Emmanuel Dupuy, président de l'IPSE, l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, donne un entretien à Observateur Continental sur la situation dans la région du Sahel.
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Peut-on donc dire que les affirmations de ces voix dissonantes, souvent venant d'organisations américaines, correspondent à la stratégie d'intervention des Etats-Unis au Tchad ? Par exemple, au début du mois de juin 2019 l'ambassade US de N’Djamena demandait au président Idriss Déby de respecter la liberté d’association et des partis politiques.
Il y a là d'évidence, de la part des Etats-Unis comme d'autres pays, une volonté de se positionner par rapport à des pays qui sont autant des alliés dans la lutte contre le terrorisme que des adversaires sur le plan commercial ; C’est, en tout cas ainsi que Donald Trump n’hésite pas à considérer la France dans la BSS comme sur l’ensemble du continent africain. Les Etats-Unis, en appelant de manière parfaitement «cynique» à activer une plus grande liberté politique au Tchad alors que Donald Trump avait ajouté le Tchad dans la liste des pays insuffisamment fiable en matière de partage d’informations sur les citoyens qui désirent entrer sur le sol américain, sur fond de risque terroriste. Donald Trump considère ainsi le Tchad comme un partenaire «essentiel et vital de la mission antiterroriste des Etats-Unis», mais, qui ne «coopère pas avec le gouvernement américain» . Il faudrait savoir ce que l’on veut ! Ainsi, en levant en avril 2018, le «travel ban» aux ressortissants tchadiens, est-ce-que le Tchad est devenu - par miracle - un acteur avec lequel les Etats-Unis peuvent et doivent travailler davantage parce qu'il voit bien qu'il y a des relations particulières entre la France et le Tchad ou alors Donald Trump se serait-il trompé en rajoutant le Tchad à la liste des pays qui ont été présentés comme ayant un lien avec certains responsables émanant d’organisations terroristes, à l’instar des pays impactés par l’interdiction imposée par Washington, à savoir, la Libye, le Yemen, la Somalie, l'Iran, la Syrie, la Corée du Nord et le Vénézuela.
Justement les gens d'organisations humanitaires dans la lignée pro-américaine expliquent que le gouvernement français utilise l'armée française pour abattre les opposants au gouvernement d'Idriss Déby au Tchad comme par exemple son neveu, Timan Erdimi, le chef de l’union des Forces de Résistance (UFR). Voilà des voix qui critiquent l'intervention militaire française car la France déclare Timan Erdimi comme un djihadiste qu'il faudrait donc éliminer.
Ces organisations font référence à l'opération militaire française de février 2019 qui est venue en soutien des forces armées tchadiennes contre les UFR de Timan Erdimi, exilé à Doha, qui n'est pas un mouvement considéré comme djihadiste mais comme un mouvement de rebelles, qui ne cesse, depuis dix ans, de menacer le pouvoir du président Deby. Ils avaient failli, du reste, réussir à le renverser en 2008. J'ai, moi même, eu l'occasion de dire que nous étions, dans une justification critiquable, eu égard à la participation des deux mirages français qui sont intervenus aux côtés des forces armées tchadiennes, dans ce qui a été qualifiée, par la ministre des Armées française, Florence Parly comme une opération contre le terrorisme alors qu'effectivement cette organisation n'a jamais été et n'est toujours pas considérée comme une organisation terroriste. sans doute, faut-il y voir le contexte plus large de la connexion entre les théâtres libyens et tchadiens ; cette opération s’inscrivant dans la foulée de l’opération lancée par le Maréchal Khalifa Haftar dans le Grand fezzan contre les UFR qui y avaient trouvé refuge.