Voilà un scandale écologique qui risque de mettre en colère Greta Thunberg et toutes les organisations écologiques des pays occidentaux, mais aussi le mouvement panafricain. En effet, un accord commercial et exclusif a été lancé à travers des discussions entre Washington et Nairobi qui prévoit l’exportation des déchets plastiques américains au Kenya. La Chine n’en veut plus, alors les Etats-Unis cherchent donc de nouvelles destinations pour s’en défaire.
Aux Etats-Unis, les habitants consomment 16 fois plus de plastiques que la moyenne des pays pauvres. Dans le monde, 500 millions de tonnes de déchets américains sont exportés chaque année et le continent africain pourrait bientôt devenir leur nouvelle destination par le truchement du Kenya. Les autorités kenyanes, en effet, parlementent depuis quelques mois avec les Etats-Unis pour obtenir un accord commercial exclusif qui vise l’envoi des déchets plastiques américains en destination de Nairobi. C'est derrière un projet humanitaire, qui dit que cela est pour aider le Kenya à développer une industrie du recyclage, ayant pour objectif de donner des milliers d’emplois au pays, que tout se passe. Le projet veut aussi que ce pays d’Afrique de l’Est puisse, à terme, devenir un centre stratégique pour renvoyer ce plastique une fois recyclé en direction d’autres pays du continent africain où la demande explose. Selon cet accord commercial, les produits kenyans pourraient aussi avoir accès au marché des Etats-Unis, ce qui intéresse le Kenya en raison de son économie devenue très fragile avec la Covid-19.
Le Kenya n’a cependant pas la capacité actuellement de gérer des millions de tonnes de plastiques en provenance des Etats-Unis car la gestion des déchets y est déjà tout simplement catastrophique dans ce pays. La décharge à ciel ouvert de Dandora, par exemple, avec dedans ces bidonvilles, non loin de la capitale de Nairobi, montre déjà cette totale incapacité à résoudre les ordures du pays où l'on peut voir une immense montagne de déchets monter en volume avec l'augmentation de la population urbaine. Bien sûr, Greenpeace Afrique, avec son responsable Frederick Njehu basé à Nairobi, tente d'intervenir pour refuser cet accord commercial avec les Etats-Unis. L’ONG écologiste déclare que «le Kenya n’a absolument aucune capacité de recyclage et encore moins de stockage pour des millions de tonnes de déchets qui viendraient des Etats-Unis. De plus, seuls 7% de ces déchets peuvent être effectivement recyclés et avoir ainsi une valeur. Le reste terminera dans les décharges. C’est une menace énorme pour la vie marine, les rivières, les sols, sans parler des fumées toxiques qui s’en dégageront».
La situation est facile pour les Etats-Unis à un moment où la crise de la Covid-19 fragilise économiquement le Kenya. «Cet accord commercial est totalement déséquilibré. Nous négocions avec plus fort que nous. Le Kenya va devoir revoir à la baisse ses standards environnementaux au nom des investissements américains et d’un libre accès à leur marché. Par extension de cet accord, les Américains voudront à l’avenir exploiter nos ressources naturelles ce qui compromettra notre développement. Ce qui nous inquiète également c’est que le Kenya sera forcé de changer des lois», explique aussi Frederick Njehu. Actuellement, le pays, a une loi en date de 2017 qui interdit l'importation des sacs plastiques, une loi, paradoxalement, la plus stricte au monde qui met en prison en cas de sa violation. Aussi, cet accord commercial fera intervenir inévitablement une réforme de ce texte écologique unique et précieux qui, en outre, a été largement soutenu par la communauté internationale au moment de sa mise en forme.
A partir du mois de décembre, les discussions devraient repartir et avancer dans le but d'aboutir. Même si les responsables politiques de ce pays africain ne disent rien de nouveau sur l'avancée de cet accord sur les ordures américaines, le président kenyan, qui doit quitter sa fonction en 2022, a montré sa volonté, il y a juste quelques mois de le conclure rapidement. En effet, un tel accord serait le premier accord bilatéral commercial signé entre les Etats-Unis et un pays d'Afrique subsaharienne, une première que les responsables politiques ne semblent pas vouloir perdre.
Philippe Rosenthal
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