Après le vote, puis la signature de la loi sur la langue ukrainienne, la Russie a demandé la tenue d’une réunion en urgence du Conseil de Sécurité (CS) de l’ONU pour en discuter. L’Occident, s’enfermant toujours plus dans ses mensonges concernant l’Ukraine a préféré empêcher toute discussion sur ce sujet épineux en votant contre la tenue de cette réunion.
Pour rappel, il y a à peine un mois, après la signature par Vladimir Poutine du décret simplifiant l’octroi de la nationalité russe pour les habitants des Républiques Populaires de Donetsk et de Lougansk (RPD et RPL), l’Occident et l’Ukraine avaient rivalisé d’hystérie, allant jusqu’à convoquer une réunion en urgence du Conseil de Sécurité de l’ONU sur cette question. Le motif justifiant cette hystérie collective, était que cette disposition violerait prétendument les accords de Minsk (ce qui est totalement faux, rien dans les accords de Minsk ne concerne l’octroi de la nationalité russe aux habitants de la région).
Mais, « bizarrement », lorsque l’Ukraine vote une loi qui elle viole réellement les accords de Minsk, et empêchera toute application du volet politique de ces derniers, là l’Occident joue le singe qui ne voit rien, qui n’entend rien et qui ne veut rien savoir.
La loi instituant l’Ukrainien comme seule langue de la sphère publique empêche en effet tout multilinguisme (même local), qui fait partie des mesures d’autonomie régionale que Kiev doit accorder au Donbass dans le cadre du volet politique des accords de Minsk.
Il faut rappeler que c’est une loi retirant au russe son statut de langue régionale qui avait mis le feu aux poudres en Crimée et dans le Donbass et en partie déclenché la guerre civile en Ukraine. En empêchant presque totalement l’usage du russe dans la sphère publique, l’Ukraine fait une croix définitive sur le Donbass, qui n’acceptera jamais de retourner sous le giron d’un pays qui applique de telles méthodes de fascisme linguistique.
On est donc là dans un cas réel et avéré de violation ouverte des accords de Minsk, et d’une décision de l’ONU (Minsk-2 ayant été l’objet d’une résolution du Conseil de Sécurité de l’organisation) par une des parties (l’Ukraine). La Russie a donc logiquement décidé de convoquer une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU sur cette base.
« L’inquisition linguistique est en train d’être mise en place en Ukraine sous nos yeux. De telles mesures sont inadmissibles dans un pays qui déclare se conformer aux normes européennes les plus élevées. Nous estimons qu’il est nécessaire que le Conseil de Sécurité de l’ONU évalue ce document [la loi sur la langue ukrainienne] qui viole directement l’esprit et la lettre des accords de Minsk. Nous parlons de violations des décisions du Conseil de Sécurité de l’ONU », a déclaré Vassili Nebenzia, représentant permanent de la Russie à l’ONU.
Mais là, étrangement, tous les pays occidentaux qui s’étaient dit si préoccupés par l’application des accords de Minsk lors de la réunion concernant le décret de Vladimir Poutine, et qui nous avaient sortis les violons et les larmes de crocodile concernant le sort des « citoyens ukrainiens » vivant en RPD et en RPL, ne semblent pas si préoccupés que cela quand ces accords et les droits linguistiques de ces mêmes citoyens sont ouvertement violés, et que l’Ukraine s’assoit sur une décision du CS de l’ONU.
En effet, les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Pologne, et la Belgique ont voté contre la tenue de la réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU demandée par la Russie. Hystérie collective à géométrie variable ? Oui, mais pas que !
La déclaration commune de la France et de l’Allemagne pour justifier ce vote honteux est édifiante à plus d’un titre, je vous la traduis avec mes commentaires entre chaque partie. Ceux qui sont allergiques à l’hypocrisie, au foutage de gueule, et au double standard sont priés de prendre leurs médicaments ou un sac à vomir avant de lire la suite.
« La demande de la Russie de tenir une réunion publique sur la loi relative à ce que j’appelle « le fonctionnement de l’ukrainien comme langue d’État », précisément le jour de l’investiture du nouveau président ukrainien, a une raison spécifique. L’objectif de la Russie est de poursuivre sa politique notoire d’intimidation contre l’Ukraine. »
Commentaire : Déjà on commence fort dès le début avec des accusations délirantes d’intimidation de la Russie contre l’Ukraine. La paranoïa ça se soigne ! Dans ce cas, la convocation du CS de l’ONU en urgence suite au décret de Vladimir Poutine était une tentative d’intimidation contre la Russie ! L’ONU est là pour résoudre les crises internationales par la discussion. En quoi discuter est-il une intimidation ??? L’Occident a-t-il donc tellement peur des mots et de la vérité que le risque de voir ses compromissions en Ukraine et son double standard exposés en public se transforme dans leur vision paranoïaque des choses en tentative d’intimidation ? La Russie ne menace pas l’Ukraine, elle demande à discuter de cette loi qui compromet l’application des accords de Minsk, dont elle est l’un des garants je le rappelle.
« Nous nous félicitons donc de la décision de la majorité des États membres de ne pas soutenir cette proposition russe. La loi sur « le fonctionnement de l’ukrainien comme langue d’État » n’a pas besoin de l’attention immédiate du Conseil de Sécurité qui doit clairement se concentrer sur son mandat principal – le maintien de la paix et de la sécurité internationales – et sur les questions pour lesquelles nous avons un besoin urgent de progrès, au lieu de nous occuper des affaires intérieures d’un État membre souverain des Nations Unies sans effets visibles sur la paix et la sécurité dans la région. »
Commentaire : La France et l’Allemagne justifient ce refus d’organiser la réunion par le fait que : 1) Cette loi ne compromet pas le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et 2) ce sont les affaires intérieures d’un État membre souverain sans effets visibles sur la paix et la sécurité dans la région. Reprenons ces points un par un.
1) Le premier point est faux, puisque cette loi viole les accords de Minsk ET une résolution du CS de l’ONU ! Ce qui n’est pas négligeable. La violation d’une résolution de l’ONU n’est pas quelque chose que l’on peut prendre à la légère. De plus, quand l’Ukraine a convoqué en urgence le CS de l’ONU sur la question des passeports russes, où était la menace à la paix et à la sécurité internationales qui justifiaient une telle réunion urgente au juste ? Depuis quand délivrer des passeports c’est une menace à la paix et la sécurité mondiales ??? Dans un cas on refuse sur base d’un faux argument, dans l’autre on valide alors que rien ne justifie. Le double standard et l’hypocrisie dans leur plus pure expression.
2) Le fait qu’une loi linguistique ait provoqué le conflit meurtrier qui ensanglante le Donbass depuis cinq ans, que cette nouvelle loi rend totalement impossible l’application des accords de Minsk (et donc la mise en œuvre du plan de paix, ce qui veut dire une guerre qui va se poursuivre pour longtemps) et que des tensions apparaissent déjà dans d’autres régions d’Ukraine (comme la Transcarpatie) depuis que cette loi sur la langue ukrainienne est sur le tapis, cela ne constitue pas une menace sur la paix et la sécurité dans la région ??? Il faut que Viktor Orban envoie son armée en Transcarpatie quand les Hongrois ethniques d’Ukraine seront brimés sur base de cette loi, ou que cette région se soulève comme l’a fait le Donbass, pour que vous voyiez enfin cette menace ?
« Nous regrettons l’interprétation sélective de l’esprit et du texte des accords de Minsk par la Russie. Les habitants du Donbass continuent de souffrir ; la situation sécuritaire et humanitaire reste désastreuse. Les priorités claires sont désormais le cessez-le-feu global, le retrait des armes lourdes et les mesures humanitaires. Sur toutes ces questions, il n’y a pas de progrès. Ce dont nous avons maintenant un besoin urgent, c’est d’un engagement renouvelé de la Russie et de toutes les parties aux accords de Minsk et au processus de Normandie. »
Commentaire : C’est vrai qu’en matière d’interprétation sélective de l’esprit et du texte des accords de Minsk vous vous y connaissez, vu que vous êtes les spécialistes incontestés dans ce domaine ! Vous avez réussi à voir une violation des accords de Minsk dans le décret de Vladimir Poutine alors qu’il n’y en avait pas (personne n’a été fichu de pointer quel article de ces accords ce décret violait, et pour cause il n’en viole aucun). Et vous passez votre temps à demander à la Russie d’appliquer les accords de Minsk (comme dans la déclaration ci-dessus), alors qu’elle n’est que garante de ces accords (comme la France et l’Allemagne) et non partie prenante (ce que sont l’Ukraine, la RPD et la RPL, que vous ne nommez pas par contre) ! Par contre les violations réelles de ces accords et leur sabotage complet par Kiev, vous ne les voyez pas ! C’est magique la cécité sélective !
Sans parler de la petite phrase larmoyante sur les souffrances des habitants du Donbass, alors que vous avez hurlé face à la tentative de la Russie de leur apporter une aide humanitaire sous la forme de documents d’identité reconnus internationalement, et que vous fermez les yeux sur les bombardements de l’armée ukrainienne et le blocus économique et administratif total imposé par Kiev à cette même population. Là on atteint un niveau d’hypocrisie (pour ne pas utiliser un mot plus vulgaire) littéralement cosmique. La souffrance du peuple du Donbass, c’est comme leur citoyenneté ukrainienne, vous vous en rappelez seulement quand vous en avez besoin pour faire pleurer la ménagère, et faire gober vos valeurs d’humanisme et vos droits de l’homme qui n’existent en réalité que sur le papier (et seulement pour faire joli). Votre indécence est sans borne. Abstenez-vous je vous prie d’utiliser la population du Donbass (dont vous vous fichez comme d’une guigne en réalité) pour justifier vos positions hypocrites et votre complicité ouverte du génocide, de l’ethnocide et des crimes de guerre de Kiev. Les souffrances et le sang du peuple du Donbass, vous en avez les mains couvertes jusqu’aux coudes ! Ayez donc la décence de vous taire à tout jamais sur ce sujet-là !
« Nous appelons à la mise en œuvre intégrale, immédiate et inconditionnelle des accords de Minsk. L’investiture du nouveau président ukrainien, qui a exprimé aujourd’hui sa détermination à rétablir la paix, devrait être l’occasion de donner un nouvel élan à ces accords. »
Commentaire : Si vous voulez voir ces accords être mis en œuvre, ce n’est pas en fermant les yeux sur les violations réelles de ces accords par l’Ukraine, ni en oubliant de demander à Kiev de respecter ces accords que vous allez l’obtenir. Encore moins en fermant les yeux sur les incohérences du discours de Volodymyr Zelensky ou sur la loi votée et signée par le parlement et le président sortant. Ce n’est pas parce que vous refusez de voir les points de blocage qu’ils vont disparaître du paysage ! Et si vous vouliez réellement une mise en œuvre intégrale, immédiate et inconditionnelle des accords de Minsk, c’est sur Kiev que vous devriez mettre la pression et couper le robinet financier ! Vos actes disent le contraire de vos paroles et montrent clairement ce que valent ces dernières : du vent !
Vassili Nebenzia avant ce vote, s’est fendu d’une déclaration qui replace les points sur les i et l’église au milieu du village, à coup de vérités et de rappels des faits. Je vous la traduis intégralement afin que vous puissiez voir quels sont les arguments de la Russie pour organiser cette réunion en urgence, et sa réponse aux contre-vérités occidentales.
« Tout d’abord, permettez-moi de rappeler à notre collègue français qu’il n’y a pas de conflit russo-ukrainien. Il y a un conflit interne ukrainien et une crise dans les relations entre l’Ukraine et la Russie, créée par le précédent gouvernement ukrainien. Il n’y a pas de conflit russo-ukrainien dans le contexte dont vous avez parlé. Si vous continuez à le répéter, je vous le rappellerai sans cesse. Deuxièmement, la loi dont nous parlons a été promulguée le 15 mai, plutôt que le 25 avril. Le 25 avril, elle a été votée par la Verkhovna Rada d’Ukraine.
La Russie a demandé la convocation de cette réunion parce que le 15 mai, l’ancien président ukrainien P. Porochenko a signé la loi sur le fonctionnement de la langue ukrainienne comme langue nationale qui a été approuvée par la Verkhovna Rada le 25 avril. La loi entrera en vigueur à la mi-juillet ; certaines de ses dispositions commenceront à être appliquées au cours des prochaines années. Cependant, cela ne change pas son essence.
C’est pourquoi nous pensons qu’aujourd’hui, le Conseil de Sécurité devrait procéder de manière proactive à l’évaluation de ce document, car nous sommes convaincus qu’il viole expressément la lettre et l’esprit des accords de Minsk, que le Conseil de Sécurité a approuvé et appuyé par la résolution 2202 de février 2015 et par la Déclaration du Président en date du 6 juin 2018. Cela signifie que nous parlons de violation des décisions du Conseil de Sécurité.
On pourrait penser que les violations des accords de Minsk liées à la langue sont moins importantes que les tirs quotidiens de l’armée ukrainienne contre la population pacifique du Donbass, que le refus de Kiev d’assurer un cessez-le-feu durable, que le statut particulier de certaines parties des régions de Donetsk et Lougansk soit inscrit dans la loi, que les échanges de prisonniers se fassent, etc. Toutefois, l’importance de cette question dépasse largement le cadre de la nouvelle loi ukrainienne. Ce n’est pas un hasard si le droit à « l’autodétermination linguistique » est directement inscrit dans les accords. Si nous y regardons de plus près, nous verrons que la question linguistique a fondamentalement lancé les tendances centrifuges en Ukraine en 2014.
Il est bien connu que l’une des premières décisions des autorités du Maïdan a été l’abolition de la loi sur le statut de la langue russe (titre officiel – « Sur les principes de la politique de la langue d’État », qui était en vigueur depuis le 10 août 2012). C’est après cette décision que la répulsion silencieuse des gens à l’égard des événements du Maïdan a commencé à se transformer en lutte pour préserver leur identité nationale et culturelle. Cela signifie que la question linguistique est à l’origine du conflit interne en Ukraine.
Nous sommes convaincus que le Conseil de Sécurité devrait envoyer un signal clair aux nouveaux dirigeants ukrainiens en leur disant qu’ils doivent progresser vers l’unité et la solidarité de tous les Ukrainiens plutôt que vers leur division. Ils doivent s’engager sur la voie de l’inclusion. La solidarité dans la société est la meilleure garantie d’un règlement politique durable. Pour autant que nous puissions en juger, le président élu V. Zelensky a placé ce signal au cœur de son investiture aujourd’hui. Cependant, tout le monde en Ukraine ne pense pas de la même façon. Les appels des nationalistes à chasser les Russes d’Ukraine ne cessent pas.
Nous espérons que la Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Rosemary DiCarlo, et le Haut Commissaire de l’OSCE pour les minorités nationales, Lamberto Zannier, feront des évaluations justes et impartiales de ce « chant du cygne » de M. Porochenko et des conséquences possibles de ses actes et plans pour le règlement du conflit dans l’Est de l’Ukraine.
Nous savons que toutes les délégations présentes à cette table ne sont pas pressées de convoquer la présente séance. Rappelons qu’il y a un mois, lorsqu’il a été proposé de discuter du décret du président russe V. Poutine sur la délivrance de passeports pour les habitants du Donbass, nous n’avons jamais empêché cette discussion. Même s’il s’agit de l’affaire intérieure de notre pays, qui n’a rien à voir avec le respect par les parties de leurs obligations au titre du paquet de mesures de Minsk. Le débat que nous avons eu avec éloquence l’a prouvé. Nous pensons que chaque membre du Conseil de Sécurité a le droit de soumettre au débat toute question qui, à son avis, peut constituer une menace pour la paix et la sécurité.
Refuser de convoquer cette séance serait une manifestation brutale de la politique de deux poids, deux mesures et saperait également l’autorité du Conseil de Sécurité. »
Il n’y a à mon sens rien à ajouter à cet excellent argumentaire de Vassili Nebenzia, qui y a tout dit de manière concise et claire. L’Occident a montré une fois de plus son deux poids deux mesures et son hypocrisie totale. Il est temps pour les peuples occidentaux d’ouvrir les yeux sur cette réalité. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut espérer mettre fin au conflit et aux souffrances de la population du Donbass, et éviter l’extension du conflit : par la conscientisation des peuples occidentaux de ce que font réellement leurs gouvernements, et par la remise en question des actions de ces derniers.
Christelle Néant
Source: https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/l-occident-refuse-de-discuter-de-215303