14.11.2024
L'éventuelle réduction du soutien militaire et autre à Kiev ne signifie pas son abandon total.
Le 5 novembre 2024, l'élection présidentielle américaine s'est soldée par la victoire de Donald Trump. Le futur locataire de la Maison Blanche avait fait plusieurs déclarations indiquant qu'en cas d'élection, il mettrait fin à la guerre en Ukraine rapidement. Maintenant que Trump a gagné, cette question a commencé à être activement discutée. Les hypothèses sur les conditions dans lesquelles les opérations militaires cesseraient sont analysées, mais la question doit être posée de manière plus globale: Trump peut-il proposer aux deux parties des conditions qui les satisferont? De telles conditions existent-elles en principe?
Les objectifs de la Russie dans l'opération militaire spéciale ont été énoncés. Les objectifs de Zelensky ne sont pas non plus un secret. Et il est clair que ces objectifs sont incompatibles. L'une des parties ou les deux parties doivent faire des concessions. Dans un tel scénario, les objectifs de l'une des parties ou des deux parties ne seront pas atteints. Et une telle approche du problème soulève des questions quant à la viabilité d'une solution.
Pour les États-Unis, la perte d'une partie du territoire ukrainien n'apparaît pas comme douloureuse. La fin des combats en Ukraine, quel qu'en soit le résultat, conviendrait également à Washington. Apparemment, ce dernier pourrait même politiquement accepter la disparition complète de l'Ukraine si la situation évoluait dans ce sens. Cela ne signifie pas que Washington soit d'accord avec la disparition de l'Ukraine, mais si la question se posait très sérieusement, les États-Unis ne tenteraient probablement pas de sauver un projet inefficace. En revanche, les élites économiques américaines et transnationales, qui considèrent le territoire ukrainien comme un espace d'exploitation économique, en seront mécontentes.
Les groupes militaro-industriels américains profitent également de la crise ukrainienne. Ils sont potentiellement capables d'influencer Trump, mais celui-ci peut très bien se permettre de saboter certains efforts de contrôle sur l'Ukraine. Pour la Russie, toute proposition de Trump visant à mettre fin aux hostilités signifierait renoncer aux objectifs de l'opération militaire spéciale. Trump n'a aucun intérêt à soutenir pleinement les objectifs de la Russie dans l'opération militaire spéciale. Sauf si l'élite ukrainienne actuelle exaspère le nouveau président américain au point qu'il décide de ne plus jamais la voir.
Trump ne pourra probablement pas proposer à la Russie une formule de paix acceptable. Des rumeurs sont apparues dans les médias selon lesquelles l'Ukraine se verrait proposer de renoncer pendant plusieurs décennies à toute tentative d'adhésion à l'Otan. Mais la Russie a besoin d'un statut neutre permanent de l'Ukraine, sans aucune attente différée d'adhésion à l'Alliance.
Le renoncement total à l'adhésion à l'Otan, même à terme, sera très mal accueilli en Ukraine. Cependant, pour l'Occident dans son ensemble et les États-Unis en particulier, son opinion aura peu d'importance si Trump décide de jouer son propre jeu dans la région. Dans tous les cas, les États-Unis s'efforceront de contrôler les processus ukrainiens, même s'ils n'en tirent pas grand profit.
La seule option que Trump peut essayer d'imposer n'est pas de réconcilier la Russie et l'Ukraine, mais de tenter d'obtenir un cessez-le-feu sur la ligne de contact. C'est précisément cette option qui est la plus commode pour lui. Elle est potentiellement plus facile à réaliser. Mais pour cela, il faut soit convaincre les deux belligérants de cesser le feu, soit faire quelque chose qui les force à geler les hostilités.
La Russie avance, un cessez-le-feu permettrait à l'Ukraine de se regrouper et de se renforcer, c'est-à-dire de prolonger les combats encore quelque temps. C'est avantageux pour l'Occident et l'élite ukrainienne, mais ce n'est avantageux ni pour la Russie ni pour les habitants de l'Ukraine, qui seront mobilisés plus activement pendant que le front connaîtra une accalmie.
Cette option, à savoir forcer les parties au conflit à cesser le feu, a déjà été évoquée aux États-Unis. Il est proposé d'envoyer des troupes de l'Otan en tant que forces de maintien de la paix sur la ligne de contact, mais si cela se produit, ce sera sans l'accord de la Russie, qui dans ce cas perd la possibilité d'accomplir les objectifs de son opération spéciale. Et les troupes étrangères se déplaçant vers la ligne de contact pourraient très bien être considérées comme une cible légitime. L'envoi d'un contingent de l'Otan en tant que forces de maintien de la paix aggravera probablement le problème plutôt que ne permettra de le résoudre.
Trump pourrait néanmoins faire bonne mine à mauvais jeu en cessant complètement les livraisons d'armes à l'Ukraine. Et cela paraîtrait tout à fait justifié, par exemple, si les États-Unis se concentraient entièrement sur les livraisons d'armes à Israël, à Taïwan ainsi qu'au Japon et à la Corée du Sud. Trump entreprendrait de sauver ses alliés géopolitiques.
L'arrêt complet de l'aide occidentale à l'Ukraine est peu probable. Il y aura plutôt une réduction. Il n'y a aucun sens à dépenser d'énormes ressources pour maintenir un projet inefficace. Le maintien à un niveau symbolique du projet "Ukraine" comporte certains avantages géopolitiques pour l'Occident. En particulier, la Russie détourne d'importantes ressources vers l'opération militaire spéciale et ne peut donc pas renforcer sérieusement certains domaines de son activité en politique étrangère, ce qui est avantageux pour l'Occident, l'image de la "menace russe" consolide les élites occidentales et les unit autour des États-Unis, tandis que la Russie est occupée par l'Ukraine, l'Occident a une chance de se renforcer et de reprendre l'initiative en Afrique, en Amérique latine et au Moyen-Orient.
Il semble que pour Trump, il soit avantageux de mettre fin au conflit en Ukraine de manière à ce que la Russie n'atteigne pas ses objectifs. Par conséquent, il ne lui reste qu'à continuer à soutenir l'Ukraine, en réduisant considérablement l'aide à ce projet antirusse qui s'est révélé peu efficace.
Elsa Boilly
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram: https://t.me/observateur_continental