A quelques heures de l'investiture du nouveau président américain, les pronostics concernant sa future politique étrangère se multiplient, notamment pour l'Asie de l'Est. Avant tout les perspectives du dialogue américano-nord-coréen dans le contexte du récent 8e congrès du Parti du travail de Corée et des déclarations qui y ont été faites.
Par exemple, Bonnie Kristian écrit dans son article publié dans The National Interest que derrière les déclarations du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un au congrès il est possible d'apercevoir des tentatives de se rapprocher avec la nouvelle administration du président Joe Biden. D'un côté, il qualifie les Etats-Unis de principal adversaire géopolitique, dont la politique vis-à-vis de Pyongyang ne changera jamais, et parle du renforcement du potentiel nucléaire du pays. De l'autre, Kim Jong-un déclare au congrès que Pyongyang "n'exclut pas la diplomatie", et son renforcement du potentiel nucléaire a pour but d'"orienter la diplomatie dans la bonne direction qui garantirait son succès". D'après l'auteur, cela témoigne de la disposition à changer de comportement si le président élu Joe Biden s'écartait de la ligne de l'administration Trump visant à exercer "la pression maximale". En particulier, Kim Jong-un a noté que Pyongyang répondrait "à la force par la force", mais "à la bonne volonté par la bonne volonté".
Cette formulation n'est pas infondée. Au congrès du parti Kim Jong-un (élu secrétaire général) parlait très franchement de la situation économique difficile du pays: aucun des objectifs fixés par le pays n'a été rempli, la situation socioéconomique des habitants se détériore. Or c'est un aveu indirect que dans les conditions actuelles la Corée du Nord n'est pas prête à poursuivre la confrontation dangereuse et coûteuse contre les Etats-Unis. Pour le président Joe Biden c'est une opportunité pour sortir de l'impasse dans laquelle se sont retrouvées les relations de Pyongyang et de Washington après le sommet de 2019 à Hanoï. C'est pourquoi, écrit Bonnie Kristian, la priorité des Etats-Unis doit être "les négociations patientes au niveau technique pour atteindre des objectifs réalistes sur un large éventail de questions telles que la transparence économique et sociale de la Corée du Nord, la signature d'un traité de paix avec la Corée du Sud et la suspension du programme nucléaire".
Or pour cela "il faut travailler sur la passation du leadership diplomatique à la Corée du Sud, qui a une proximité culturelle et souhaite normaliser les relations avec son voisin du Nord, ce qui ne sera jamais le cas de Washington". Et c'est juste, parce que l'administration Trump ignorait continuellement les efforts de Séoul de participer au dialogue américano-nord-coréen.
Au final, "le désarmement nucléaire peut être maintenu en tant qu'objectif à long terme, mais à court terme il est irréaliste, et l'approche "tout ou rien" restera un obstacle sur le chemin de la paix".
En ce qui concerne l'encouragement des initiatives diplomatiques de Séoul, le 14 janvier s'est déroulée une visioconférence entre le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Corée du Sud Ham Sang-wook et la secrétaire générale adjointe de l'Onu, la Haute représentante aux affaires de désarmement Izumi Nakamitsu. Comme le rapporte Yonhap News, ils ont évoqué les perspectives du désarmement nucléaire et de la non-prolifération des armes de destruction massive en prévision du 50e anniversaire du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui sera célébré en août 2021. La représentante de l'Onu a parlé de la disposition à soutenir les efforts du gouvernement sud-coréen pour rétablir la paix et déboucher sur une dénucléarisation totale de la péninsule coréenne.
Ainsi a été proposé un scénario tout à fait raisonnable et fondé pour réanimer le dialogue entre Pyongyang et Washington. Ainsi que semblent être mûres les prémisses pour sa réalisation dans un avenir prévisible. Ce serait bien que cette opportunité ne soit pas manquée.
Alexandre Lemoine
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