler d'une guerre hybride entre l'Iran et Israël au Liban, qui pourrait devenir quelque chose de plus important.
L'Iran réagit assez calmement à la tuerie qui dure depuis des mois à Gaza, malgré ses relations avec le Hamas et de nombreuses déclarations résonnantes. Les observateurs disent qu'il veut clairement éviter une implication directe dans le conflit et n'est pas prêt à sacrifier le Hezbollah, considéré comme son proxy. Cependant, en raison de sa rhétorique, il doit montrer son soutien au Hamas en attaquant périodiquement Israël. Mais cela n'exclut pas que dans certaines situations Téhéran pourrait être prêt à faire des concessions dans un marchandage avec Washington et, à travers lui, avec Tel Aviv.
Israël, de son côté, mène plutôt une politique d'escalade contrôlée, essayant d'éviter une grande guerre régionale aux conséquences imprévisibles et impliquant les voisins et les puissances mondiales. La position de Washington, qui soutient Tel Aviv militairement, financièrement et politiquement, est ici déterminante.
La Maison Blanche ne montre pas de succès particuliers ni à Gaza ni en Ukraine. Une guerre mondiale n'est pas souhaitée par les États-Unis, surtout en période de campagne électorale.
D'un autre côté, toutes les parties cherchent, en utilisant la violence jusqu'à un certain point et en essayant de ne pas déclencher un incendie géant, à sauver la face et à se présenter comme de fermes défenseurs de leurs propres intérêts. Une tâche qui nécessite une énorme retenue et un grand art.
Avec une tension incroyable, une profondeur des intérêts imbriqués et un dialogue conflictuel fermé et souvent indirect, quelque chose peut mal tourner à tout moment au Moyen-Orient.
Un dépassement accidentel du niveau, un mauvais calcul de l'escalade ou une réponse disproportionnée pourraient déclencher une augmentation incontrôlée de la violence que plus personne ne pourra arrêter. Oui, parfois, les guerres commencent même si les parties ne le souhaitaient pas.
Thierry Bertrand
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