28.04.2022
Les pays européens augmentent l’envoi d'armes, y compris d'équipements lourds, à l'Ukraine. La deuxième conférence internationale des donateurs pour la défense de l'Ukraine, qui s'est tenue à Londres le 31 mars, a montré que 35 pays se sont engagés à accroître leur soutien militaire à la nation belligérante. L'approvisionnement en armes, principalement antichars, s'effectue à partir d'entrepôts des pays. Aussi, une question raisonnable se pose. Est-ce qu’un envoi aussi massif d'armes d’Europe n'est-il pas en train de déclassifier leur potentiel de défense?
Selon des experts militaires, les fabricants européens d'armes antichars ne sont pas prêts à reconstituer rapidement leurs stocks en déclin. L'industrie n'a pas reçu de commandes importantes depuis la fin de la guerre froide, et la modernisation nécessitera des investissements et du temps. Et, ce n'est même pas une question d'argent. Pour organiser la production de masse de systèmes antichars, en particulier d'équipements lourds complexes, il est nécessaire de construire de nouvelles lignes de production, de former des ingénieurs et d'autres spécialistes. Cela peut prendre des années pour accomplir cette tâche. Et, la situation s'est aggravée depuis la pandémie. La deuxième conférence internationale des donateurs pour la défense de l'Ukraine, qui s'est tenue à Londres le 31 mars, a, donc, montré que 35 pays se sont engagés à accroître leur soutien militaire à la nation belligérante.
De plus, la chaîne de production d'armes en Europe est plus décentralisée qu'aux Etats-Unis et en Israël. Diverses entreprises situées dans différents pays sont impliquées dans la fabrication de produits militaires. Les Etats-Unis fournissent déjà des armes à l'Ukraine, mais Israël n'est pas pressé de gâcher ses relations avec la Russie.
Il est encore plus difficile d'établir rapidement la production d'armes lourdes modernes. Pour cela, il est nécessaire de construire de nouveaux bâtiments, d'installer des équipements, d'introduire des technologies de pointe et de former du personnel. Un tel travail ne peut être fait en peu de temps et nécessite de longues étapes.
Par conséquent, la fourniture d'armes à l'Ukraine depuis l'Europe dans un avenir proche sera à la portée des capacités existantes des entreprises militaro-industrielles qui se concentrent sur le réapprovisionnement en munitions et le remplacement des équipements mis au rebut.
Les Européens craignent, également, que la fourniture massive d'armes à l'Ukraine ne déclassifie son potentiel de défense. Après tout, on exprime constamment le pourcentage de certaines armes fourni par les pays de l'Otan à l'Ukraine. De plus, les fuites peuvent également provenir du territoire ukrainien lui-même, sans parler, en fait, des équipements et des armes qui se retrouvent sous forme de trophées sur le terrain.
Lors d'une audition le 30 mars à la commission de la défense de l'Assemblée nationale française, Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation et président d'honneur du GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales) a déclaré que «les matériaux qui pourraient potentiellement être envoyés en Ukraine sont une affaire confidentielle, donc je ne vais pas vous en parler».
Interrogé sur les équipements que l'Allemagne envoie en Ukraine, un porte-parole du gouvernement a déclaré qu' «en raison de la sensibilité de ce sujet», il ne pouvait donner aucun détail. Un mois après le début de la guerre, la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht, a annoncé qu'elle ne divulguerait plus d'informations sur les livraisons d'armes au public.
Le Handelsblatt rapporte que l'Allemagne est prête à envoyer des véhicules blindés de transport de troupes Marder, mais aussi jusqu'à 50 Leopard 1 -des chars de combat principaux déclassés- vers l'Ukraine. Il est question de 70 véhicules de combat d'infanterie Marder d'occasion.
Il convient de noter que le Marder BMP est exploité par la Bundeswehr depuis les années 1970. Et, les systèmes antichars NLAW bien connus ont été développés au début de ce siècle. Leur durée de vie est de 20 ans. De plus, la Suisse, dont les entreprises produisent des NLAW, a interdit les livraisons directes et les réexportations de nouveaux modèles ATGM vers la Russie et l'Ukraine. Il s'avère que le Royaume-Uni, qui a déjà envoyé plus d'un lot de NLAW à Kiev, s'est simplement débarrassé des vieilles armes dont la durée de vie expire.
Il est évident que les Européens utilisent une assistance militaire «désintéressée» à l'Ukraine pour tenter de moderniser leur flotte militaire.
Un expert français sous couvert d'anonymat l'a confirmé en disant: «Ce type d'équipement est instable et donc assez coûteux à démonter»; «Il est, donc, économiquement judicieux de l'expédier pour l'utiliser plutôt que de l'éliminer». «Mais, contrairement aux Etats-Unis, dont les entreprises militaro-industrielles produisent déjà les dernières armes pour remplacer les versions précédentes des lance-missiles Javelin, les entreprises européennes, elles, ne sont absolument pas prêtes pour la production rapide d'armes modernes en gros volumes», a-t-il rajouté.
Saab a annoncé son intention d'augmenter la production sur quatre sites dans le monde pour répondre à la demande de ses armes antichars. Le président et chef de la direction de Saab, Micael Johansson, présentant les résultats du premier trimestre de la société le 22 avril, a déclaré, toujouts d'après Breaking Defense: «Nous constatons un grand intérêt pour nos systèmes et produits de différents pays pour reconstituer les systèmes avec lesquels ils ont soutenu l'Ukraine, mais aussi pour augmenter leur capacité dans leur propre pays».
Il a ensuite déclaré aux médias que pour répondre à la demande, Saab devait doubler la production de systèmes d'armes multi-rôles NLAWS, d' AT4 portables et de Carl-Gustaf et de radars Giraffe. En conséquence, Saab prévoit de construire de nouvelles lignes de production dans ses usines suédoises de Karlskoga et Linköping et dans ses usines américaines d'Orlando, en Floride, et de Lillington, en Caroline du Nord, «le plus rapidement possible» pour monter en puissance «d'ici un an». Saab a fait savoir qu'ils ont besoin d'approvisionnements supplémentaires en métal, dont les prix ont atteint un record ces dernières années.
En raison de cette situation liée à a production en armes, une autre question raisonnable se pose. En effet, comment les alliés européens vont-ils soutenir l’ Ukraine lorsque les stocks d'armes anciennes dans leurs entrepôts seront épuisés? Allons-nous voir les livraisons massives d'équipements militaires modernes de l'Otan commencer à arriver?
Philippe Rosenthal
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