Malgré plusieurs épidémies de peste qui ont frappé l'Europe au Moyen-Âge et pendant la période moderne, la plus féroce et destructrice était la peste au XIVe siècle, qui a emporté la vie d'un tiers de la population européenne de l'époque, soit près de 25 millions de personnes. Cependant, elle n'a pas apporté seulement la mort: après cette épidémie l'aspect du Vieux Continent a commencé à changer de manière si profonde que les conséquences des événements à l'époque impactent notre vie à ce jour.
La peste a contribué à l'affirmation de l'anglais
En 1066, les Normands, qui parlaient un dialecte normand du français, ont conquis l'Angleterre, grâce à quoi cette langue est devenue nationale en évinçant de facto l'anglais du secteur administratif et éducatif.
Après l'épidémie de peste l'anglais est revenu dans les villes avec les paysans, car la population rurale a été touchée bien moins par la «mort noire» que les citadins. Les ressortissants du milieu rural ne parlaient pas le dialecte normand, c'est pourquoi l'anglais a commencé à reprendre du terrain.
En 1362 a été adoptée une loi ordonnant d'écrire tous les décrets en anglais, et un demi-siècle plus tard le roi Henry V a recommencé à écrire des lettres en anglais. Sans l'épidémie de peste, c'est ce dialecte français, apporté sur le sol anglais par les Normands sous le commandement de Guillaume le Conquérant, qui serait probablement aujourd'hui la langue de communication internationale.
La peste pourrait être la première arme biologique
Selon l'une des versions, la peste s'est déclarée en Europe en 1346 quand le khan de la Horde d'or Janibek, échouant à prendre d'assaut la forteresse de Kafa (actuellement Théodosie en Crimée), a laissé sur son territoire des corps de personnes mortes de la peste. La maladie a pénétré en Europe avec les marchands génois qui étaient installés à Kafa. A en croire cette théorie, c'est le khan Janibek qui était le premier à utiliser une arme biologique en déclenchant un mécanisme mortel ayant détruit une grande partie de la population européenne.
Le durcissement de l'antisémitisme a en Europe
En 2011, un groupe de chercheurs a mené une étude ayant pour objectif d'analyser les causes de l'antisémitisme en Europe, qui a finalement conduit à l'Holocauste. Il s'avère que c'est la «mort noire», qui a frappé l'Europe 700 ans avant la Seconde Guerre mondiale, qui est devenue l'un des catalyseurs de cette terrible tragédie du XXe siècle.
En pleine épidémie ce sont les juifs qui étaient accusés d'empoisonner l'eau dans les puits afin d'exterminer la population chrétienne. Cela s'expliquait par une mortalité plus basse parmi les juifs par rapport aux autres habitants des villes ébranlées par la peste bubonique. Les scientifiques contemporains pensent que c'était dû au fait que les juifs faisaient plus attention à leur hygiène. Certains pensent également que ce sont les individus avec le groupe sanguin O qui étaient les plus sujets à contracter la peste: il prévalait à l'époque parmi les Européens, mais n'existait pratiquement pas dans les communautés juives.
L'accélération du développement de la médecine
Avant l'arrivée de la peste en Europe, les hôpitaux du Vieux Continent faisaient davantage penser à des hôtels, et bien moins d'attention était accordée aux soins des maladies.
Tout a changé avec l'apparition de la «mort noire»: les médecins et les chercheurs ont commencé à chercher les causes de la maladie et les moyens pour la combattre. Il est devenu clair que la peste ne pouvait pas être évitée même derrière les grands murs des châteaux: les éminents et les riches mouraient de la même manière que les démunis.
L'un des principaux «exploits» de la peste a été l'apparition de la quarantaine – sa traduction de l'italien signifie «un délai de 40 jours». En 1348, les autorités de Venise ont commencé à envoyer tous les navires entrant dans le port vers l'île du Lazzaretto, où ils restaient pendant 40 jours. A l'issue, des médecins montaient à bord pour trouver des personnes contaminées par la peste. En leur absence le navire était autorisé à entrer au port.
L'accélération du développement des villes et de l'industrie
L'épidémie de la «mort noire» a changé l'agriculture. Si auparavant les paysans étaient essentiellement des cultivateurs, après l'épidémie ils accordaient davantage d'attention à l'élevage: ce dernier nécessite moins de main d'œuvre que l'exploitation du terrain, seulement deux personnes peuvent gérer même un grand troupeau.
Jusqu'au milieu du XIVe siècle, les ateliers - associations d'artisans d'un même métier ou de professions similaires - étaient des associations assez fermées où les secrets de fabrication étaient transmis de père en fils, mais après l'épidémie ils ont dû accepter de nouveaux membres parmi les paysans qui affluaient en ville. C'est à cette époque que les femmes ont commencé à participer au travail traditionnellement masculin, car la main d'œuvre manquait cruellement.
De plus, la pénurie de la main d'œuvre est devenue un catalyseur de la révolution industrielle, car les hommes tentaient de mécaniser la production.
La «mort noire» qui a frappé l'Europe au milieu du XIVe siècle n'était pas la dernière épidémie de peste, mais c'est elle qui a complètement changé le développement de la civilisation européenne et, par conséquent, du monde entier.