12.06.2023
Le président américain, Joe Biden, a signalé un des candidats pouvant succéder à Jens Stoltenberg au poste de secrétaire général de l'Otan. Le locataire de la Maison Blanche, qui a reçu le 8 juin le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a déclaré qu'il admettait la possibilité de nommer l'actuel secrétaire britannique à la Défense, Ben Wallace, à la tête de l'Alliance atlantique.
En fait, Rishi Sunak s'est rendu à Washington avec une demande à Joe Biden pour soutenir le candidat britannique. La question se pose de savoir comment ce soutien du président américain ira à Ben Wallace?
Jens Stoltenberg, en poste depuis 2014, a annoncé en février de cette année qu'il ne renouvellerait pas sa fonction et qu'il prendrait sa retraite à partir de septembre. Le processus de l’élection du chef de l'Alliance atlantique reste caché aux yeux du public. «C'est l'élection la moins transparente de toutes les élections», a déclaré à un diplomate européen à Foreign Policy à Bruxelles.
La spéculation qui est, actuellement, de mise pour savoir lequel des politiciens occidentaux pourrait occuper le poste de chef de l'organisation politico-militaire, la plus agressive au monde, est tout à fait compréhensible. Le remplacement de Jens Stoltenberg ne sera peut-être pas annoncé en septembre, mais au sommet de Vilnius les 11 et 12 juillet.
Théoriquement, n'importe lequel des 31 pays membres de l'Alliance atlantique, par exemple l'Islande ou la Macédoine du Nord, peut proposer son candidat. Mais, il est évident que la désignation du candidat est l'affaire des puissances influentes: la France, le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Et, Washington jouera le premier violon en prenant une «décision collégiale».
Liste des candidats. Le chef du département militaire britannique, le capitaine Ben Wallace (c'est à ce rang que le ministre s'est élevé dans l'armée, où il a servi jusqu'en 2005), selon le Premier ministre Sunak, est très respecté parmi ses collègues dans le monde, y compris en raison du rôle qu'il joue en Ukraine.
Ben Wallace peut rivaliser avec un autre candidat britannique, Boris Johnson, connu pour sa démesure. En tant que chef du gouvernement, Boris Johnson prévoyait d'augmenter les dépenses de défense britanniques à 2,5% du PIB d'ici la fin de la décennie. S'il continue sur cette ligne, cela pourrait bien convenir à Washington.
Deux premiers ministres actuels ont été nommés comme candidats potentiels: le chef du gouvernement des Pays-Bas, Mark Rutte, et le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez. Cependant Mark Rutte et Pedro Sánchez ont réfuté les informations selon lesquelles ils auraient postulé au poste de secrétaire général de l'Otan. Il est peu probable que le président roumain, Klaus Iohannis, dont la presse a également évoqué sa candidature, devienne le nouveau secrétaire général. L'actuel secrétaire général adjoint de Jens Stoltenberg, Mircea Geoană est roumain et n'a pas l'intention de quitter son poste. Il est, donc, peu probable que les deux plus hauts responsables de l'Otan soient des représentants venant de la Roumanie.
De nombreux experts, en pleine conformité avec les principes de la politique d'inclusion et de diversité, voient une femme à la tête de l'Otan. La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, a récemment été nommée candidate probable. Cependant, elle a, par la suite, démenti les rumeurs selon lesquelles elle prendrait le poste.
Parmi les candidats possibles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'ancienne chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, et Chrystia Freeland, la ministre canadienne des Finances, ont été listées. Cette dernière, qui est la petite-fille d'immigrants ukrainiens au Canada et dont la presse canadienne a rappelé que son grand-père était impliqué dans le mouvement nationaliste ukrainien et éditait Krakovski Visit, qui a été décrit comme un quotidien de propagande nazie hautement antisémite, a une bonne connaissance de la politique et de l'histoire de l'Europe de l'Est, des opinions anti-russes persistantes, mais elle a déjà deux emplois, étant également vice-Premier ministre du Canada.
Quant à Ursula von der Leyen, les souvenirs qu’elle laisse comme ministre allemande de la Défense ne sont pas impressionnants. A en juger par les publications d'outre-Rhin, l'existence d'une corruption systématique au sein du ministère allemand de la Défense et la pénurie d'armes de la Bundeswehr y sont associées. Les analystes doutent. Ils pensent que le poste appartiendra peut-être à Federica Mogherini qui était connue pour son activité au poste de Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Il est peu probable que le nouveau chef de l'Otan soit un Américain puisque le poste de commandant suprême des forces de l'Otan est habituellement réservé au représentant américain. Le nouveau secrétaire général ne devrait probablement pas être un Européen du Nord. Avant le Norvégien Jens Stoltenberg, l'Otan était dirigée par le Danois Anders Fogh Rasmussen. Il y a peu de chances pour les candidats des pays baltes et de Pologne. La Première ministre estonienne, Kaja Kallas est également sur la liste des prétendants. Mais, étant trop «extrémiste» au sein de l'Otan, Berlin et Paris, plus modérés, pourraient ne pas choisir sa candidature.
Les qualités pour le candidat. En règle générale, les secrétaires généraux de l'Otan occupaient auparavant les postes de chefs de gouvernement ou d'État, mais il n'y a pas de règles formelles. Aussi bien le vice-Premier ministre que le ministre des Affaires étrangères du pays d’un membre de l'Alliance atlantique peut devenir secrétaire général. Tout dépend des qualités personnelles et du «groupe de soutien».
Comme Jamie Shea, ancien porte-parole de l'Otan, l'a déclaré à Reuters, les dirigeants du bloc recherchent un politicien et un diplomate hautement qualifié. «Garder l'unité de l'alliance, tenir tout le monde informé à tout moment, être en contact avec tous les alliés pour s'assurer que vous résolvez leurs problèmes est une partie importante du travail», ajoute-t-il.
L'ensemble des exigences pour le candidat comprend, bien sûr, un soutien à l'Ukraine et une loyauté totale envers l'organisation. Les observateurs notent que la position du secrétaire général remplit des fonctions techniques et il ou elle doit avoir une obéissance dévouée et une fidélité totale envers la structure.
Les noms des successeurs présumés à Jens Stoltenberg ne manquent pas, mais il est loin d'être certain que l'un de ceux qui sont désormais pressentis pour être candidats au poste de secrétaire général le devienne. Au contraire, les observateurs constatent une lutte tendue entre Washington, Bruxelles, les alliés européens et leurs groupes intra-Otan.
Soit le secrétaire général de l'Otan sera un représentant d'un petit pays qui n'a pas ses propres idées sur le développement futur du bloc, et qui sera guidé par des décision prises dans son dos, ou il sera une sorte de politicien indépendant qui poursuivra sa propre ligne et aura sa propre idée du comment et de ce qui doit être organisé. À cet égard, l'Alliance atlantique est confrontée à un choix difficile: nommer une figure insignifiante et dépendante d’un ventriloque pour le poste ou prendre un risque en nommant un acteur indépendant.
Le leader peut rester le même, mais l'Alliance atlantique risque de changer. Il est possible que des contradictions internes empêchent le bloc de trouver un compromis, et Jens Stoltenberg devra rester en poste encore plusieurs mois. Selon des sources de Reuters, de nombreux pays membres de l'Otan aimeraient éviter ce cas de figure. Dans un mois, un sommet de l'Otan se tiendra en Lituanie, et le bloc souhaite démontrer son unité, et non des querelles et des désaccords. De plus, Jens Stoltenberg a déjà prolongé son mandat à trois reprises. En septembre 2022, il était censé accéder au poste de chef de la banque centrale de Norvège, mais après le début du conflit en Ukraine, son mandat a été prolongé.
D'autre part, il reste de savoir si le nouveau secrétaire général changera la politique de l'Alliance atlantique. Les observateurs attendent une grande transformation de l’Otan dont la mission sera de contenir la nouvelle «menace russe» et elle viendra s'ajouter aux autres structures militaires internationales dirigées par les Etats-Unis.
Le prototype de ces nouveaux outils du «monde américain» est l'association des pays anglo-saxons Aukus, des alliés d'Extrême-Orient, Japon et Corée du Sud, avec la proposition faite à l'Inde de «se faire des amis contre» la Chine, etc. Le rôle du secrétaire général de l'Otan dans ces processus de transformation sera, donc, purement nominal.
Il est clair que l'Otan sous sa forme actuelle n'en a plus pour longtemps. Le prochain secrétaire général de l'Alliance atlantique sera, de facto, présent lors du démantèlement du bloc et de son remplacement par d’autres formats. L'Otan attend de grands changements, mais cela n'aura rien à voir avec la personnalité du secrétaire général.
Pierre Duval
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