Le président français Emmanuel Macron a annoncé que, le 19 août, il rencontrera au fort de Brégançon son homologue russe Vladimir Poutine. Le Kremlin a également confirmé la préparation de ce sommet sur la Côte d'Azur.
Et un peu plus tôt ont été révélées les frictions entre la Maison blanche et l'Elysée. Sachant que le président américain Donald Trump, qui n'a pas la langue dans sa poche, a déclaré que c'était dû à la "stupidité de Macron". Il ne s'agit pas des capacités intellectuelles de son homologue français, mais de la décision de Paris d'instaurer "la taxe GAFA" - 3% sur les recettes annuelles pour les géants américains du numérique Facebook, Apple, Amazon et Google lui-même. Le chef de l'Etat américain a pris la défense des "merveilleuses compagnies technologiques américaines" en promettant des contremesures et en insinuant qu'elles pourraient porter sur le vin français exporté aux USA.
Toutefois, il est peu probable que ces menaces changent quelque chose. Trop souvent les Américains font preuve d'incapacité à exercer réellement la pression sur les partenaires pour leurs démarches indésirables. Huawei subit une pression très dure, or en parallèle Donald Trump promet aux entreprises américaines d'étudier rapidement la possibilité de délivrer des licences spéciales pour commercer avec ce géant chinois. La Turquie a été durement menacée pour l'achat des missiles russes S-400, mais sans aucune conséquence en fin de compte.
L'impuissance croissante de Washington en politique étrangère joue indéniablement un rôle dans les dernières démarches de la France et de son dirigeant.
On se moque souvent d'Emmanuel Macron, pour bien des choses, mais surtout pour l'incohérence (parfois inconsciemment) entre les ambitions et les capacités réelles. Cependant, en l'occurrence la personnalité du dirigeant correspond parfaitement à l'état intérieur du pays et, surtout, à sa position sur la scène internationale.
Tout le monde s'est déjà habitué au fait que ces dernières décennies la France se trouve parmi les principales puissances en grande partie par un heureux concours de circonstances plutôt que pour des mérites réelles. Cependant, l'époque actuelle offre une chance de changer le statu quo à ceux qui l'oseraient. Et les exemples sont nombreux – la Russie, la Chine, la Turquie et même l'Allemagne, qui se libère de la situation pratiquement officialisée de semi-colonie des Etats-Unis. Il aurait été étrange si les Français, comptant de nombreuses pages glorieuses dans leur histoire, n'avaient pas voulu jouer leur propre partie, qui plus est quand la situation s'y prête.
Les Américains sont contraints de disperser leurs forces pour combattre sur plusieurs fronts à la fois, sachant qu'en Europe la principale épine dans le pied est bien l'Allemagne. La situation des Allemands se complique à cause de plusieurs problèmes politiques intérieurs, à commencer par la santé de la chancelière. Angela Merkel est un "poids-lourd" politique très influent, pratiquement la seule dirigeante mondiale dont l'expérience est comparable à celle de Vladimir Poutine. Ses malaises publics affectent forcément Berlin, qui plus est en cette période très difficile.
Par conséquent, les conditions sont on ne peut plus favorables pour que le président français redore son image de dirigeant de niveau mondial. Il oriente des efforts considérables sur la Russie et sur Vladimir Poutine personnellement. Emmanuel Macron construit progressivement des relations particulières avec Moscou et ses autorités.
L'an dernier, il a assisté au Forum économique international de Saint-Pétersbourg et a personnellement prôné le retour de la Russie à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE). Cette année, Emmanuel Macron a rencontré son homologue russe au sommet du G20, où il a été remarqué que le dirigeant russe le tutoie – très peu de personnalités étrangères peuvent se vanter d'une telle informalité. Emmanuel Macron est le premier dirigeant mondial à avoir accepté l'invitation de Moscou (plus exactement l'invitation personnelle de Vladimir Poutine) pour participer à la célébration de la Journée de la Victoire l'an prochain.
Et voici que le chef de l'Etat russe se rend en visite en France. A noter que cette rencontre se tiendra à quelques jours du sommet du G7 organisé en France. Il ne fait aucun doute qu'Emmanuel Macron y jouera un rôle de médiateur et de canal mandataire de liaison entre Moscou et le G7.
Le dirigeant français a choisi un moyen ingénieux pour accroître son poids politique et géopolitique. Qui plus est, il sème déjà les fruits de son travail. Si après son investiture il n'était pas du tout pris au sérieux, à présent il est devenu une figure notable sur la scène internationale. Toutefois, pour l'instant "notable" ne veut pas dire "influente". Mais il fait des efforts.