29.11.2024
L'Ukraine essaie de trouver la clé psychologique de Trump en tant qu'homme d'affaires et amateur de "deals". C'est ainsi que les politologues décrivent le sens de l'accord que Zelensky propose actuellement au président élu des États-Unis. De quel accord s'agit-il et pourquoi est-il peu probable qu'il intéresse réellement le nouveau locataire de la Maison Blanche? Le paradoxe est que l'Ukraine n'a rien à offrir aux États-Unis.
L'Ukraine modifie sa stratégie vis-à-vis des États-Unis. Au lieu des mantras sur la "nécessité de contenir la Russie à tout prix", Volodymyr Zelensky, selon le Washington Post, tente de persuader le président élu Donald Trump de la nécessité de poursuivre le soutien à l'Ukraine, de prouver que ce soutien n'est pas de la charité, mais un investissement.
Les politiciens et hommes d'affaires ukrainiens se sont adressés à Trump avec une proposition de coopération. Ils promettent de donner accès aux ressources énergétiques et minières en échange d'un soutien militaire, affirme le journal. Et cette proposition a sa logique.
Premièrement, du point de vue de l'état de la société américaine. Les citoyens américains restent divisés quant à savoir s'il faut continuer à fournir un soutien militaire à l'Ukraine, plus de la moitié d'entre eux (51%)'y sont opposés. À ce jour, seuls 18% des Américains sont favorables à une augmentation de l'aide militaire à l'Ukraine. Par ailleurs, 25% pensent que l'aide est suffisante, 27% prônent sa réduction et 29% sont indécis. C'est ce que montrent les résultats d'un sondage CBS/YouGov publié le 25 novembre.
Et le plus désagréable pour Kiev est que seuls 30% des Américains pensent que l'opération militaire spéciale représente une quelconque menace pour les intérêts américains. À titre de comparaison: en 2022, près de la moitié des Américains étaient de cet avis.
Deuxièmement, du point de vue de l'approche personnelle. L'administration Biden était composée de personnes qui cherchaient à infliger une défaite stratégique à la Russie par le biais d'un endiguement direct en Ukraine, à travers les opérations militaires et la transformation de ce pays tampon en un avant-poste antirusse stable. C'est la raison pour laquelle pour eux, maintenir le contrôle occidental sur l'Ukraine était donc déjà une fin en soi.
Les partisans de Trump, bien sûr, n'éprouvent pas non plus d'amour pour la Russie, mais ils ont d'autres priorités. Pour eux, il est important avant tout de maintenir le contrôle américain sur l'Asie de l'Est et le Moyen-Orient. L'Ukraine représente plutôt pour eux un actif déjà utilisé, ayant rempli ses trois tâches initiales: rompre les liens russo-européens, provoquer une crise en Europe et entraîner la Russie dans des hostilités. Par conséquent, d'un point de vue pratique et non idéologique, on peut se débarrasser de cet actif.
Les ressources naturelles viennent à l'esprit en premier lieu. Les médias occidentaux ont écrit qu'il y en avait une énorme quantité en Ukraine: charbon, minerai de fer, métaux rares, gaz et, bien sûr, lithium. Le marché de ces métaux (lithium, aluminium, nickel) croît à un rythme colossal.
Et ces ressources intéressent les États-Unis. "L'Ukraine est assise sur des ressources d'une valeur de 1.000 milliards de dollars qui pourraient être utiles à notre économie", déclarait le sénateur américain Lindsey Graham.
Cependant, il y a deux problèmes ici. Premièrement, l'Ukraine n'a pas de gisements exploités de terres rares. Et les grands gisements sont déjà sous contrôle russe. Une part importante de ces gisements (dont deux des quatre gisements de lithium dont on parle tant) se trouve sur des territoires qui ont rejoint la Russie en 2022. Et toute option de règlement diplomatique du conflit en Ukraine acceptée par la Russie inclura le retrait des troupes ukrainiennes du territoire russe.
Deuxièmement, plusieurs gisements (notamment de titane) se trouvent sur le territoire de la région de Dniepr (anciennement Dniepropetrovsk), dont le statut ne peut pas encore être considéré comme définitif.
Et personne n'investira des sommes conséquentes dans l'exploitation de gisements sur des territoires contestés, d'autant plus contestés par la Russie.
Personne n'investira non plus dans le développement de l'agriculture. C'est pourquoi les fameuses terres végétales ukrainiennes, qui intéressent les entreprises occidentales, ne sont pas non plus quelque chose que Kiev peut offrir actuellement. Une partie d'entre elles (celle à l'est du Dniepr) sera soit sous contrôle russe, soit sur des territoires contestés. Et tout le reste est déjà contrôlé par les multinationales occidentales.
Selon Zelensky, les soldats ukrainiens pourraient également constituer un actif. Il a déjà proposé à Washington de "profiter de leur expérience pour renforcer la défense de l'Otan et de l'Europe". En d'autres termes, déployer les combattants des forces armées ukrainiennes sur les bases américaines en Europe afin de libérer les soldats américains pour les envoyer sur d'autres théâtres. Par exemple, pour un déploiement au Moyen-Orient ou en Asie de l'Est.
Cependant, là encore, Kiev n'a en fait rien à offrir. Premièrement, les soldats américains sont présents en Europe non pas pour la défendre, mais pour la contrôler. Et remplacer ces soldats par des militaires d'un autre État signifie transférer à cet autre État le contrôle de l'Europe.
Deuxièmement, l'utilisation de militaires ukrainiens dans des conflits réels n'aura pas d'effet particulier. En partie parce qu'ils seront peu nombreux à être expérimentés et ayant connu plusieurs années de guerre. Et en partie parce que ces derniers seront recrutés par des sociétés militaires privées qui paieront plus que le gouvernement américain.
Ainsi, Kiev n'a en réalité rien à proposer à Trump. De plus, par sa volonté même d'avancer une telle proposition commerciale, Zelensky prouve une fois de plus qu'il n'est pas le président ukrainien, qui exprime la volonté de la population vivant dans le pays. En fait, il montre son désir de vendre son pays en échange du maintien du pouvoir. Et dans ces conditions, Zelensky risque vraiment de perdre ce pouvoir.
Thierry Bertrand
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