L'auteur de l'article - la journaliste italienne et spécialiste en géopolitique Margherita Furlan, analyse la situation en Ethiopie, en notant que les intérêts de l'Occident sont perceptibles à travers les différends ethniques dans le pays.
Six morts, y compris le chef présumé des faits le général Asamnew Tsige. Et c'est la seule information précise sur le coup d'Etat manqué en Ethiopie, survenu dans la nuit du samedi 22 juin au dimanche 23 juin. Sachant que les faits restent flous, car l'ampleur des événements de ce «coup d'Etat régional» est minimisée par le gouvernement en place.
Tout est arrivé à Bahir Dar, capitale d'Amhara, l'un des neuf Etats de l'Ethiopie. Le porte-parole du premier ministre Abiy Ahmed, Negussu Tilahun, a déclaré qu'un groupe dirigé par le chef du service de la sécurité d'Amhara avait fait irruption samedi soir dans une réunion en tuant sur le coup le chef de l'Etat Ambachew Mekonnen et son conseiller Ezez Wassie, alors que le procureur général Migbaru Kebede est décédé des suites de ses blessures. «Quelques heures plus tard, pendant une attaque vraisemblablement préparée par le chef de l'état-major de l'armée éthiopienne, le général Seare Mekonnen a été tué par son propre garde du corps dans sa maison à Addis-Abeba», a expliqué le porte-parole du gouvernement. Le général à la retraite qui était venu lui rendre visite a été tué également. Sachant que quelques heures plus tôt l'ambassade des Etats-Unis avait diffusé un avertissement concernant d'éventuelles émeutes.
Le garde du corps de Seare Mekonnen, dont le nom n'est pas dévoilé, a été hospitalisé avec des blessures par balle suite à la fusillade. D'abord, le gouvernement a annoncé l'arrestation du garde du corps, mais cette information a été ensuite démentie par le chef de la police Endeshaw Tasew, qui a parlé d'un suicide.
L'organisateur présumé du coup d'Etat raté, le général Asamnew Tsige, a été abattu par la police pendant une fusillade à la périphérie de Bahir Dar alors qu'il tentait de s'enfuir. Ce général était à la tête des forces de sécurité de l'Etat d'Amhara. Ces dernières semaines, il appelait sur Facebook la population locale à s'armer. Avec Twitter, Facebook est devenu un autre réseau social à travers lequel l'opposition tente d'organiser des révolutions de couleur dans différents pays.
Le général Tsige n'était pas un débutant dans les initiatives subversives. Il avait déjà été arrêté et condamné pour un coup d'Etat manqué. Mais, condamné à 9 ans de prison, il a été libéré en 2018 par l'amnistie de l'ex-président Hailemariam Desalegn. Difficile de s'imaginer les raisons politiques qui ont entraîné cette tragédie. Il s'agit probablement de différends interethniques qui déchiraient toujours le pays. C'est un terrain fertile pour l'influence extérieure, c'est-à-dire des forces occidentales, l'équilibre des différents intérêts géopolitiques doit être maintenu avec l'intérêt infini pour les ressources naturelles du pays, d'où une aspiration voilée de préserver un colonialisme permanent.
A noter au cours des derniers mois les affrontements ethniques entre les Amhara (qui représentent 27% de la population, derrière les Oromo avec 34%) et les Gumuz. Avec un bilan de plus de 200 morts. Dans le but de faire cesser le conflit le gouvernement d'Addis-Abeba a envoyé l'armée dans ces régions, tandis que les autorités locales des Etats d'Amhara et de Benishangul-Gumuz tentaient de faire la médiation entre les belligérants.
Compte tenu de l'aggravation de la situation et des signes de séparatisme, le premier ministre éthiopien a décidé de renvoyer le général Tsige, qui a alors tenté de devancer le chef du gouvernement. Ce n'est qu'une version perçue de manière très sceptique par les sources locales. Elles voient l'idée d'une rivalité ethnique plutôt comme un camouflage des motifs politiques. Le général Tsige a-t-il tenté un nouveau putsch un an après l'amnistie pour sa tentative précédente? Ou Abiy Ahmed, initiateur du traité de paix avec l'Erythrée qui a reçu l'an dernier le prix Nobel de la paix, a-t-il profité de l'occasion pour se débarrasser de tous ses rivaux? Ce sont des questions auxquelles il n'est pas facile de répondre.
De plus, en plaçant les conflits ethniques dans un contexte plus large, il est à noter l'attention portée à l'Ethiopie par les Etats-Unis. Le président de l'Amhara Association of America (basée à Washington) Tewodrose Tirfe a récemment déclaré que «la société éthiopienne en Amérique s'est familiarisée avec les normes de la démocratie américaine et pense qu'elle peut changer la situation en Ethiopie, à commencer par l'Etat d'Amhara». Or compte tenu de la vision locale de l'Amérique, un tel message présente aux citoyens éthiopiens une image des rues pavées en dollars.