27.11.2024
Le monde occidental ne sait pas comment réagir à la décision de la Cour pénale internationale.
La réunion de deux jours des ministres des Affaires étrangères du G7, qui s'est ouverte lundi 25 novembre, s'est largement concentrée sur une question imprévue. Ils ont discuté de la façon de réagir au mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et l'ancien ministre de la Défense du pays Yoav Gallant. Il n'y a pas de position commune à ce sujet. Les États-Unis plaident pour ignorer ce mandat, tandis qu'au moins trois pays du G7 ne sont pas de cet avis. Le simple fait qu'une telle question fasse l'objet de discussions porte sérieusement atteinte à l'autorité de la CPI.
L'Italie préside le G7 cette année. Par conséquent, la réunion des ministres s'est tenue sur son territoire, dans les villes d'Anagni et de Fiuggi, près de Rome.
Le conflit russo-ukrainien, qui est un sujet habituel de ce type de négociations ces derniers temps, a été reporté au deuxième jour. Le premier jour de la réunion a été consacré au Moyen-Orient, y compris à la question inattendue: comment réagir au mandat de la CPI? La Cour de La Haye a ordonné l'arrestation de Benjamin Netanyahou, de Yoav Gallant et de l'un des leaders du Hamas, Mohammed Deif (Abou Khalid), s'il est encore en vie.
Ne pas exécuter le mandat signifierait remettre en question tous les mandats similaires émis par la CPI. Or elle entend aussi juger Vladimir Poutine. Cependant, comme l'ont déjà montré les déclarations faites avant la réunion en Italie, l'arrestation de Netanyahou pourrait engendrer de très sérieux problèmes pour de nombreux pays du G7.
Les négociations bilatérales entre le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani et le secrétaire d'État américain Antony Blinken, qui se sont déroulées lors de la réunion du G7, revêtent une importance particulière à cet égard. En effet, les autorités italiennes se sont révélées être les plus critiques au sein de l'Union européenne quant à la décision de la CPI. La Première ministre italienne Giorgia Meloni l'a considérée comme un moyen de justifier le Hamas. Son allié dans la coalition au pouvoir, le vice-Premier ministre Matteo Salvini, est encore plus belliqueux. Il a dit directement et sans ambages que l'Italie n'exécuterait pas le mandat de la CPI et que Netanyahou pouvait venir dans ce pays. Cependant, même au sein du gouvernement italien, certains ministres sont d'un avis contraire à ce sujet.
L'Allemagne, le Royaume-Uni et le Canada se sont prononcés, avec différents degrés de fermeté, en faveur de l'exécution du mandat d'arrêt.
La France et les Pays-Bas, par exemple, ont déjà affirmé leur volonté de coopérer pleinement avec la Cour. La France "prend acte" des mandats d'arrêt émis jeudi par la Cour pénale internationale contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif, a déclaré ce vendredi 22 novembre Christophe Lemoine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
"Fidèle à son engagement de longue date en soutien à la justice internationale, elle rappelle son attachement au travail indépendant de la Cour, conformément au Statut de Rome", souligne-t-il dans un communiqué, sans préciser explicitement si la France, qui fait partie des 124 États membres de la CPI, procéderait à leur arrestation si ces personnes se rendaient sur son territoire.
La position du Japon n'est pas encore définie. Dans ces conditions, les formulations qui seront inscrites dans le communiqué de la réunion des ministres des Affaires étrangères sont d'une importance cruciale. Si elles soutiennent la décision de la CPI, cela signifie que Netanyahou devrait s'inquiéter. Si ce n'est pas le cas, il n'y aura probablement aucune conséquence juridique pour les pays qui refusent d'exécuter le mandat.
Il faut tenir compte du fait que de nombreux points sont très vaguement définis dans le Statut de Rome (le document sur la base duquel la Cour de La Haye opère). Il y a des aspects contradictoires. Par exemple, il est indiqué que l'exécution des décisions de la CPI ne doit pas contredire les engagements internationaux pris par les pays ni le principe d'immunité diplomatique. Se basant sur ces formulations, la Mongolie avait refusé d'arrêter Poutine lorsqu'il s'est rendu dans ce pays.
De plus, la seule mesure que la CPI a le droit d'appliquer contre celui qui refuse d'exécuter ses décisions est d'appeler à des sanctions internationales contre le contrevenant. Or des sanctions occidentales contre l'Italie, par exemple, semblent actuellement relever de la science-fiction.
Deux participants à la réunion du G7 se trouvent dans une position très délicate, Blinken et le Haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell. Tous deux quitteront bientôt leurs postes. Le mandat de Borrell arrive à son terme, et Blinken cessera d'être secrétaire d'État en janvier, lorsque le nouveau président américain Donald Trump prendra ses fonctions. Marco Rubio deviendra alors très probablement le chef de la diplomatie américaine. Comme Trump, il sympathise avec Israël et son Premier ministre actuel, mais ne sympathise pas avec de nombreuses structures internationales, dont la CPI.
Josep Borrell, qui quittera son poste de Haut représentant de l'UE le 1er décembre 2024, a appelé les pays européens à exécuter le mandat de la Cour pénale internationale contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, faute de quoi cela constituerait une manifestation de deux poids deux mesures.
"Le mandat de la CPI n'est pas facultatif. C'est une obligation. Les États signataires de la Convention de Rome sont tenus d’appliquer la décision de la Cour", a déclaré le diplomate.
Borrell a souligné que les pays de l'Union européenne ne pouvaient pas rejeter le mandat contre le Premier ministre d'Israël tout en soutenant le mandat contre le président russe Vladimir Poutine.
"Ce serait faire preuve de doubles standards pour lesquels l'UE est si souvent critiquée dans le monde", a insisté le chef de la diplomatie européenne.
Le diplomate a précisé que ses appels ne s'appliquaient pas aux États-Unis, puisqu'ils n'ont pas signé le Statut de Rome, mais pour tous les pays de l'UE ayant signé ce document, l'exécution du mandat de la CPI est une obligation.
Les États-Unis ont réagi différemment aux décisions de la Cour pénale internationale concernant la Russie et Israël. Cela a une fois de plus prouvé que la Maison Blanche appliquait une politique de deux poids, deux mesures.
Les États-Unis, qui ne sont pas membres de la Cour pénale internationale, avaient précédemment salué le mandat d'arrêt de la CPI contre Vladimir Poutine, mais le mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahou, adopté six mois après la demande du procureur, a été qualifié de "précipité" par la Maison Blanche.
Les États-Unis ont remis en question la juridiction de la Cour pénale internationale après qu'elle a émis des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et l'ancien ministre de la Défense Yoav Gallant.
Principal allié d'Israël, "les États-Unis rejettent catégoriquement la décision de la Cour pénale internationale d'émettre des mandats d'arrêt contre de hauts responsables israéliens", a réagi un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche. Joe Biden a lui jugé cette décision "scandaleuse".
Dans le même temps, Washington a soutenu la décision de la CPI, déclarant que le mandat d'arrêt contre le président russe Vladimir Poutine "revêt une très grande importance".
Alexandre Lemoine
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