Le Partenariat régional économique global (RCEP) représente tout simplement l’accord commercial le plus important au niveau mondial en termes de PIB. Promu par la Chine, c’est désormais une réalité.
L’accord en question concerne une vaste zone de libre-échange entre les pays membres de l’Asean (Indonésie, Singapour, Vietnam, Malaisie, Thaïlande, Philippines, Cambodge, Birmanie, Laos, Brunei), ainsi que la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. A noter que le RCEP représente ni plus, ni moins, 30% du PIB mondial.
Selon nombre de médias occidentaux, ce grand pacte commercial est considéré comme le moyen pour la Chine d’étendre encore plus son influence dans la région et d’en fixer les règles, face à la «passivité» étasunienne.
Selon le correspondant pour l’Asie du Sud-Est et l’Inde du quotidien allemand Handelsblatt, Mathias Peer, grâce à cet accord la Chine étendra massivement son influence dans la région concernée. Toujours selon lui, tout en allant à l’avantage évident de Pékin, les conditions pour les entreprises US et européennes seront susceptibles de devenir au contraire plus compliquées.
Pour Gareth Leather, économiste spécialisé de l’Asie au sein du cabinet de conseil en recherche économique basé à Londres, Capital Economics, le RCEP «permet à la Chine d’émerger comme un fleuron de la mondialisation et du multilatéralisme», ainsi que d’être encore mieux placée pour définir largement les règles commerciales régionales.
Il est possible d’être d’accord sur un certain nombre de points avec les dits analystes occidentaux, mais il serait probablement important de rappeler que ce que recherche la Chine ce n’est probablement pas tant d’être le «fleuron de la mondialisation, du moins telle qu’elle a été longtemps vue au sein de l’establishment occidental, mais bel et bien de renforcer encore plus le multilatéralisme – aussi bien dans les échanges économiques internationaux, et de façon encore plus générale dans les relations internationales.
C’est une approche logique – car si les USA, et plus généralement l’Occident politique, aient perdu sur la scène internationale le droit de s’autoproclamer «communauté internationale» et de jouer le rôle de gendarme planétaire sur la scène géopolitique mondiale, il n’empêche que les élites occidentales ont toujours espérer que via leurs leviers économiques existants, il leur sera possible de faire retarder au maximum le plein avènement du monde multipolaire. D’ailleurs, les diverses sanctions économiques occidentales visant les Etats souverains partisans du concept multipolaire, ne font que le confirmer.
Et c’est là que l’on arrive à tout le paradoxe de cette approche de l’establishment occidental, en premier lieu étasunien. S’étant longtemps autoproclamé «communauté internationale», tout en étant une minorité planétaire évidente, les élites occidentales ont très vite démontré que toutes les belles paroles sur l’égalité de tous, la libre concurrence dans le commerce international, n’étaient que des valeurs promues du moment que l’Occident pouvait en garder la mainmise et en être de loin le principal bénéficiaire. Mais face à des Etats devenus des adversaires géopolitiques, mais également géoéconomiques, le ton a rapidement changé.
De façon générale, si l’Occident s’est longtemps permis de regarder de façon moqueuse les divers processus d’intégration en cours dans l’espace non-occidental, aujourd’hui l’heure est clairement à l’inquiétude, ou du moins à un pragmatisme amer. Et ce pour la simple et bonne raison que tous ces processus d’intégration régionale et internationale, formés ou en poursuite de formation, deviennent inévitablement des alternatives fiables au concept unilatéral occidental.
Les BRICS, l’Union économique eurasiatique, l’Organisation de coopération de Shanghai et d’autres – ne font que confirmer que l’avenir du monde ne peut être que multipolaire. Désormais, avec le RCEP une nouvelle page s’ouvre. Pour autant, le fait que deux pays considérés comme étant occidentaux fassent partie dudit accord, en l’occurrence l’Australie et la Nouvelle-Zélande, confirme une chose simple: le partenariat multilatéral est ouvert à tous. A condition évidemment de comprendre que seule une véritable relation d’égal à égal aura un avenir dans le monde contemporain.
Mikhail Gamandiy-Egorov
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