15.08.2024
Dix ans après la proclamation de son "califat" et cinq ans après sa défaite finale en Syrie et en Irak, l'organisation terroriste État islamique (connue également comme ISIS ou Daech) continue de perdre du terrain, et le nombre d'attentats diminue chaque année. Toutefois, il est prématuré de parler d'un déclin progressif de son activité ou de prétendre que ce processus est irréversible. Au contraire, la géographie de l'activité terroriste de Daech s'étend progressivement à de nouveaux pays.
Une autre tendance inquiétante est le renforcement du contrôle territorial de l'État islamique après de nombreuses années d'inactivité. Ces succès ont eu lieu dans des régions d'Afrique où l'organisation apparaît actuellement comme la plus puissante sur le terrain. Aux secteurs déjà contrôlés par les terroristes dans le nord-est du Nigeria pourraient s'ajouter certaines parties du Mali, du Mozambique et de la Somalie.
Les terroristes ont su se réorganiser, et la baisse relative de l'intensité des opérations terroristes dans certaines régions n'était qu'une conséquence des transformations structurelles au sein du réseau terroriste de Daech, qui prend de nouvelles formes et fait preuve d'une capacité à renaître là où l'on pensait en avoir fini avec le "califat".
Grâce aux efforts du bureau Al-Furqan, les combattants de Daech - Wilayat al-Sahel - dont les forces comptent entre 2.000 et 3.000 hommes, ont pu s'établir au Mali et dans la région frontalière avec le Burkina Faso et le Niger. Comme le souligne le rapport de l'ONU de juillet 2024, al-Sahel cherche constamment à étendre son territoire vers le sud, notamment au Niger, où les attaques se sont intensifiées depuis le début de l'année.
Aujourd'hui, la coordination croissante entre le l'État islamique en Afrique de l’Ouest et le Wilayat al-Sahel (désigné dans les documents internationaux comme l'État islamique au Grand Sahara (EIGS)) pourrait constituer une menace directe pour les forces de l'Afrika Corps russe, déployées dans plusieurs États africains. Bien que le principal adversaire des militaires dans cette région soit le groupe Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM), affilié à Al-Qaïda, une reprise de la coordination entre le JNIM et Daech ainsi que des opérations militaires contre les gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger, ne peuvent être exclues.
Comme le souligne l'ONU, même une trêve fragile entre le JNIM et le Wilayat al-Sahel leur permet de poursuivre leur expansion et de contrôler des routes logistiques essentielles à leur survie. Si cette trêve se maintient en l'absence de progrès significatif dans la lutte contre le terrorisme dans la région, la formation d'un centre attirant des combattants d'autres régions, désireux d'accroître la menace à l'échelle internationale, devient de plus en plus probable.
Thierry Bertrand
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