Les autorités militaro-politiques de la Turquie ont nettement intensifié leurs contacts avec Moscou afin de faire cesser l'opération de l'armée syrienne dans la zone de désescalade d'Idleb. Les présidents, les ministres de la Défense et les chefs d'état-major des deux pays se sont entretenus par téléphone ces jours-ci. Cependant, Ankara ne cache plus que les négociations avec la Russie sur la zone d'Idleb sont dans l'impasse.
Les militaires turcs et les politiciens proches du président Recep Tayyip Erdogan critiquent durement la politique russe qui soutient à la Syrie. Sachant que tous les «négociateurs» sans exception cherchent à accuser Moscou de violation des accords d'Astana, de complicité avec Damas dans le déclenchement des activités militaires sur un territoire densément peuplé et de provocation d'une «catastrophe humanitaire».
Certains politiciens influents prédisent une «éventuelle sortie d'Ankara des négociations d'Astana et le rétablissement de l'aide militaire directe aux troupes de l'opposition syrienne en coordination avec les USA». De leur côté, les militaires turcs exigent de Moscou de «cesser immédiatement le soutien militaire de l'armée gouvernementale syrienne et stopper complètement les opérations, rétablir l'état qui existait avant le début de la crise en 2011».
Néanmoins, une vaste participation directe de l'armée turque contre les forces syriennes est peu probable: malgré son grand nombre, l'armée turque n'est pas prête pour une guerre. Durant sa gouvernance Recep Erdogan a fait le «ménage» non seulement dans l'élite du commandement, mais également dans tous les autres maillons.
L'économie du pays ne supporterait pas une guerre, alors qu'une telle aventure mettrait en péril le pourvoir de Recep Erdogan. Le président turc pourrait suspendre la coopération militaire et économique avec la Russie, mais cela infligerait un préjudice irréparable à la situation financière des Turcs. Et il ne faut pas compter sur la compensation de ces pertes par les Etats-Unis ou l'Europe occidentale: Donald Trump n'indemnisera rien, alors que l'Europe elle-même traverse une crise.
Il n'existe pas de relations d'alliés entre la Russie et la Turquie, et il n'y en aura jamais. L'histoire en a décidé ainsi. Il ne faut pas non plus se faire d'illusions sur les relations de partenariat: les deux pays ont conscience du fait qu'elles sont temporaires et sont basées sur les conditions pragmatiques, politiques et économiques provisoirement bénéfiques dans cette situation concrète. Les deux camps poursuivent des objectifs politiques diamétralement opposés. Mais certains intérêts mutuels importants coïncident temporairement.