Pierre Lorrain est un journaliste et écrivains français (auteurs de livres de science-fiction), spécialiste de l'URSS, du monde post-soviétique et de la Russie et vient de publier ''L'Ukraine, une histoire entre deux destins''.
Observateur Continental: L'élection ?
Pierre Lorrain: L'élection a chamboulé tous les pronostics qui parlaient de duel entre Porochenko et Ioula Timochenko. Une grande partie de la population ukrainienne veut quitter les politiciens du passé. On a beaucoup traité Zelenski de clown mais je crois qu'une grande partie de la population ukrainienne considère que les véritables clowns c'est la classe politique qui était en place et non pas lui.
O.C.: Qui serait derrière Zelenski ?
Pierre Lorrain: C'est un acteur, producteur, qui dit des choses tout à fait censées et qui a réussi dans le show-business. Le point obscur c'est qu'il travaille pour la chaîne de télévision 1+1 détenue par l'oligarque, Igor Kolomoïskiy, qui est en rivalité depuis 2015 avec Porochenko. Zelenski est suffisamment riche pour se financer. Il est important de voir que Igor Kolomoïskiy aurait pu mettre un terme à la campagne de Zelenski car c'est lui le propriétaire de la chaîne 1+1. Cette chaîne, au lieu de présenter les vœux du président Porochenko pour la nouvelle année, a diffusé la déclaration de candidature de Zelenski à la présidentielle.
O.C.: Porochenko peut gagner ?
Pierre Lorrain: Porochenko peut très bien remporter les élections en jouant sur les ressources administratives pour favoriser son vote dans certaines régions. Il peut créer une grande coalition des candidats perdants autour de lui pour montrer que toute l'Ukraine est derrière lui et créer un mouvement d'opinion. Si il parvient à obtenir la totalité des électeurs de Iula Timochenko il se retrouve à égalité avec Zelenski mais c'est très improbable. Pour gagner l'élection, il peut également se produire que Zelenski ait un accident d'automobile ou bien il peut se produire qu'il soit empoisonné à la dioxine. Précisez bien que mes propos sont ironiques. Je me réfère clairement à ce qui s'est déroulé dans le passé en Ukraine et à des choses qui se sont passées plus récemment comme le meurtre de certaines personnes qui dérangent. Peut-être que M. Zelenski va faire une rencontre fortuite avec une balle de 9 millimètres. Ce que je dis sont des hypothèses absurdes mais on ne sait jamais ce qu'il peut se passer.
La seule manière pour Porochenko de gagner est de sortir de la ligne démocratique soit par le trucage ou par des mesures autres qui peuvent simplement discréditer Zelenski en le désignant comme quelqu'un de corrompu, par exemple, en sortant des affaires, des complomates qui seraient certainement fabriqués.
O.C.: Intégration de l'Ukraine dans l'UE ?
Pierre Lorrain: On peut rester au niveau de la situation actuelle où l'on fait des affaires mais il est également possible d'envisager d'autres choses comme demander l'intégration à l'UE ce que voulait faire Porochenko.
Si Zelenski gagne on assistera à une remise totale en question de toute la politique ukrainienne qui a été menée depuis dix ans. On peut faire de l'Ukraine un pont entre la Russie et l'Union EU. Zelenski a déclaré qu'il engagerait des négociations avec la Russie. Si ces négociations sont lancées, elles vont réussir forcément car la position de la Russie c'est celle des accords de Minsk. La seule solution pour le Donbass, c'est le changement de la constitution ukrainienne et l'introduction d'une certaine autonomie. Si cela se fait la situation se calme, le Donbass redevient une partie industrielle active de l'Urkaine. L'Ukraine doit trouver un statut qu'il lui permette de commercer avec les uns et les autres.
O.C.: L'intégration de l'Ukraine avec l'OTAN ?
Pierre Lorrain: Cela ne se fera pas car les membres importants de l'Europe ne voudront pas l'intégrer car c'est un risque considérable de conflit avec la Russie. Tant que les conflits avec la Russie se bornent à des prostestations verbales, à des conflits limités, à des manœuvres militaires, à des survols d'avions de la mer baltique ou de la Mer Noire, avec des militaires qui s'amusent entre-eux, ça va. C'est un argument politique, électoral.