Les porte-avions sont la puissance militaire principale de la marine américaine et font sa fierté. L'un des plus anciens porte-avions, l'USS Dwight Eisenhower, a été très activement exploité ces derniers temps.
Il n'y a pas si longtemps ce porte-avions a battu le record de la marine américaine de séjour en mer, après quoi il est rentré à la base, mais six mois plus tard il est reparti dans un long périple, même si initialement ce voyage n'était pas prévu avant 9-12 mois. Ce qui a été jugé étrange aux Etats-Unis. Car le bâtiment a la quarantaine largement entamée. Sa construction a commencé en août 1970, et en 1975 il a été mis à l'eau, puis, en 1977, il a été mis en service dans la marine. Ce qui est étrange c'est que l'exploitation du porte-avions est si intensive que cela pourrait affecter aussi bien l'état psychologique de l'équipage que l'état technique du navire.
En 43 ans de service le porte-avions a participé à de nombreuses opérations militaires américaines – à commencer par la Tempête du désert et en terminant par les actions contre les pirates somaliens dans le golfe d'Aden et la pression sur l'Iran. Néanmoins, à en juger par son exploitation active, le bâtiment n'a pas l'intention de prendre sa retraite.
Actuellement, le porte-avions est déployé dans le cadre du même cycle opérationnel, ce qui crée une immense sollicitation pour le navire et pour son équipage. Même les analystes américains se demandent pourquoi il faut exploiter ce vieux porte-avions avec autant d'intensité. Car le dernier déploiement de l'USS Dwight Eisenhower s'accompagnait de sérieux problèmes pour l'équipage.
Les marins ont dû passer en mer sept mois sans escale car la pandémie de Covid-19 a imposé des restrictions sur les entrées au port. Imaginez-vous l'état psychologique du personnel en sachant surtout que pendant ce long séjour en mer l'équipage n'avait même pas été informé des délais pour la levée de ces restrictions.
Mais hormis l'équipage le porte-avions lui-même connaît des problèmes. La coque du navire sert depuis presque 50 ans, ce qui signifie qu'il a besoin de plus de temps pour une maintenance technique approfondie et d'un entretien de plus en plus fréquent, car pratiquement toutes les pièces des équipements s'usent et se désintègrent. A cet égard, l'exploitation active du "vétéran" paraît plus qu'étrange.
L'exploitation active des porte-avions: les avantages et les inconvénients
Le secrétaire à la Défense américain de l'époque James Mattis a assez activement critiqué l'élargissement excessif des forces aéronavales et disait que dans les conditions actuelles il fallait abandonner une stratégie où l'adversaire pouvait prédire à des années d'avance les lieux de déploiement des groupes aéronavals américains.
D'après James Marris, la marine doit faire son apparition là où on ne l'attend pas. Il a également exprimé des doutes quant à l'utilité d'un long séjour en mer de navires qui est destructif aussi bien pour les porte-avions que pour les équipages.
Cependant, le chef du Pentagone actuel Mark Esper écoute davantage l'avis des commandants, dont plusieurs adeptes de la stratégie de présence permanente de porte-avions dans certaines régions de la planète. Par exemple, le général Kenneth McKenzie, le chef du commandement central de l'infanterie de marine, affirme que ce sont les porte-avions qui exercent la plus forte influence de dissuasion sur l'Iran. La réduction de la présence aéronavale américaine a conduit, selon le général, à la hausse de l'activité iranienne dans le Golfe.
Bryan Clark, ancien conseiller du chef des opérations navales de la marine américaine, a qualifié cette position d'absurde en soulignant qu'en réalité les porte-avions avaient peu d'influence sur la politique iranienne dans la région, car l'Iran agit à travers des groupes terroristes contrôlés, le Corps des gardiens de la révolution islamique, tandis que les groupes aéronavals américains ne peuvent pas faire face à de telles menaces.
Jerry Hendrix, capitaine de marine à la retraite, qui travaille actuellement en tant qu'analyste à Telemus Group, pense également qu'il n'existe aucune raison réelle pour la présence permanente de porte-avions américains dans différentes régions.
"Compte tenu de l'âge de l'Eisenhower, tout problème sérieux pourrait signifier que la marine américaine risque de perdre complètement le porte-avions", a souligné Jerry Hendrix.
C'est également l'avis de Bryan Clark. L'analyste pense qu'un nouveau déploiement sollicitera encore plus le Dwight Eisenhower, et il sera très difficile de surmonter les conséquences de cette sollicitation. Si un navire plus récent l'aurait facilement supporté, il faudrait beaucoup de temps ensuite pour remettre l'Eisenhower en état. Car l'exploitation trop active se reflète négativement sur les équipements du bâtiment.
Néanmoins, le commandement de la marine américaine et le chef du Pentagone ne semblent pas vouloir entendre l'avis des analystes. Par conséquent, l'USS Dwight Eisenhower partira certainement encore plus d'une fois en mission à durée indéterminée.
Alexandre Lemoine
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