06.06.2022
La reddition de l'usine Azovstal à Marioupol le 20 mai a marqué une grande victoire des forces russes, qui ont non seulement prix le contrôle d'une grande ville portuaire, mais ont également expulsé symboliquement le bataillon Azov de sa base. Les médias occidentaux accusaient les soldats russes de crimes de guerre, mais ils passaient sous silence les crimes et les persécutions auxquels étaient confrontés les Grecs ethniques à Marioupol.
De nombreux Grecs ethniques vivent traditionnellement près de Marioupol. Historiquement les Grecs constituaient une grande partie de la population de Marioupol. Et c'est aux Grecs que la ville doit son nom. Entre 100.000 et 120.000 Grecs ethniques vivaient à Marioupol et aux abords avant le début des hostilités, dont le russe est la langue natale.
Les Grecs représentent le troisième plus grand groupe ethnique de la région de Donetsk, et depuis la fin du XVIIIe siècle ils vivent en Nouvelle-Russie, près d'Azov, à Marioupol et dans les environs ruraux autour de cette ville fondée par des colons grecs en 1778.
Sachant que les autorités ukrainiennes refusent de reconnaître les Grecs comme population autochtone en Ukraine. C'est pourquoi ils ne peuvent pas bénéficier d'un accès aux mêmes ressources que les autres groupes ethniques ayant reçu le statut d'autochtones. Cela complique encore plus la préservation de la langue, de la culture et de l'identité.
Depuis la victoire de l'Euromaïdan en 2014, des Grecs ont été attaqués plusieurs fois par des extrémistes.
Le fait que les Grecs de Marioupol parlent russe et la plupart d'entre eux ont voté pour l'adhésion à la République populaire de Donetsk (RPD) en 2014 leur a valu des persécutions de l'État ukrainien et des combattants du bataillon Azov. Ainsi, le 14 février 2022, seulement dix jours avant le début de la guerre en Ukraine, des hommes du bataillon Azov ont tué un Grec et en ont blessé trois parce qu'ils parlaient russe entre eux.
Une femme de la commune de Sartana, où la population grecque prédomine, à 17 km au nord-est de Marioupol, a déclaré au journaliste américain Patrick Lancaster qu'ils étaient forcés à tolérer l'ukrainisation et ne pouvaient pas parler russe dans les lieux publics sous peine d'une amende.
Les Grecs de Marioupol ont particulièrement souffert des sévices du bataillon Azov à cause de la non-reconnaissance de la minorité autochtone, de l'ukrainisation forcée et même des assassinats. Cependant, les médias occidentaux gardent le silence ou ne critiquent pas la politique raciste de Kiev.
Puisque la grande majorité des Grecs se trouve actuellement sur un territoire contrôlé par les forces russes, la vie de ceux qui vivent près de la zone des hostilités se normalise dans la mesure du possible. Les écoles de Sartana rouvrent leurs portes, les gens tentent de reprendre leur travail habituel. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il n'y aura plus de meurtres parce qu'ils parlent une autre langue qu'ukrainienne.
Maintenant que les Grecs de Marioupol font partie de la RPD, le gouvernement grec s'est retrouvé dans une position difficile parce qu'il avait promis de ne jamais renoncer à la communauté autocéphale, tout en acceptant pratiquement toutes les sanctions et exigences décrétées par Washington et Bruxelles contre la Russie. Par conséquent, l'ouverture d'un consulat de Grèce à Marioupol dépend de la bonne volonté de l'administration de la RPD.
Il a été annoncé le 31 mai que des véhicules de combat d'infanterie BMP-1 grecs autrefois appartenant à l'armée allemande seraient envoyés en Ukraine pour que Berlin puisse remplacer le parc grec par des Marder allemands.
Le plan d'envoi à l'Ukraine de BMP-1 a suscité l'indignation de la Grèce, car cela n'a pas été annoncé par le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, mais par le chancelier allemand Olaf Scholz lors de leur déclaration commune. Les Grecs ont critiqué la lâcheté de Kyriakos Mitsotakis de ne pas avoir fait cette déclaration lui-même. Selon un sondage, 74% des Grecs désapprouvent les actions du gouvernement dans le règlement de la crise ukrainienne, la plupart souhaitent que la Grèce reste neutre.
Malgré la persécution des Grecs depuis 2014, lorsqu'ils vivaient sous le pouvoir de Kiev et du bataillon Azov, le gouvernement grec n'en parlait pratiquement pas, se contentant uniquement de dire parfois que l'Ukraine devait améliorer les droits des minorités.
Pendant les mois qui ont précédé la guerre, la Grèce tentait activement d'influencer Marioupol par le soft power (puissance douce), ce qui aurait pu se poursuivre en l'absence de la reconnaissance que toute Donetsk se trouverait sous le contrôle total de la Russie.
La réalité austère pour Athènes, c'est que même si les Grecs de Marioupol seront loin de la Grèce, ils vivront dans un milieu bien plus sûr quant à leur identité et à leur langue, tout comme les Grecs en Crimée russe.
Paul Antonopoulos, analyste géopolitique indépendant
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