La Haye condamne l'un des criminels les plus cruels du XIXe siècle.
Victime de violences, combattant brillant, sadique, violeur et cannibale. Tous ces qualificatifs décrivent Dominic Ongwen, l'un des commandants du groupe rebelle ougandais l'Armée de résistance du Seigneur (LRA). La semaine dernière, la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye l'a reconnu coupable de nombreux crimes atroces.
Ce jeudi 4 février, la CPI a prononcé sa décision sur l'affaire de Dominic Ongwen, ancien enfant-soldat et l'un des commandants de la LRA. Il a été reconnu coupable de 61 chefs d'accusation, dont les assassinats, la torture, les viols, le kidnapping d'enfants et d'adultes, le maraudage et l'esclavage sexuel.
La sentence de Dominic Ongwen sera prononcée plus tard. Cette affaire attire l'attention non seulement de par les nombreux épisodes d'une extrême cruauté, mais également parce que l'accusé lui-même a été victime de la LRA pour devenir ensuite l'un de ses chefs.
Dominic Ongwen est né dans le village de Coorom, dans le nord de l'Ouganda. On dit qu'il est né en 1975. Il aurait été kidnappé par des combattants de la LRA en 1987 ou en 1988 pour le transformer en l'un des milliers d'enfants tueurs. Les avocats de l'accusé contestent l'une de ces dates, insistant que le garçon a été kidnappé à l'âge de 8-9 ans.
L'Armée de résistance du Seigneur, connue comme l'une des armées rebelles les plus cruelles dans le monde, n'était qu'en cours de formation à l'époque. Elle a été fondée en 1987 par Joseph Kony, qui se prenait pour l'incarnation du saint esprit et rêvait de créer en Ouganda un Etat théocratique "fondé sur les dix commandements", tels qu'il se les imaginait.
En quelques décennies, les combattants de la LRA ont tué plus de 100.000 personnes et ont capturé plus de 60.000 enfants. Plusieurs d'entre eux sont ensuite devenus des enfants soldats.
Et Dominic Ongwen en faisait partie. Il se rendait à l'école lorsque des combattants de la LRA l'ont capturé. Selon le témoignage de ses proches, les parents de Dominic, qui travaillaient comme enseignants à l'école, ont été tués dans le mois qui a suivi son enlèvement.
L'un des premiers formateurs d'Ongwen au sein de la LRA était Vincent Otti, l'adjoint de Kony et numéro 2 de l'organisation. Les enfants soldats étaient formés dans des conditions d'une cruauté totale. D'un côté, ils étaient frappés (et en cas de désobéissance ils étaient tués avec une cruauté inhumaine), de l'autre, ils exigeaient d'eux d'être tout aussi cruels envers les prisonniers et les civils ordinaires qui ont eu le malheur de se retrouver sur le chemin de la LRA. La participation aux tortures ou au moins l'observation, tout comme les rituels brutaux d'initiation étaient un élément obligatoire de la formation des enfants soldats.
La plupart des crimes dont Dominic Ongwen a été reconnu coupable par la CPI ont été commis entre juillet 2002 et décembre 2005. A l'époque, âgé entre 20 et 30 ans, Ongwen était déjà l'un des principaux chefs de guerre. Il commandait un bataillon au sein de l'une des quatre brigades de la LRA, Sinia, puis toute cette brigade.
Dans la LRA Ongwen kidnappait avant tout des enfants et des adolescents: les garçons étaient transformés en soldats, les filles étaient soumises à l'esclavage sexuel. Ceux qui résistaient ou tentaient de fuir étaient tués.
Le kidnapping d'enfants est devenu l'un des chefs d'accusation pour lesquels Ongwen a été reconnu coupable. On dit qu'il était très cruel envers ceux qui tentaient de fuir.
Parmi les autres – les viols et les mariages forcés. Pendant le service dans la LRA Dominic Ongwen avait au moins sept femmes. C'est le nombre de femmes qui ont témoigné au procès. Plusieurs d'entre elles ont été capturées encore adolescentes et mariées de force à Ongwen, d'autres étaient "distribuées" à ses soldats.
Mais la plupart des chefs d'accusation pour lesquels Ongwen a été reconnu coupable concernent les attaques de sa brigade contre quatre camps de réfugiés au nord de l'Ouganda. Ces attaques ont été perpétrées entre 2003 et 2005. Dans l'ensemble, dans chaque attaque contre les camps de réfugiés, au moins plusieurs dizaines de personnes ont été tuées.
En 2005, la CPI a émis un mandat d'arrêt contre cinq dirigeants de la LRA, dont Dominic Ongwen. Les autorités américaines ont promis de verser une récompense de 5 millions de dollars pour les informations concernant l'endroit où il se trouve, la même somme a été fixée pour les informations sur d'autres chefs de la LRA. A l'heure actuelle, hormis Ongwen, seul Joseph Kony reste en vie, qui continue de se cacher: l'an dernier, il a été aperçu dans une région paumée du Soudan du Sud.
En 2006, la LRA a été chassée de l'Ouganda. Et au même moment l'étoile d'Ongwen semble avoir commencé son déclin. Ses relations avec Kony se sont sérieusement dégradées.
Ainsi, Ongwen s'opposait à l'assassinat de son ancien formateur Vincent Otti, avec lequel Kony a eu d'importants différends quant à l'avenir de l'organisation. Ongwen était le seul des chefs de la LRA à demander de laisser la vie sauve à Otti. Cela a affaibli ses positions.
Depuis 2014, Ongwen était détenu dans un camp de la LRA en Centrafrique, d'où il s'est enfui pour se rendre aux soldats américains qui se trouvaient à proximité. Les Etats-Unis l'ont remis à la CPI.
Le procès de Dominic Ongwen a commencé en 2016. Parmi les témoins qui ont témoigné ou ont envoyé leur témoignage se trouvaient d'anciens enfants soldats et des civils touchés par la LRA. Hormis ces dépositions, la cour possède les rapports des militaires ougandais et des renseignements, les enregistrements des conversations des rebelles et d'autres documents.
Le procès de jeudi était diffusé sur les grands écrans dans plusieurs villes et villages au nord de l'Ouganda, une région particulièrement touchée par les actions de la LRA.
Ongwen, qui n'a pas reconnu sa culpabilité, a déclaré au tribunal: "Je fais moi-même partie des victimes de la brutalité de la LRA."
"Les preuves indiquent que Dominic Ongwen était un tueur et un violeur… Sous sa direction l'unité sous son commandement utilisait systématiquement des enfants soldats et commettait des crimes sexuels contre des filles. Les circonstances dans lesquelles lui-même a été kidnappé et recruté par la LRA bien des années avant cela pourraient servir de prétexte pour assouplir la peine… Mais elles ne peuvent pas servir de justification ou de raison pour ne pas le traduire en justice pour le choix qu'il a fait", a déclaré dans son réquisitoire encore en 2016 la procureure de la CPI Fatou Bensouda.
Alexandre Lemoine
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