Emmanuel Macron est fatigué d'attendre qu'Angela Merkel soutienne ses rêves d'une intégration européenne plus étroite. Le président français a décidé de ne pas compter sur la chancelière allemande et de se trouver de nouveaux alliés au sein de l'UE.
Et il espère profiter du coronavirus pour imposer ses plans visant à réformer la zone euro, qui incluent la mise en place d'un budget commun, d'un fonds unifié de sauvetage et de la fonction de ministre commun des Finances, écrit le quotidien The Daily Telegraph.
Selon la revue britannique, M. Macron est à la tête d'une alliance de pays du Sud et de la Méditerranée, notamment les plus touchés par le Covid-19. Cette alliance, incluant l'Italie, l'Espagne et le Portugal, souhaite créer un fonds de la zone euro capable d'émettre des obligations communes avec une garantie commune pour aider à financer la reprise économique après la pandémie. Cette alliance est directement opposée à Mme Merkel. Elle dirige le groupe des membres financiers conservateurs du Nord de l'UE, qui ne brûlent pas d'envie de payer les dettes d'autres pays, explique le quotidien.
Le groupe de Macron a exigé de créer des corona-bonds de l'UE afin d'accélérer la reprise de l'économie affectée par le virus. Cette idée a été bloquée par l'Allemagne et les Pays-Bas. La dette commune est devenue un tabou pour le parti d'Angela Merkel après le sauvetage de la Grèce de la faillite. D'autant qu'aujourd'hui la chancelière est "plus faible que jamais". Le conflit a rouvert les anciennes blessures des contradictions économiques entre le Nord et le Sud de l'UE. Les pays comme l'Espagne et l'Italie sont fatigués de la morale du Nord concernant la prudence financière, notamment quand Bruxelles n'a pas voulu venir en aide à Rome au début de la crise.
Emmanuel Macron a clairement affiché sa position dans une récente interview. Il a déclaré que Berlin risquait de détruire "entièrement l'idée européenne" s'il refusait de soutenir les plans de Paris. Le président a averti que la situation était un prétexte pour les populistes au Sud de l'UE pour déclarer que le Nord oublie la cohésion de l'Europe dès qu'il faut partager un fardeau. "Il n'est plus possible d'avoir un financement désuni pour les dépenses pour combattre le Covid-19", a-t-il ajouté.
D'après le Daily Telegraph, Macron a "remué le couteau dans la plaie", mais l'a fait habilement. Le président a déclaré que la France assumait une certaine responsabilité pour la Seconde Guerre mondiale. Il a comparé l'incapacité du bloc à s'entendre sur un fonds de lutte contre le coronavirus à l'erreur "colossale" de Paris qui avait exigé de Berlin des réparations après la Première Guerre mondiale, ce qui a contribué à l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Le chef de l'Etat français a cette capacité de semer un trouble dans l'ordre de choses établi. Ainsi, il a détruit le système partite français en créant le parti République en Marche pour briguer le mandat présidentiel.
Avec sa rare critique publique visant Angela Merkel il a enfreint une autre tradition de longue date, estime le quotidien britannique. Paris et Berlin assurent historiquement un leadership en UE. Mais le célèbre moteur franco-allemand de la formation de la politique du bloc dysfonctionne depuis longtemps. Ces derniers temps le président et la chancelière divergeaient publiquement sur le Brexit, l'expansion de l'UE et le choix de la direction de la Commission européenne. En 2017, Emmanuel Macron a tenu un discours à la Sorbonne pour exposer sa vision du fonds commun pour sauver la zone euro et le budget, et a demandé un soutien à Mme Merkel. Deux ans et demi plus tard il attend encore de Berlin quelque chose de plus que des mots chaleureux et une déclaration conjointe maladroite.
Il est évident à présent qu'Emmanuel Macron s'est trouvé de nouveaux alliés pour ses batailles à Bruxelles. S'il pouvait briser le tabou de la dette commune en UE à l'aide d'un fonds pour la lutte contre le coronavirus, il resterait brisé. Les réformes du président français dans la zone euro se rapprocheraient de la réalité. Angela Merkel est peut-être affaiblie, mais elle demeure un ennemi redoutable. Peu à Bruxelles, où elle était surnommée "Reine d'Europe", miseraient contre elle en prévision du sommet numérique des dirigeants de l'UE la semaine prochaine, qui aura lieu en ligne à cause du coronavirus.
"Mais en tant que son successeur évident Macron s'empresse et se prépare à prendre à Merkel la couronne du dirigeant le plus influent de l'UE", conclut le Daily Telegraph.