La Chine, semble-t-il, serait le plus grand créancier de l'ombre au niveau mondial. Avec toute la domination de ce pays dans le commerce mondial, son rôle croissant dans les flux financiers mondiaux reste cependant ombragé, ceci malgré le fait que ces dernières décennies, l'exportation de capitaux chinois partout dans le monde a atteint un niveau record. Telle est la conclusion des économistes de Harvard, de l'Université de Munich et de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale.
La Chine est déjà parmi les plus grands créanciers officiels du monde, précédée seulement par les États-Unis en termes du montant total des crédits octroyés. Cependant, on ne sait rien des exportations de capitaux chinois, puisque Pékin n'en rend pas compte aux institutions financières internationales et ces informations ne sont donc pas prises en compte dans les rapports des agences de notation de crédit. Or, les économistes allemands et américains ont identifié environ 1 000 prêts et 3 000 subventions accordés par la Chine entre 1949 et 2017 pour un montant de 530 milliards de dollars. Selon eux, la moitié de ces crédits se ferait "dans l'ombre".
Les chercheurs expliquent que, contrairement à d'autres pays, la Chine octroie presque tous les prêts par l'intermédiaire du gouvernement: les pays développés obtiennent des prêts au moyen du rachat des obligations souveraines par la Banque populaire de Chine, et les pays en développement – sous forme de crédits directs contractés auprès des banques publiques chinoises, souvent accordés au taux du marché et garantis par le pétrole.
Selon les données officielles, le montant des crédits directs est passé de zéro en 1998 à 1 600 milliards de dollars en 2018 (ce qui représente 2% du PIB mondial). La plupart des prêts ont été accordés à des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. Si l'on y rajoute les obligations souveraines rachetées, le montant des crédits va atteindre 5 000 milliards de dollars, soit 6% du PIB mondial. Si l'on tient également compte des titres étrangers et des investissements directs, en 2017, le montant total des obligations financières du monde envers la Chine dépassait 8% du PIB mondial.
Les économistes disent que, même selon les estimations les plus modestes, les 50 principaux emprunteurs ont vu leur dette contractée auprès de la Chine passer de 1% du PIB en 2005 à plus de 15% en 2017. L'endettement "de l'ombre" envers la Chine est particulièrement important pour le Venezuela, le Zimbabwe et l'Iran.
Au cours des dernières décennies, les créanciers officiels accordaient leurs prêts aux pays en développement à des conditions préférentielles, tandis que la Chine octroie souvent ses crédits au taux du marché avec une prime de risque, avec des échéances plus courtes et partiellement garantis par les recettes de l'emprunteur provenant des matières premières. Une telle pratique a été caractéristique des crédits étrangers de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni au XIXe siècle.
Selon les chercheurs, les structures financières chinoises représentent un quart des prêts bancaires aux pays en développement, ce qui permet à la Chine de devancer le Fonds monétaire international et la Banque mondiale pour devenir le plus grand créancier officiel. Les économistes relèvent que cette croissance exponentielle des prêts et des investissements publics en temps de paix est sans précédent – elle ne peut être comparée qu'à l'essor du crédit américain après les deux guerres mondiales.