Volodymyr Zelensky à Berlin. Angela Merkel avait misé sur son rival
L'expert, politologue et observateur international allemand Christian Wipperführt a partagé son avis sur les résultats de la visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky à Berlin.
En juin, le nouveau président ukrainien a effectué ses premières visites à l'étranger, à Paris et à Berlin. Son voyage précédent à Bruxelles était plutôt symbolique, car les interlocuteurs de Volodymyr Zelensky des institutions européennes quitteront prochainement leur poste.
L'intrigue du sommet berlinois Zelensky-Merkel était de savoir comment les deux chefs d'Etat feraient connaissance, compte tenu de l'histoire piquante de leurs relations. Pendant la campagne présidentielle en Ukraine la chancelière allemande Angela Merkel avait clairement laissé entendre qu'elle préférait son rival Piotr Porochenko. C'est ce dernier, et non Volodymyr Zelensky, qui a été accueilli à Berlin à la veille du second tour de la présidentielle ukrainienne. La plupart des observateurs européens avaient alors noté le signal très clair du «choix» de la chancelière.
Le président français Emmanuel Macron s'était conduit plus correctement. Il avait reçu à Paris aussi bien le président sortant Piotr Porochenko que son adversaire Volodymyr Zelensky, ce qui a permis aux experts de parler d'une position équilibrée des Français conformément à toutes les normes diplomatiques.
Et voilà qu'enfin le nouveau président ukrainien est arrivé à Berlin. Le but de sa visite était de «mettre en œuvre les accords de Minsk». Bilan du sommet: Angela Merkel et Volodymyr Zelensky «sont tous les deux d'avis que tant qu'il n'y a pas de progrès dans la mise en œuvre des accords de Minsk, les sanctions ne peuvent pas être levées». Les deux dirigeants ont préféré ne pas entrer dans les détails, même si ce sont bien les détails qui auraient pu mettre en évidence toute la contradiction de leurs positions.
Angela Merkel part du principe que les sanctions contre la Russie peuvent être assouplies en cas de progrès dans la mise en œuvre des accords de Minsk et, surtout, que l'Ukraine et la Russie sont toutes les deux responsables de l'absence de progrès. Volodymyr Zelensky sous-entend, lui, que même en cas de progrès, les sanctions contre la Russie ne doivent être levées en aucun cas.
Le thème du gazoduc Nord Stream 2 a été abordé sous le même angle. Les deux dirigeants s'efforçaient également d'éviter le concret. D'autant que la chancelière allemande souhaite achever le gazoduc au plus vite, tandis que le chef de l'Etat ukrainien désire qu'il ne soit jamais construit.
En d'autres termes, si l'objectif principal des pourparlers consistait à éviter les litiges, ce fut une réussite. La volonté de Volodymyr Zelensky de ne pas compliquer la visite est légitime – il a besoin de temps pour comprendre les détails et probablement construire de nouvelles lignes en politique étrangère. Alors que la volonté d'Angela Merkel d'arrondir les angles est due à la situation politique intérieure, et cela n'a rien à voir avec l'Ukraine. La chancelière envoie avant tout des signaux à la fois aux partisans et aux antagonistes des sanctions contre la Russie et du développement d'un large partenariat avec Moscou. Ainsi, l'ordre du jour des liens germano-ukrainiens se décale vers une question plus importante pour Berlin – comment poursuivre la construction des relations avec la Russie?
Tout cela ne signifie qu'une seule chose: il n'existe tout simplement pas d'agenda substantiel sur l'Ukraine. La visite de Volodymyr Zelensky n'est rien d'autre que le respect du protocole diplomatique. Seul changement – l'Allemagne cède à la France les fonctions dirigeantes dans le format de Normandie. Les consultations des conseillers des chefs d'Etat et de gouvernement de ce quartet sont prévues pour le 13 juillet. Alors que le sommet, à la demande de Volodymyr Zelensky, se tiendra après les législatives ukrainiennes. Emmanuel Macron a proposé de se réunir à Paris.