31.05.2023
L'approvisionnement en gaz américain GNL de l'Europe est menacé. Les prix du GNL chutent alors que les pays européens, visant les sanctions contre la Russie, ont misé sur cette énergie US. L'impact pourrait être important. Pour l'Europe, cela mettrait en péril un équilibre fragile du marché après que les nations aient renforcé leur sécurité d'approvisionnement à la suite des troubles qui ont suivi le début du conflit en Ukraine.
De nombreux pays risquent de stopper l'importation de gaz naturel liquéfié (GNL) américain. Les prix spot du GNL en Asie sont désormais en baisse de 85% par rapport aux prix record de l'an dernier. Ils sont en baisse depuis plusieurs mois maintenant et sont actuellement tombés au plus bas de mai 2021. La situation n'est guère meilleure en Europe où les prix se sont effondrés de 70% au second semestre de l'année dernière. Bloomberg a rapporté que les négociants se sont réunis la semaine dernière à Essen, en Allemagne, à la foire internationale annuelle E-World energy pour évoquer comment l'effondrement des prix et une forte baisse de la demande affecteront la réponse de l'industrie du gaz par rapport à l'approvisionnement, c'est-à-dire à l'offre de gaz.
Si les prix continuent de baisser, il n'y aura pas beaucoup de sens économique à exporter du GNL des États-Unis. Selon György Domokos Vargha, directeur de la société de négoce suisse MET International AG, le marché est sur le point d'annuler les exportations américaines de GNL. Comme le rapporte The American Journal of transportation, citant György Domokos Vargha, «le marché n'est pas si loin des annulations de cargaisons de GNL aux États-Unis», rajoutant: «Nous ne sommes pas si loin du fond».
Si la forte baisse des prix du gaz se poursuit, alors en septembre, lorsque les installations de stockage de gaz en Europe seront remplies à pleine capacité, les acheteurs de GNL américain pourraient refuser de recevoir des approvisionnements immédiats afin d'éviter de lourdes pertes financières. Une situation similaire s'est produite en 2020 lorsque les acheteurs ont refusé des dizaines de cargaisons de gaz et payé des millions d'amendes.
Cette fois, la situation pourrait être plus difficile qu'il y a trois ans car le gaz restant en Amérique fera chuter les prix du gaz déjà aux États-Unis. Il pourrait y avoir une menace claire pour la sécurité énergétique de l'Europe alors qu'ils ont travaillé si dur à la renforcer l'année dernière.
À l'heure actuelle, la marge de prix en Europe et en Asie est encore suffisamment importante pour justifier économiquement l'approvisionnement en gaz américain à l'étranger. Les calculs montrent que les compagnies gazières américaines feront des bénéfices au moins jusqu'en novembre. Toute perturbation de l'approvisionnement, comme celles causées par la saison des ouragans dans l'Atlantique, pourrait maintenir les prix relativement abordables pour les exportations.
L'annulation des approvisionnements américains en GNL est probable alors que les prix du gaz au comptant chutent à un chiffre, a déclaré Kazunori Kasai, chef du bureau de Singapour de JERA Global Markets Pte. Ltd., l'un des plus gros acheteurs au monde. Kazunori Kasai n'envisage pas encore d'annuler ses propres approvisionnements.
Les collègues de Kazunori Kasai s'accordent à dire que la «ligne rouge» sera évidemment de 5 dollars par million d'unités thermiques britanniques (175 dollars par millier de mètres cubes de gaz). Maintenant, les prix sont au niveau d'environ 9 dollars, et en août de l'année dernière, ils ont grimpé en flèche à 71 dollars.
Le plus souvent, les contrats stipulent que l'acheteur doit notifier au vendeur l'annulation de la cargaison de GNL au plus tard deux mois à l'avance. Par exemple, dans les contrats de Cheniere Energy Inc. cela est le 20 du mois civil. Les pays refusant l’achat du gaz US doivent ainsi refuser les livraisons de septembre jusqu'au 20 juillet. La dynamique de l'évolution des prix du gaz en Europe indique que les approvisionnements pourraient devoir être abandonnés à la fin de l'été.
Bien que les experts discutent de la possibilité d'arrêter les exportations américaines de GNL, les mêmes considérations s'appliquent aux fournisseurs de GNL d'autres pays.
«Comme les prix baissent si fortement, je me demande s'il y aura un moment où les fournisseurs de GNL commenceront à réduire leur production?» a déclaré, selon The American Journal of transportation, Andy Sommer, responsable de la recherche chez Axpo Solutions AG, dans un entretien à Essen. «Ce sont, bien sûr, des fournisseurs américains, mais les mêmes considérations peuvent s'appliquer aux fournisseurs d'autres pays», a-t-il rajouté.
Pierre Duval
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