Dans la nouvelle confrontation entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh le journal allemand Die Welt voit uniquement un affrontement entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue russe. Dans le Haut-Karabakh la Turquie soutient l'Azerbaïdjan musulman. Du côté opposé se trouve la Russie qui soutient l'Arménie. Vladimir Poutine ne souhaite pas une guerre, tandis que Recep Erdogan veut absolument montrer ses muscles, tout en intimidant l'Europe
Ce dimanche 27 septembre, à 4h10 du matin, dans le Haut-Karabakh a commencé une guerre entre les armées de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie.
Comme l'a écrit sur sa page Facebook le premier ministre arménien Nikol Pachinian, la première frappe a été lancée dimanche à l'aube par l'Azerbaïdjan.
"Tout la responsabilité repose sur les autorités militaro-politiques de l'Azerbaïdjan", a déclaré la porte-parole du ministère arménien de la Défense. Selon elle, plusieurs hélicoptères et drones d'attaque ont déjà été abattus, ainsi que trois chars ennemis. Le gouvernement azerbaïdjanais a démenti ces affirmations en soulignant qu'il s'agissait d'une contrattaque sur la ligne du front. Sachant que c'est l'Arménie qui avait provoqué les activités militaires.
Il s'agit d'accusations réciproques absolument typiques des belligérants dans le cadre d'un conflit qui perdure depuis plus d'un siècle et qui a éclaté avec une nouvelle force peu de temps avant la chute de l'URSS. Depuis, les affrontements armés entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie qui revendiquent le Haut-Karabakh ont lieu constamment. Conformément aux normes du droit international, cette région appartient à l'Azerbaïdjan, mais de facto elle est contrôlée par l'Arménie. La trêve proclamée en 1994 est constamment transgressée.
La dernière fois cela s'est produit en juillet 2020, lors d'une fusillade à la frontière faisant deux morts et plusieurs blessés parmi les militaires azerbaïdjanais. En règle générale, de tels incidents peuvent être qualifiés de conflits armés limités, et ils ont lieu à plusieurs centaines de kilomètres du Haut-Karabakh. Or il n'est plus question d'affrontements mineurs, mais d'une véritable guerre. Les forces armées azerbaïdjanaises et notamment l'armée de l'air ont directement attaqué le territoire litigieux. Le Haut-Karabakh a décrété la loi martiale et la mobilisation générale.
Cette guerre était tout à fait attendue. Le fait est qu'après le dernier incident à la frontière la Turquie a déclaré qu'en cas de besoin elle soutiendrait son allié, l'Azerbaïdjan. Le président turc Recep Tayyip Erdogan avait promis de "venger toute attaque contre l'Azerbaïdjan", qui approvisionne Ankara en gaz bon marché. Selon le dirigeant turc, l'Arménie devra "payer cher" pour toute attaque.
Les interventions turques en Syrie et en Libye témoignent que les menaces de Recep Erdogan ne sont pas des mots en l'air. La guerre est l'un des éléments de sa politique étrangère expansionniste, dont l'objectif consiste à créer un "nouvel Empire ottoman" avec la grande puissance turque en tête.
Sachant que depuis trois décennies l'Azerbaïdjan est un allié fidèle d'Ankara dans le Caucase. La Turquie soutient ses forces armées à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars par an. En juillet, elle a livré à l'Azerbaïdjan des drones, différentes armes et des munitions.
Avec cette escalade armée dans le Haut-Karabakh la Turquie affiche son hégémonie cette fois dans le Caucase. Elle y est confrontée aux intérêts de la Russie qui dispose de plusieurs bases militaires sur le territoire arménien. Mais cela n'arrête pas la Turquie qui fait face à la Russie en Syrie et en Libye depuis quelques années. Dans ces deux pays le gouvernement turc promeut avec succès ses propres intérêts en dépit de l'avis de la Russie. Compte tenu de cette expérience il n'est pas exclu que dans le Haut-Karabakh Ankara ne craindra pas non plus la confrontation avec le Kremlin.
La première réaction de Moscou ne semble que confirmer que le calcul de Recep Erdogan était juste. Le ministère russe de la Défense a appelé les belligérants à cesser le feu. Bien que l'Arménie, contrairement à l'Azerbaïdjan, soit membre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) créée par la Russie, le Kremlin ne souhaite pas soutenir Erevan. De plus, Vladimir Poutine ne souhaite pas une guerre avec la Turquie. Son but consiste à faire en sorte que la situation dans le Haut-Karabakh reste inchangée.
De son côté, Recep Erdogan mise sur l'intimidation. La guerre dans le Haut-Karabakh est une démonstration de sa force adressée à la Grèce et à toute l'Europe avec lesquelles la Turquie est en conflit à cause des gisements de gaz en Méditerranée orientale. Ankara montre une nouvelle fois qu'il considère la guerre comme un moyen tout à fait acceptable pour promouvoir ses propres intérêts.
Alfred Hackensberger
Source: https://www.welt.de/politik/ausland/plus216697720/Berg-Karabach-Erdogans-neuer-Krieg.html
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