L'Europe a l'intention de défier les géants technologiques de la Silicon Valley. C'est ce qu'indique notamment le discours du Commissaire de l'UE pour le marché intérieur Thierry Breton au Parlement européen.
"Breton semble vouloir poursuivre une ligne dure contre la Big Tech", écrit la revue italienne Formiche.
La stratégie de l'UE visant à rétablir un équilibre des forces avec les géants technologiques américains s'appuie sur deux documents législatifs: la loi sur les marchés numériques (DSA pour Digital Markets Act) et la loi sur les services numériques (DMA pour Digital Markets Act). La première représente un instrument de régulation de la concurrence ex ante (en dépit de la législation antimonopole en vigueur, qui s'applique post factum seulement après l'identification d'un comportement anticoncurrentiel). A l'aide de la seconde loi l'UE "cherche à mettre en place de nouveaux engagements et la responsabilité pour les médiateurs numériques et notamment pour les plateformes en ligne par rapport au contenu qu'elles diffusent".
Les actions de l'UE en la matière sont supervisées par Thierry Breton, homme d'affaires français, ancien professeur à Harvard Business School. Il a été président du conseil d'administration de la compagnie Group Honneywell Bull, président et directeur général des compagnies Thomson-RCA et France Telecom, Atos (l'une des plus grandes compagnies informatiques internationales). Il a été ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie au gouvernement français.
Thierry Breton explique: "La Commission européenne est prête à utiliser l'artillerie lourde si les amendes élevées prévues dans la proposition pour la régulation des grandes technologies, la DMA et la DSA sont insuffisantes pour prévenir un comportement illégal." Après le vol de données personnelles affectant les intérêts de 530 millions d'utilisateurs de Facebook, Thierry Breton a parlé de la nécessité d'une séparation structurelle des géants d'internet en Europe: "Nous voudrions voir un démantèlement de ces grandes plateformes si elles ne protègent pas les informations de leurs utilisateurs. Ces plateformes doivent aujourd'hui assumer la responsabilité pour leurs actes."
Thierry Breton, gaulliste convaincu, reprend volontiers les propos du général de Gaulle que la France est toujours prête à considérer l'Europe comme un facteur de multiplication de la puissance nationale, indique le journal italien Giornale, "mais toute l'Europe doit choisir si elle sera un objet ou un sujet du jeu central dans l'aspiration à trouver un équilibre stratégique et économique au XXIe siècle."
La doctrine de Breton, poursuit Giornale, est un plan à moyen terme visant à créer des conditions qui garantissent aux pays européens un niveau maximal de souveraineté dans le secteur numérique, la possibilité de créer des chaînes d'approvisionnement, des alternatives technologiques et opérationnelles aux géants tels que les Etats-Unis et la Chine, ainsi que la création de champions européens dans ce secteur.
"Les géants d'internet américains en deux décennies ont changé la vie sur la planète: l'économie, la politique, l'éducation, la communication et les loisirs. La rapidité avec laquelle ils ont pénétré dans toutes les sphères de la vie et ont mis la main sur les entreprises, sur le commerce et sur le discours social a été un symbole de la suprématie technologique et financière de l'Occident. Maintenant cela se transforme tout aussi rapidement en un mal de tête", indique la BBC.
Cela fait longtemps que l'UE tente, en vain de concurrencer les géants américains des hautes technologies. L'UE a infligé à Google trois amendes d'environ 9 milliards de dollars parce que les Américains promouvaient leur moteur de recherche via leur propre système opérationnel Android, et leur magasin via le moteur de recherche. Facebook et Amazon ont été sanctionnés pour l'utilisation des données personnelles des utilisateurs pour promouvoir leurs propres produits et services, alors qu'Apple a fait l'objet d'une enquête suite à une plainte des services musicaux contestant l'imposition d'Apple Music par le fabricant des iPhones à ses utilisateurs.
Ces affaires duraient des années, alors que les amendes pour les géants high-tech étaient microscopiques. Et maintenant l'UE a visiblement l'intention de dompter les Américains avec plus de détermination. Et les hommes d'affaires européens commencent à agir en conséquence. Ainsi, le milliardaire Xavier Niel, par exemple, a fait une révolution sur le marché des appareils mobiles français. Il a ouvert une école d'ingénieurs à Paris à l'instar de la cité universitaire de Californie.
Alexandre Lemoine
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