13.02.2023
L'âge d'or américain de la production de pétrole de schiste touche à sa fin, estiment les experts. Le secteur n'arrive pas à gérer le manque de cadres qualifiés, les perturbations de chaînes logistiques suite à la pandémie de coronavirus et à cause d'une politique très incohérente des États-Unis. Cela pourrait aggraver l'instabilité sur le marché mondial et entraîner un partage au profit d'autres pays producteurs de pétrole.
Cela fait plusieurs années que les experts disent que le boom de schiste américain est menacé. En 2020, pendant la pandémie, la demande d'hydrocarbures s'est effondrée, le baril a perdu 20%. 150 entreprises n'ont pas réussi à faire face à la crise et ont déposé le bilan.
L'agence de notation Fitch prédisait en janvier 2021: le secteur ne reviendra pas aux indicateurs d'avant la crise pendant encore trois ans. Les producteurs sont préoccupés par l'optimisation des dépenses et le retour des investissements, et non par l'augmentation de la production. Et de toute évidence, cette prédiction se réalise.
La production augmentera, mais pas du tout au même rythme qu'en 2014 ou en 2019. Comme le rapporte l'agence Bloomberg, se référant à un sondage d'Evercore ISI, les dépenses globales pour l'exploration géologique augmenteront de 14% en 2023, contre environ 20% l'an dernier. La croissance aux États-Unis est prédite à hauteur de 18%, soit deux fois moins qu'en 2022.
La production du pétrole de schiste aux États-Unis a ralenti par rapport à 2020. On peut s'attendre à une hausse de la production seulement dans les secteurs de nouveaux gisements de schiste. Cependant, les entreprises ne peuvent pas se permettre des dépenses élevées pour l'exploration et le forage car elles subissent la pression des investisseurs exigeant de se focaliser sur le remboursement des dépenses aux actionnaires et non sur les investissements dans la stratégie de hausse agressive de la production.
Auparavant c'est le Financial Times qui écrivait au sujet d'une époque difficile pour le secteur. Les principales raisons du déclin de la "révolution de schiste" invoquées par le journal sont le manque de la main d'œuvre et la rupture des chaînes logistiques à cause de la pandémie de Covid-19. Tout cela entraîne une hausse des frais opérationnels et autres, réduit l'attractivité de tels gisements pour les investissements.
La politique est un autre facteur de la baisse de la production de schiste aux États-Unis. Pendant sa campagne, Joe Biden promettait de développer l'énergie verte. Les plans ambitieux de passage rapide aux sources d'énergie alternatives ont conduit à une inflation élevée à travers ces mêmes prix des matières premières. Dans les conditions actuelles, il est plus bénéfique pour les producteurs pétroliers américains d'acheter leurs propres actions que d'investir davantage dans le forage.
Il ne s'agit pas seulement du fait que les compagnies ne veulent pas forer de nouveaux puits à cause d'une réduction de la marge, la production de schiste est différente de la traditionnelle par un résultat rapide et bref. La production chute rapidement (un an ou deux) alors que dans le cas de la production traditionnelle les gisements peuvent être exploités pendant des décennies.
Étant donné que le pétrole de schiste représente près de 65% de la production aux États-Unis, le prix sur le marché américain sera relativement instable.
Comme l'écrit le Financial Times, un rôle important sera joué par les pays de l'Opep et leur décision concernant la production pétrolière. Les pays du cartel pourraient à un moment donné "pour des raisons politiques renoncer à augmenter la production de pétrole", ce qui aggraverait la crise énergétique et entraînerait l'introduction d'une consommation rationnée de cet hydrocarbure dans les pays occidentaux.
De tels précédents ont déjà eu lieu. Pendant la pandémie, l'Opep avait réduit la production de 9,7 millions de barils par jour à cause d'une chute incontrôlée de la demande et des prix du pétrole. La production devait se rétablir entièrement à l'automne 2022, mais le 5 octobre elle a été réduite encore de 2 millions de barils par jour. Cela a provoqué un déficit temporaire sur le marché pétrolier en propulsant le baril à des niveaux très élevés.
De toute évidence, la révolution de schiste touche effectivement à sa fin. L'Opep a repris le leadership sur le marché pétrolier mondial et continue de dicter ses conditions.
La révolution de schiste fait référence au progrès atteint aux États-Unis en matière de technologies permettant d'exploiter à l'échelle industrielle les réserves pétrolières et le gaz dans les couches de schiste. Entre 2005 et 2010, l'Amérique augmentait activement la production de ce pétrole, ce qui a été un facteur important sur le marché d'hydrocarbures et lui a permis de s'emparer de la première place dans la production pétrolière devant la Russie et l'Arabie saoudite. À l'heure actuelle, presque la moitié du pétrole produit aux États-Unis est extraite des gisements de schiste.
Alexandre Lemoine
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