13.12.2022
Les responsables politiques de la République française veulent désormais "être méchants avec les méchants [migrants] et gentils avec les gentils [migrants]".
La Première ministre française, Elisabeth Borne a présenté aux députés français le 6 décembre dernier les grandes lignes du projet de loi sur l'immigration du gouvernement. Son discours a été suivi d'un débat sans vote qu'elle doit renouveler ce 13 décembre au Sénat à 17h30. Une déclaration du gouvernement, suivie d’un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la politique de l'immigration, doit se tenir. Ensuite, le texte sera présenté en Conseil des ministres début 2023, avant de faire son entrée à l'Assemblée nationale.
«L'exécutif veut notamment expulser davantage les "étrangers délinquants", réformer le système d'asile et régulariser certains travailleurs sans-papiers qui occuperaient des métiers peu pourvus», a signalé TF1.
Le gouvernement avec Elisabeth Borne, qui est le principal rédacteur de la loi, et le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, devront parcourir un chemin étroit entre la droite, qui nie les avantages de l'immigration, et la gauche, qui s'oppose à toute réglementation. Il y a de fortes chances qu'au final la loi ne convienne ni à l'un ni à l'autre. Jusqu'au printemps, lorsqu'un vote est prévu, l'urgence de la question ne fera que s'intensifier.
Les gentils et les méchants migrants. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin a défini simplement l'essentiel de l'attitude des autorités françaises envers les migrants: «On doit désormais être méchants avec les méchants et gentils avec les gentils». Pour marquer la nouvelle posture de la politique française, le quotidien L'Est-Eclair titre: «Les gentils et les méchants migrants».
Une loi similaire avait été préparée par Gérard Collon, le premier ministre de l'Intérieur du premier gouvernement de la présidence d'Emmanuel Macron, autour du projet de loi pour une immigration maitrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie en 2018. A l'époque, l'initiative paraissait infranchissable et fut définitivement mise de côté. Depuis, la société a évolué.
La France a été secouée par des manifestations de Gilets jaunes depuis des mois. Le virage à droite dans le pays a augmenté sous la pression des innombrables faits divers liés à des migrants. La République française a connu une crise due à la pandémie de la Covid-19. Maintenant, elle fait face aux conséquences du conflit en Ukraine et aux effets du boomerang des sanctions contre la Russie.
Dans ce contexte, Gérald Darmanin et le gouvernement français, dans son ensemble, sont désormais plus soucieux de plaire à la droite qu'à la gauche. L'affaire du village de migrants dans la toute petite commune bretonne de Callac a marqué les esprits surtout en apprenant que plusieurs villages de migrants (villages africains) sont prévus sur toute la France, alimentant une poussée anti-migrants dans le pays.
Les arguments selon lesquels l'immigration contribue à l'augmentation du nombre de personnes à charge et de criminels alimentent la montée de l'extrême droite. Gérald Darmanin a fait savoir que 55% des délinquants interpellés à Marseille sont étrangers et, ainsi, révélé le lien entre immigration et délinquance. «Aujourd'hui, les étrangers représentent 7% de la population française et commettent 19% des actes de délinquance. Refuser de le voir, ce serait nier le réel» , a déclaré le ministre de l'Intérieur. Son argument est renforcé par un autre drame survenu en octobre à Paris. Une migrante algérienne, qui avait reçu l'ordre de quitter le territoire français et qui a vécu dans le pays sans papiers pendant trois ans, a tué une fillette de 12 ans, Lola. Maintenant, la droite, contrairement aux souhaits des parents de la jeune victime, a fait de Lola un symbole de la patrie souffrant des conséquences de la politique migratoire.
Les ordres de quitter la France, qui sont reçus par des clandestins identifiés, font l'objet d'un casse-tête pour le gouvernement français. Chaque année, 120.000 personnes reçoivent une OQTF (obligation de quitter le territoire français), mais, selon la police, dans seulement 5,6% des cas, les migrants illégaux sont renvoyés chez eux sous escorte policière. Les autorités expliquent cependant que la majorité des personnes concernées par ces mesures quitteraient le pays par leurs propres moyens. Mais, cela est difficile à le croire. Les migrants illégaux, qui ont reçu de telles ordonnances, ont maintenant trop de moyens de retarder l'exécution de la décision par des tribunaux et des recours interminables. Le nouveau projet de loi propose de limiter les possibilités de résistance légale à l'expulsion.
Par exemple, lors du premier refus d'asile, une ordonnance est émise immédiatement, et un migrant qui veut devenir réfugié n'aura pas plus de 15 jours pour faire appel. Ceux qui tentent de se soustraire à l'ordre seront mis sur la liste des personnes recherchées. Lorsqu'ils seront détenus, avant d'être expulsés du pays, ces migrants illégaux seront placés dans un camp pour personnes déplacées.
Le ministre de l'Intérieur souhaite que «le préfet veillera à leur rendre la vie impossible, par exemple en s'assurant qu' [ils] ne bénéficient plus de prestations sociales ni de logement social». Mais, alors que Gérald Darmanin déclare de la dureté envers les migrants indésirables, il propose de faire preuve de douceur envers ceux dont l'économie française a besoin. Il est question de ces emplois que peu de gens veulent occuper dans le pays.
Le chef du ministère de l'Intérieur, avec le ministre du Travail Olivier Dussopt, vont délivrer des permis de séjour spéciaux aux migrants illégaux qui sont déjà dans le pays et qui sont prêts à prendre ces places. Ceux d'entre eux qui travaillent déjà auront la possibilité de légaliser leur situation en entamant le processus eux-mêmes, et pas de la même manière qu'avant, quand cela ne dépendait que de la capacité et de la volonté de l'employeur. Comme le soulignent à juste titre les ministres, souvent les employeurs ne sont intéressés ni par des formalités administratives supplémentaires ni pour que leurs employés reçoivent un statut légal et, par conséquent, de nouveaux droits.
Le gouvernement souhaite, également, introduire davantage le «renouvellement automatique des titres de séjour pluriannuels» pour ceux qui n'ont pas eu de malentendus avec la loi. Gérald Darmanin a tweeté: «En finir avec les files d’attente des étrangers en préfecture».
Pendant ce temps, la gauche jugeait ces propositions insuffisantes. Ils exigent la légalisation complète de tous les migrants illégaux. Et du côté de la droite, cette éventuelle mesure est encore plus vivement critiquée: ils y voient l'intention des autorités de capituler devant le «venez en grand nombre» et de commencer à distribuer des permis de séjour à tous ceux qui sont entrés dans le pays sans autorisation.
Dans la volonté de soutenir l'économie par le recours à la main-d'œuvre des migrants, beaucoup de Français voient une logique tordue. Par exemple, Bruno Retailleau, chef du groupe sénatorial des Républicains, a déclaré «mettre en garde Gérald Darmanin», car «l'immigration n'est plus maîtrisée dans notre pays», rajoutant qu' «il ne pourra pas se contenter d'une réforme cosmétique». «Gérald Darmanin va devenir le ministre des régularisations», a-t-il aussi dénoncé, fustigeant «les mesures qu'il propose» car elles «sont un formidable appel d'air». Bruno Retailleau explique: «En faisant travailler ceux qui n'ont pas encore le droit de rester en France parce que leur droit d'asile ne leur sera pas reconnu, on leur ouvre un deuxième guichet! On crée un titre de séjour sur des métiers en tension, mais tous les métiers en France sont en tension! On ouvre toutes grandes les vannes, c'est un projet de régularisation massive». Pour lui, «le lien entre la délinquance et l'immigration est établi. Il y a cause à effet: migration massive, incontrôlée = un sur-risque d'insécurité».
Le gouvernement se prépare à de nouvelles critiques des deux côtés. Par conséquent, la Première ministre, Elisabeth Borne, souhaite allier «fermeté» et «humanité» et prolonger «les améliorations de la loi asile-immigration».
Olivier Renault
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