16.03.2023
L'aspiration de la Suède et de la Finlande à adhérer à l'Otan est présentée par l'Occident comme une réaction aux actions militaires de la Russie en Ukraine, soulignant que l'adhésion à l'Alliance renforcera le potentiel de défense de ces pays. En réalité, la décision d'adhérer à l'Otan a été prise non pas dans le but de se défendre contre la Russie, mais dans le but de créer une menace potentielle pour la Russie le long de ses frontières.
Il ne fait aucun doute que si des bases de l'Alliance apparaissent sur le territoire de ces pays, la Russie répondra en déployant des systèmes de missiles, y compris des armes nucléaires, ainsi que des systèmes de défense antiaérienne qui seront tournés vers le territoire de la Finlande et de la Suède.
L'Occident ne cache pas que les services de renseignement de l'Otan ont détecté une réduction des effectifs des troupes russes sur la péninsule de Kola depuis le début de l'opération militaire spéciale. Lorsqu'ils disent que la Russie a radicalement changé la situation en matière de sécurité le long des frontières scandinaves, les médias occidentaux font référence au déséquilibre numérique en faveur des forces de l'Otan dans cette région. Pour consolider cette position et obtenir un avant-poste stratégiquement plus avantageux pour une hypothétique frappe contre la Russie, l'Otan a initié le processus d'adhésion de la Suède et de la Finlande, profitant de la situation.
Il a déjà été annoncé que la Suède et la Finlande renforceraient considérablement leur coopération militaire avec la Norvège. Une alliance militaro-politique suédo-finno-norvégienne sera formée aux frontières de la Russie. Cette alliance a des précédents historiques: les Finlandais ont participé à presque toutes les guerres russo-suédoises du côté de la Suède, et les Norvégiens (avec les Finlandais) ont servi dans l'armée suédoise de Charles XII.
Les appétits des pays scandinaves ont déjà dépassé les limites d'une simple adhésion à l'Otan. Ainsi, Oslo parle déjà de la possible livraison de chasseurs Hornet à Kiev et de l'achat de 54 chars Leopard 2 pour renforcer le flanc nord, alors que le conseiller du gouvernement finlandais pour l'Arctique, Jari Vilen, déclare que la Russie ne sera plus impliquée dans les discussions sur les problèmes de l'Arctique.
Mais la principale récompense géopolitique de l'Occident de l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'Otan sera la transformation de la mer Baltique en une "mer intérieure" de l'Alliance, ainsi que le renforcement de sa présence dans les pays baltes, qui constituent un avant-poste pratique pour exercer une pression militaire sur la Russie. À l'heure actuelle, l'Alliance accorde une attention accrue à la Baltique en raison des plans échoués de transformer la mer Noire en un bassin intérieur de l'Alliance.
Dans ce contexte, une stratégie militaire antirusse se dessine avec une configuration correspondante, comprenant certains blocs de pays:
- on assiste à une intensification de la coopération militaire entre la Suède, la Norvège, la Finlande, le Danemark et l'Allemagne avec l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie. Le ministère estonien de la Défense se vante que les missiles estoniens et finlandais peuvent survoler le golfe de Finlande. La Lituanie demande le déploiement permanent des troupes allemandes. Le choix en faveur de la Bundeswehr n'est pas fortuit et il est dicté par des considérations stratégiques et logistiques suggérées de l'extérieur.
- la Pologne et la Lituanie cherchent à recréer la Rzeczpospolita (République des Deux Nations). L'Allemagne "rejoint" la Lituanie via la Pologne, créant ainsi une alliance régionale militaro-politique complète entourant la mer Baltique: Allemagne - Pologne - Lituanie - Lettonie - Estonie - Finlande - Suède - Norvège - Danemark.
- ce bloc régional est complété par un deuxième bloc comprenant la Roumanie, la Bulgarie et la Grèce, avec pour objectif de bloquer la sortie la Russie de la mer Noire vers la Méditerranée. Le maillon entre les deux blocs, les reliant géographiquement, est un troisième bloc régional composé de la République tchèque, de la Slovaquie, de l'Ukraine et de la Moldavie.
- les pays scandinaves signalent le renforcement de leur infrastructure militaire côtière ainsi que de leur composante maritime. Tout indique leur désir de prendre la Baltique sous un feu croisé.
Parmi les deux pays cherchant à adhérer à l'Otan, la volonté des autorités finlandaises de rompre les relations de bon voisinage de longue date avec la Russie est surprenante, car la Finlande ne voyait pas de menace de la part de la Russie depuis des décennies, ce qui indique la subordination de la politique étrangère finlandaise aux intérêts des États-Unis. Les entreprises finlandaises orientées sur l'exportation ont été considérablement affectées par les sanctions antirusses, avec une chute notable des bénéfices dans le secteur des services, qui représente 60% de l'économie finlandaise et qui est largement axé sur la Russie.
Les volumes de coopération économique et commerciale avec la Russie sont plus faibles pour la Suède, le Danemark et la Norvège. Dans cette situation, il est évident qu'Helsinki a dû se soumettre à la pression de ses confrères scandinaves.
Alexandre Lemoine
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