Adlène Meddi né le 16 août 1975 à EL Harrach, banlieue Est d'Alger, est un journaliste, reporter et écrivain algérien d'expression française qui a publié 1994 en 2017 qui retrace les années de la guerre civile en Algérie. Il était de 2009 à 2016, rédacteur en chef de l'hebdomadaire El Watan week-end et collabore au magazine Le Point et au site Middle East Eye.
Observateur Continental: Satisfait du départ de Bouteflika ?
Adlène Meddi : Oui et non. Oui car un cinquième mandat aurait été une humiliation de trop. Symboliquement, c’est une victoire historique, mais ce départ n’a pas servi à faire partir les parties les plus corrompus et incompétentes du régime qui, elles, s’accrochent face à la mobilisation populaire.
O.C.: Que veut le peuple algérien ?
Adlène Meddi : Les Algériens ne veulent pas de revanche ni de potence : ils veulent qu’ils soient respectés comme des citoyens, ils veulent que les richesses de leur pays ne soient pas dilapidées par un groupe de maffieux qui profitent de sa proximité avec les responsables politiques et surtout, ils ne veulent plus qu’on touche à leur dignité.
O.C.: L'armée va prendre le pouvoir ?
Adlène Meddi : Non. C'est un arbitre face à l’effondrement des institutions civile minées par la corruption et l’indigence. L’armée a une place particulière en Algérie : elle existe bien avant l’État en soi. Elle est aussi traumatisée par les violences qu’elle a commise en 1988 quand la troupe était face à l’émeute, seule ; quand dans les années 1990 elle a pris sur elle la terrible guerre contre le terrorisme.
O.C.: Une ingérence étrangère ?
Adlène Meddi : Toute ingérence est radicalement rejetée par les Algériennes et les Algériens. C’est un sentiment très fort ce refus, car les exemples libyens et syriens sont très présents dans l’esprit des Algériens. Le seul drapeau étranger qu’on voit lors des manifestations est celui de la … Palestine. Cela est pour marquer la puissante solidarité entre les deux peuples. Sinon, les capitales étrangères semblent se contenter d’observer, et chacune regarde de près ses propres intérêts. Paris est prudente à cause des plusieurs millions de franco-algériens ou d’Algériens qui vivent sur son territoire ; Washington ne s’intéresse qu’au volet énergétique et la lutte antiterroriste.
O.C.: Le pouvoir gangrené par des conflits de clans, la corruption ?
Adlène Meddi : Terriblement. La corruption n’est plus cette dérive où certains détournent le bien public, elle est devenue un Pouvoir, un centre de décision qui influe sur la politique, les nominations de hauts responsables, qui s’intéresse à la gestion sécuritaire, aux choix économiques stratégiques…
O.C.: Menace de guerre civile ? Inquiet de voir se réaliser 1994 aujourd'hui ?
Adlène Meddi : Les Algériens ont beaucoup appris des années de plombs. Le fait que « silmiya » (pacifique) soit le slogan le plus important des marches depuis le 22 février renseigne sur l’attachement des Algériens à la paix civile. Ils ont identifié « l’ennemi » et savent très bien comment mener le combat : être déterminer et désarmer les tenants de la répression par la patience. Nous sommes très patients. Très.
O.C.: Le pouvoir convoité par les islamistes ?
Adlène Meddi : Ils sont en embuscade. Ceux qui sont organisés au sein de partis politiques jouent le jeu politique et veulent profiter de la situation pour mieux se placer dans les instances futures, mais ils savent que le commandement militaire et une partie de la société ne veulent pas d’eux comme gouvernants. D’autres islamistes, non structurés, surfent sur la vague du mécontentement généralisée, mais ne se montrent pas trop de peur d’éveiller les cauchemars des années 90.
O.C.: Quel avenir après Bouteflika ?
Adlène Meddi : Il est compliqué de se projeter vu que les événements s’accélèrent, mais j’espère que ma fille vivra dans un pays ou un policier fasse son travail de policier et non de gardien du système, où un juge applique la loi et non des directives reçues par téléphone, où une femme est respectée comme il se doit. L’avenir ne sera pas pire que les années de gaspillage et de corruption des années Bouteflika.