Johanna Ross, journaliste britannique, a partagé son analyse avec Observateur Continental.
Seulement 0,3% des électeurs britanniques restent encore indécis quant à la personnalité politique qu'ils souhaitent voir au poste de premier ministre, alors qu'il ne reste que quelques jours avant la fin de la course électorale. Ce gouvernement ne dispose pas d'une majorité, ce parti perd ses positions dans les sondages, ce pays s'est clairement divisé en deux camps pour savoir s'il faut quitter ou rester dans l'UE. Mais quoi qu'il en soit, en cas d'élection de Boris Johnson à la tête du cabinet, or tout semble indiquer que ce sera le cas, le Brexit aurait lieu le 31 octobre (date d'Halloween). Nous avons toujours su que ce combat pour le leadership serait imprégné de scandales et de jeux sales, comme ceux qui ont commencé encore en 2016, quand Boris Johnson et Michael Gove s'étaient accrochés comme deux bulldogs en utilisant toutes les forces et tous les moyens pour s'attaquer mutuellement. En proférant des accusations en tout genre, de la toxicomanie au racisme: en cherchant à sortir tous les squelettes du placard. Néanmoins, l'excentrique Boris Johnson demeure le favori parmi les partisans du parti conservateur, qui pensent pour la plupart qu'il est le seul à pouvoir gérer le Brexit.
Mais quoi qu'il en soit, quel que soit le capitaine qui se placera à la barre du navire britannique sortant de l'UE, il tombera sur les mêmes récifs que Theresa May. Il est facile pour les médias britanniques et les citoyens ordinaires de parler des péripéties de la course pour le leadership, mais la réalité est telle que cela ne permettra pas de conclure un accord. Theresa May avait déjà tenté de faire adopter trois accords de sortie par le parlement, mais toutes ses tentatives ont échoué.
Si Westminster a éclaté en trois, voire en quatre groupes, chacun ayant son propre avis sur le Brexit, alors pourquoi Boris Johnson ou Jeremy Hunt pensent pourvoir mieux faire? Il est évident que le scénario catastrophique qui se profile à l'horizon est celui du Brexit sans accord. Le chancelier de l'Echiquier Philip Hammond a averti la semaine dernière que les conséquences d'une telle sortie de l'UE pourraient s'avérer encore pires que les mesures d'austérité économique. De plus, d'autres effets secondaires du divorce de l'UE attendent Londres.
Le Brexit met en péril l'intégrité territoriale du Royaume-Uni, notamment en cas de sortie sans accord. L'Ecosse attend de voir la suite des événements en observant les intrigues de Westminster de loin, d'une part avec crainte, d'autre part avec un plaisir mal dissimulé. En 2016, l'Ecosse avait voté au référendum pour le maintien dans l'UE, et elle a réitéré sa position aux dernières élections européennes, tandis que le nord de la carte électorale du Royaume-Uni a été marqué par la couleur jaune du Parti national écossais.
Les électeurs écossais les plus déçus par la politique de Londres ont fait comprendre que personne n'entendait leur avis concernant les négociations sur le Brexit. Notamment quand on voit la bataille pour le leadership des conservateurs. Ainsi, le parti qui a perdu depuis longtemps son importance d'antan en Ecosse continue de jouer un rôle central quand il est question du sort de l'Ecosse au sein de l'Europe. La lutte des conservateurs pour le leadership, qualifiée de «show effroyable» par la première ministre écossaise Nicola Sturgeon, n'a fait que réaffirmer l'avis du gouvernement écossais, tout en permettant à la voix de Mme Sturgeon de sonner comme étant la plus raisonnable.
Ensuite, la question relative à la frontière avec l'Irlande. Le Brexit a soulevé un thème jugé impensable ces dernières années – l'unification avec l'Irlande. Selon les derniers sondages, les habitants de l'Irlande du Nord (qui ont également voté pour rester dans l'UE) sont inquiets quant à l'éventualité d'une sérieuse frontière avec la République irlandaise, disposée plus que jamais à se réunifier avec Dublin.
La frontière irlandaise est l'un des principaux points problématiques dans les négociations sur le Brexit. Personne ne souhaite, que ce soit au Nord ou au Sud, une véritable frontière avec des postes frontaliers et ainsi de suite. Une telle démarche équivaudrait au retour à la vague de violences d'Ulster en mettant en péril tous les acquis de l'accord du Vendredi saint (Belfast) de 1998. Un Brexit sans accord plongerait immédiatement l'Irlande du Nord dans l'indétermination. Certes, la réunification avec la République irlandaise est un thème très lointain, mais le fait qu'il soit évoqué à l'heure actuelle est très révélateur.
Ainsi, le Brexit a secoué un nid de guêpes, chose que David Cameron ne pouvait certainement pas prévoir en annonçant en 2016 le référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'UE. Et quel que soit le nouveau premier ministre, Boris Johnson ou Jeremy Hunt, il sera confronté aux mêmes problèmes.