La pandémie de Covid-19 et la crise socioéconomique qu'elle alimente en Europe ont logiquement entraîné une nouvelle aggravation du problème migratoire.
Sachant que si en 2014-2015 ce problème était principalement "extérieur" et était lié à un afflux de réfugiés et de migrants clandestins dans les pays de l'UE depuis l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, à présent la situation s'aggrave à cause de la répartition des migrants déjà sur place et le niveau différent de leur intégration dans les sociétés européennes traditionnelles. Et les phénomènes de crise dans l'économie européenne contribuent à l'aggravation de la situation en engendrant un cercle vicieux pour l'avenir de toute l'UE et pour l'unité de cette organisation.
Depuis 2014, selon les estimations les plus modestes, près de 5 millions de migrants sont arrivés en Europe, ce qui a contribué à une détérioration criminogène de la situation, à une hausse de la menace terroriste et à une crise dans le système en soi de "l'Etat social", dont les Européens étaient si fiers ces dernières décennies. Jérôme Rivière, chef de la délégation française du groupe Identité et démocratie du Parlement européen, pense qu'aujourd'hui il existe toutes les raisons de parler d'un échec catastrophique en matière de politique migratoire de l'UE.
"Ce pacte est avant tout un constat d’échec de la filière du droit d’asile, avec 2/3 des demandes d’asile refusées, et parmi elles un tiers seulement sont expulsés. En France, c’est moins de 10%", rapporte ses propos le média Valeurs actuelles.
Cependant, le danger principal dans la situation actuelle ne réside même pas dans la hausse du nombre de migrants et les menaces afférentes, mais dans le renforcement des phénomènes de crise dans le secteur politique de l'UE et l'approfondissement des lignes de confrontation quand de facto les pays d'Europe occidentale et les pays d'Europe centrale et de l'Est se retrouvent des différents côtés des barricades. Les pays comme la Pologne et la Hongrie refusent absolument de suivre le sillage des exigences de la Commission européenne en termes de quotas pour l'accueil de migrants clandestins. De plus, les différends sur les problèmes migratoires intensifient les divergences au sein de l'UE sur d'autres thèmes de politique nationale et étrangère de l'UE, ainsi que renforcent les positions des eurosceptiques et des nationalistes.
A l'heure actuelle, de tels processus ont lieu en Pologne. Selon les informations à disposition, c'est l'aspiration de Varsovie à mener plus activement une politique nationale orientée sur la garantie de la sécurité qui explique le retour récent au gouvernement polonais, après 13 ans d'absence, de l'ex-premier ministre Jaroslaw Kaczynski, un fervent critique de Bruxelles. Après le remaniement au cabinet annoncé la semaine dernière, le chef du parti au pouvoir Droit et justice est devenu vice-président en charge de la structure de force. Il a été nommé à la tête du Comité pour la sécurité nationale englobant les ministères de la Justice, de la Défense et de l'Intérieur, autrement dit, les institutions chargées directement des problèmes migratoires. De plus, le retour de Jaroslaw Kaczynski au gouvernement pourrait affecter significativement les relations entre la Pologne et l'UE, pour qui l'ex-premier ministre est un symbole des eurosceptiques d'Europe de l'Est. En été 2018, le chef du parti Droit et justice a déclaré que la Pologne pourrait obtenir des réparations manquantes de l'Allemagne à l'issue de la Seconde Guerre mondiale.
De tels processus de renforcement des positions des eurosceptiques ont également lieu dans d'autres pays de l'UE, y compris l'Allemagne, et la politique floue de Bruxelles dans le secteur migratoire est l'un des atouts de ces forces.
Le fait est que des responsables de Bruxelles sont aujourd'hui déjà incapables de réagir dûment aux menaces qui se multiplient dans ce secteur.
"Pour pallier cela, la Commission propose une plus grande surveillance aux frontières (intention louable, mais pour laquelle les moyens prévus sont en réalité dérisoires), et cherche surtout à régulariser plus d’immigrés en créant de nouvelles filières légales d’immigration. Insidieusement, elle cherche aussi à mettre un peu plus la main sur la souveraineté de nos nations, avec l’instauration d’un système de répartition obligatoire, au nom de la solidarité entre États-membres. Sont directement visées ici la Hongrie et la Pologne, qui refusent les migrants, comme le leur demandent leurs peuples", indique à cet égard à juste titre Valeurs Actuelles.
Plus tôt cette année, le ministre allemand de l'Intérieur Horst Seehofer a déjà mis en garde contre l'éventualité d'une nouvelle vague de migrants en Europe, comparable à celle qui a eu lieu il y a quatre ans. "Nous devons aider davantage nos partenaires européens pour contrôler les frontières extérieures de l'UE", a-t-il déclaré dans une interview au journal allemand Bild am Sonntag: "Si nous n'aidons pas, nous serons confrontés à une vague de réfugiés comme en 2015, voire plus grande."
Ces deux dernières années, les principaux "pays d'origine" des réfugiés et des migrants clandestins qui se retrouvent en Europe sont la Syrie, l'Afghanistan, l'Irak, le Pakistan, l'Iran, le Nigeria et la Turquie.
L'évolution de la situation en Europe pourrait conduire à un approfondissement de la crise en UE. Cela dépendra notamment de la dynamique des relations entre l'UE et la Turquie, qui tendent actuellement à se détériorer au vu de la politique plus active menée par Ankara en Méditerranée orientale, au Moyen-Orient et en Transcaucasie.
Alexandre Lemoine
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