Le 27 février dernier, l'UE a annoncé avoir l'intention d'envoyer des avions de chasse aux forces ukrainiennes. Les observateurs y voyaient un risque d'escalade certain face à l'opération russe en Ukraine. La Pologne, a répondu favorablement à cette demande, mais a décidé de donner la «patate chaude» aux Etats-Unis ne voulant pas se retrouver seule devant la Russie dans cette décision militaire.
Livraison d'armes de l'UE à l'Ukraine. «Pour la première fois, l'UE va financer l'achat et la livraison d'armements», a martelé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Cette décision de l'UE de livrer des armes à Kiev est une décision historique.
Le Monde précisait que «pour la première fois, les Vingt-Sept vont faciliter la délivrance d’armes létales, y compris des avions de combat, en débloquant 450 millions d’euros pour l’envoi d’une assistance militaire à Kiev». Comme le quotidien français le relatait: Le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell «parlait même, dans la soirée, de la mise à la disposition de l’armée ukrainienne d’avions de chasse». Pour les observateurs, l'escalade militaire semblait inévitable. «Le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, a dit avoir besoin d'avions que les Ukrainiens peuvent piloter. Certains Etats membres disposent de ce genre d'avions et nous allons les fournir avec d'autres armements nécessaires à une guerre», a précisé Josep Borrell à l'issue d'une réunion en visio-conférence avec les ministres des Affaires étrangères de l'UE, précédé d'un entretien avec le ministre ukrainien.
«Nous avons besoin d'avions (...) si nos avions sont abattus par les Russes, la responsabilité des destructions au sol sera partagée entre les Russes et ceux qui ne nous ont pas aidés», a menacé Dmytro Kouleba dans un entretien à France 24, dénonçant la non-action de l'Otan et des pays de l'UE pour défendre l'Ukraine. Zone Militaire rappelle que «la liste des pays européens susceptibles de fournir de tels appareils se réduit à la Pologne, la Bulgarie et la Slovaquie, leurs forces aériennes respectives étant dotées de MiG-29 ''Fulcrum'' hérités, en partie de la période soviétique».
La Pologne a donné son feu vert. «Le MiG-i-29 polonais ira en Ukraine», a déclaré le ministère polonais des Affaires étrangères, comme, ZBiAM, le site polonais spécialisé dans l'analyse militaire, l'annonce en titre. Le gouvernement polonais répondait positivement à la demande de l'Ukraine et à la déclaration de l'UE le 8 mars: «Les autorités de la République de Pologne, après consultation avec le Président et le Gouvernement de la République de Pologne, sont prêtes à transférer immédiatement tous leurs avions MIG-29 gratuitement à la base de Ramstein [Allemagne] et à les mettre à la disposition du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.
Dans le même temps, la Pologne demande aux Etats-Unis d'Amérique de lui fournir des avions d'occasion dotés de capacités opérationnelles similaires. La Pologne est prête à convenir immédiatement des conditions d'achat de ces machines. Le gouvernement polonais demande également aux autres pays de l'Otan - propriétaires d'avions MIG-29 - d'agir de la même manière».
Les avions polonais sont là. ZBiAM a rappelé que «les autorités ukrainiennes informent depuis plusieurs jours sur la possibilité de reprendre les avions de production de l'Est (MiG-29 et Su-25) situés dans les ressources des pays européens de l'Otan. Outre la Pologne, il s'agit aussi de la Bulgarie et de la Slovaquie». La Pologne possède environ 28 MiG-i-29 qui sont exploités dans deux bases aériennes (à Mińsk Mazowiecki et Malbork). Ces dernières années, quatre exemplaires ont été tirés du stock. En outre, les machines stationnées à Mińsk Mazowiecki ont subi le processus de modification de l'équipement de bord, qui, entre autres, comprend un nouveau système IFF et des appareils de communication fonctionnant selon la norme Have Quick. Dans les deux cas, ils devraient être démontés avant la livraison du côté ukrainien, explique ZBiAM. Selon les communiqués de presse (non confirmés) à ce jour, en échange du MiG-i-29, la Pologne pourrait recevoir un nombre indéterminé d'avions multi-rôles Lockheed Martin F-16 Fighting Falcon. Les détails de cet accord ne sont actuellement pas connus, déclare le site polonais.
Les Etats-Unis refusent subitement. Le 6 mars, Ouest-France écrivait dans ses colonnes: «Les Etats-Unis cherchent un accord avec la Pologne pour fournir des avions de guerre à l’Ukraine». Europe 1 spécifiait: «Lors d'une visite en Moldavie, le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a affirmé que les Etats-Unis "travaillent activement" sur un accord avec la Pologne pour l'envoi d'avions de chasse à l'Ukraine».
Zone Militaire rappelle que le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a donné à Oslo des précisions lors d’une conférence de presse: «La Pologne n’est pas partie à cette guerre et l’Otan n’est pas partie à cette guerre. C’est pourquoi toute décision de livrer des armes offensives doit être prise par l’Otan tout entière, sur la base d’unanimité. C’est pourquoi nous sommes prêts à donner toute notre flotte d’avions de chasse à Ramstein, mais nous ne sommes pas prêts à faire quoi que ce soit tout seuls, parce que, comme je l’ai dit, nous ne sommes pas parties à cette guerre». John Kirby, porte-parole du Pentagone, explique le 8 mars, ensuite, qu' «en fait, la proposition de la Pologne ne montre que quelques-unes des complexités que présente cette question. La perspective de voir des avions de combat ''à la disposition du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique’’ partir d'une base américaine/Otan en Allemagne pour voler dans l'espace aérien contesté avec la Russie au-dessus de l'Ukraine suscite de sérieuses inquiétudes pour l'ensemble de l'alliance de l'Otan. Il n'est tout simplement pas clair pour nous qu'il existe une justification substantielle à cela. Nous continuerons à consulter la Pologne et nos autres alliés de l'Otan sur cette question et les difficiles défis logistiques qu'elle présente, mais nous ne pensons pas que la proposition de la Pologne soit tenable».
Reuters confirme le rejet des Etats-Unis concernant l'offre de la Pologne pour lui fournir des avions de combat de fabrication russe pour l'Ukraine car «l'Otan a déclaré qu'elle ne voulait pas de conflit direct avec la Russie, une autre puissance nucléaire, et le président Joe Biden a exclu l'envoi de troupes américaines en Ukraine pour combattre. Le Pentagone a déclaré que cela s'appliquerait aux troupes au sol ou dans les airs pour les missions de vol». Rapidement les Etats-Unis et l'Otan ont dû refuser l'offre polonaise qui représente un danger d'escalade dans le conflit ukrainien. La Pologne et d'autres pays de l'Otan situés à proximité de la Russie pourraient comprendre qu'ils n'auront pas le soutien de l'Otan. Cela montre aussi les limites de l'Otan. Finalement, l'Ukraine devra se passer d'un engagement plus direct de l'Otan et certainement même de celui de l'UE car les membres de l'UE et de l'Otan ne peuvent pas se permettre d'aller plus loin.
Philippe Rosenthal
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