Les présidents de la Russie et des Etats-Unis, conscients de tous les risques politiques connexes, ont décidé de ne pas remettre à plus tard leur rencontre bilatérale.
Ainsi, les deux dirigeants des plus grandes puissances nucléaires ont clairement montré qu'ils étaient parfaitement conscients de la gravité de la situation dans le monde et avaient l'intention d'assumer la responsabilité pour la sécurité internationale.
De toute évidence, il n'était pas facile pour eux d'accepter cette réunion prévue à Genève pour le 16 juin. Les relations entre la Russie et les Etats-Unis continuent de se détériorer ces dernières années, pratiquement tous les contacts au niveau officiel sont interrompus aujourd'hui, les parties échangent régulièrement des déclarations dures sortant souvent du cadre de la pratique diplomatique habituelle.
Quelles que soient les attentes et leurs motifs, il faut partir du principe qu'actuellement dans les relations russo-américaines il existe un cadre objectif et tout à fait défini des possibilités qui détermine en grande partie l'issue probable de cette rencontre. Il est à supposer qu'à Genève il n'y aura pas de troubles de communication regrettables ou d'élans émotionnels empêchant une communication professionnelle et lucide puisque des deux côtés la rencontre est préparée par des professionnels de haut niveau ayant une certaine expérience de communication entre eux.
A noter avant tout que l'organisation en soi du sommet russo-américain est déjà un grand événement international. La reprise du dialogue politique au sommet ouvre des opportunités pour une interaction pratique entre les deux pays sur plusieurs problèmes clés de la sécurité internationale.
La rencontre à venir à Genève pourrait également envoyer un signal important aux alliés des Etats-Unis, notamment en Europe, qui, craignant une réaction négative de Washington, s'abstenait d'un dialogue plus actif avec Moscou sur les problèmes de la sécurité euro-atlantique et mondiale.
En ce qui concerne les questions concrètes qui pourraient être abordées par les deux présidents, il faut voir les choses réellement: il ne faut certainement pas s'attendre à des accords de percée. Une entente sur le rétablissement par étapes des canaux de dialogue au sujet des menaces contemporaines pour la sécurité serait déjà considérée comme un succès.
La stabilité stratégique implique notamment une coopération étroite ou au moins une coordination des parties par rapport aux défis extérieurs communs. Or ils sont déjà nombreux et leur nombre ne cessera d'augmenter. C'est le terrorisme international et les changements climatiques, la pandémie de coronavirus et le danger des catastrophes anthropiques, les migrations incontrôlées et le comportement irresponsable d'acteurs non gouvernementaux de la politique mondiale, les menaces dans le cyberespace et bien d'autres.
Aux problèmes stratégiques il convient également d'attribuer les problèmes régionaux dans lesquels sont directement ou indirectement impliqués la Russie et les Etats-Unis. L'Iran, l'Afghanistan, la Corée du Nord, la Syrie, le Yémen, l'Ukraine: sur tous ces sujets la hausse du niveau de l'entente entre les deux pays, la précision des intérêts, des motivations et des attentes de l'autre partie pourraient apporter une impulsion à la normalisation à venir.
Igor Ivanov, ministre russe des Affaires étrangères (1998-2004)
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