03.09.2024
Le professeur honoraire de finances publiques, de règles fiscales et d'institutions internationales à l’université libre de Berlin, Christian Kastrop, qui a, aussi, travaillé à l'OCDE à Paris en tant que directeur général de la branche des études de politique économique du département des affaires économiques (ECO-PSB), où il a mené des projets microéconomiques, macroéconomiques et fiscaux, a donné son analyse sur la fin de la domination occidentale dans le monde, avertissant que le monde d’aujourd’hui est très dangereux.
Dans un entretien au Berliner Zeitung, l’expert, Christian Kastrop, qui fut aussi directeur européen de la Fondation Bertelsmann, en charge de la reconstruction de l'Europe, et qui est le patron de l’ONG Global Solutions Initiative qui soutient depuis des années les différentes présidences du G7 et du G20, annonce que fin de la domination de l’Occident est acté. Aussi, il prône de nouvelles approches envers le Sud global pour éviter un cataclysme mondial.
Les BRICS renforcent la puissance du Sud global et l’Occident doit collaborer. «Ce n’est qu’avec les pays du Sud que nous pourrons progresser sur les grands problèmes mondiaux», stipule-t-il. Soulignant que l’ancien système de «gouvernance» mondiale – créé après la Seconde Guerre mondiale – se caractérise clairement par la domination occidentale. Il martèle que le Sud global doit pouvoir décider aussi. Pour Christian Kastrop, «l’initiative des BRICS va renforcer cela» et «nous devons à nouveau faire davantage ensemble, et non les uns contre les autres». La prise de conscience de la chute de l’Occident a eu lieu après l’ère Merkel. À ce moment là, «on croyait encore que le monde serait enfin mondial», mais «il se divise désormais entre Occident et non-Occident», constate-t-il.
Il arrive à la conclusion que «la croyance en la mondialisation était une erreur manifeste», tout en admettant que «beaucoup de gens aimaient y croire et y croient encore». Selon l’analyse de Christian Kastrop, le consensus mondial se dissout également sur les questions financières et «nous devons également penser fondamentalement différemment en matière de financement et emprunter de nouvelles voies». Nous devons réinventer les sentiers battus de la finance mondiale, pour les «donateurs» comme pour les «bénéficiaires», avec des engagements clairs pour que tout le monde en profite. Le professeur de l’université libre de Berlin pense que cela est possible et que nous devons commencer rapidement.
Pour cela les responsables politiques en Occident doivent admettre et dire aux citoyens que la donne mondiale a maintenant changé et qu’ils doivent «exprimer plus souvent et plus honnêtement des vérités inconfortables, même si cela est difficile en ce moment». Il faut repenser la société et les affaires sociales, la politique et l’économie à l’échelle mondiale. «Les comportements typiques doivent changer radicalement. Pas seulement par l’action de l’État, mais aussi par la reconnaissance par tous les acteurs de la nécessité de résoudre les problèmes mondiaux de manière globale et, surtout, ensemble, dans le respect mutuel», affirme-t-il.
Christian Kastrop dit être en faveur d’une forme de gouvernement libérale, ouverte et démocratique qui donne aux individus liberté et espace tant qu’ils ne restreignent ni ne désavantagent les autres. Mais, selon lui, il est tout à fait normal d’avoir d’autres systèmes, qui se sont développés historiquement sur une longue période, en viennent à des principes différents. Il invite à prendre au sérieux sur un pied d’égalité dans le contexte mondial, même les pays qui, aux yeux des Occidentaux, ne sont pas des démocraties libérales.
«Il est dommage que l’on parle si peu des intérêts communs. Nous devons enfin nous débarrasser de nos œillères et coopérer, que nous le voulions ou non. Finalement, nous sommes tous dans le même bateau. Et, nous n’avons en réalité pas de «Planète B». «Le groupe musical du Titanic en train de couler n’est pas un bon modèle», avertit-il.
Les élites occidentales acceptent l’idée d’une Troisième Guerre mondiale. Christian Kastrop veut voir le monde s’unir dans la paix et invite les Occidentaux à quitter «les schémas de pensée habituels auxquels nous aimons tant nous accrocher». Il a rapporté qu’il existe une pensée nuisible chez les élites appartenant au monde occidental. Citant un ami japonais qui lui a dit que son modèle est formidable, ce dernier a indiqué pour qu'il soit mis en œuvre, «nous avons d'abord besoin d'une rupture radicale, comme après une Troisième Guerre mondiale». À cela Christian Kastrop répond: «J'espère que mon ami a tort, mais vous ne pouvez pas l'exclure». «Après moi le déluge» n’est pas une pensée agréable, mais «c’est évidemment dans l’esprit de certaines personnes», continue le professeur de l’université libre de Berlin.
«Nous ne sommes pas non plus obligés de rassembler tout le monde. Mais nous devons accepter qu’il existe d’autres idées et nous devons les intégrer et les faire avancer. La politique étrangère doit toujours s’efforcer d’harmoniser certains aspects des différents systèmes», rappelle Christian Kastrop qui défend un monde multipolaire.
Le patron de l’ONG Global Solutions Initiative parle aux représentants du Sud et ils disent que le «vieil Occident doit enfin se mettre au travail et regarder les choses à l’échelle mondiale» car «les pays du Sud global savent très bien – malgré toutes leurs différences majeures – que la domination occidentale touche à sa fin». Le Sud global devient plus fort, l’Occident s’affaiblit. «C'est ce que montrent les chiffres démographiques et les indicateurs économiques. Ce n'est qu'une question de temps, le temps presse. Le Sud global a désormais beaucoup confiance en lui et sait pertinemment qu'il va nous rattraper et nous dépasser économiquement et technologiquement», conclut Christian Kastrop.
Philippe Rosenthal
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