L'aggravation significative de la confrontation entre l'armée syrienne, d'un côté, et les militaires turcs avec des combattants qu'ils protègent à Idlib, de l'autre, a fait de l'ombre à un autre point chaud au Moyen-Orient – la Libye. Néanmoins, la situation y demeure également très tendue. Elle risque de provoquer un conflit tout aussi acharné et sanglant qu'en Syrie aujourd'hui.
La trêve fragile instaurée au prix d'immenses efforts de la Russie a été de facto enfreinte. Le porte-parole de l'Armée nationale libyenne (ANL) Ahmad al-Mismari a rejeté toute la culpabilité pour le déclenchement d'une nouvelle vague d'activités militaires sur le Gouvernement d'entente nationale (GEN), incité à agir ainsi par Ankara. Selon le porte-parole de l'ANL, "les combattants turcs et les bandes du GEN" tentent activement de saper le cessez-le-feu officiel. Ahmad al-Mismari affirme qu'il est déjà question de l'usage de l'artillerie lourde (155 mm), ainsi que de drones pour frapper notamment des quartiers résidentiels.
De leur côté, les forces commandées par le maréchal Khalifa Haftar s'opposent activement à ces initiatives agressives. Selon les informations rapportées par l'ANL, sa défense antiaérienne a détruit, rien que le 28 février, quatre drones d'attaque turcs. On ignore combien de temps pourront se retenir ses combattants en ripostant aux provocations seulement de manière dosée et ponctuelle.
Malheureusement, il faut se rendre à l'évidence: l'interruption des activités militaires a été utilisée par le gouvernement de Fayez el-Sarraj non pas pour trouver des solutions à la crise et trouver une entente avec ses adversaires, mais pour renforcer globalement les groupes armés sous son contrôle. Avant tout grâce à l'arrivée d'équipements et d'armements de Turquie, ainsi que directement à l'aide de contingents turcs. De plus, le Gouvernement d'entente nationale est soutenu par des bandes illégales envoyées à Tripoli à l'initiative de Recep Erdogan, à qui il est proposé de participer à la guerre libyenne à titre de mercenaires.
Selon les différents observateurs, le nombre de ces combattants (principalement des membres du Front al-Nosra) sur le sol libyen pourrait atteindre 8.000, voire 10.000 hommes. Les effectifs du contingent turc sont estimés à au moins 2.000 soldats. Sachant que les Turcs subissent des pertes palpables – après une récente frappe de l'ANL contre leur site de stationnement, entre 7 et 10 militaires ont été tués, et dont la mort a dû être officiellement reconnue par Recep Erdogan. L'armée de Khalifa Haftar lance de telles frappes chirurgicales contre le fret militaire envoyé d'Ankara à Tripoli en transgressant l'embargo, ainsi que des postes de commandement et des bases de drones ennemis.
Le calme avant la tempête s'achève. Ce n'est pas très difficile de deviner quel sera le résultat de la confrontation à venir. Rappelons que début février l'Armée nationale libyenne contrôlait déjà au moins 80% du territoire du pays. Le Gouvernement d'entente nationale conserve de facto son pouvoir uniquement à Tripoli. Si le maréchal Haftar cessait complètement de croire à la capacité de Fayez el-Sarraj de trouver un terrain d'entente, poussé par les Turcs à exacerber la confrontation, peu de choses pourraient le retenir contre un assaut résolu contre la capitale – dernier bastion du GEN.
Le succès et la rapidité d'une telle opération dépendent avant tout du niveau d'ingérence de la Turquie. Ainsi que d'autres pays qui soutiennent tel ou tel camp dans cette guerre qui perdure.