21.06.2023
Le président français, Emmanuel Macron, a appelé lundi dernier les pays européens à une plus grande indépendance dans le domaine de la défense aérienne, dénonçant une dépendance excessive vis-à-vis des États-Unis. La France n'a pas soutenu l'initiative allemande de créer un système européen unifié de défense aérienne, le European Sky Shield (ESS), car le projet allemand implique l'achat d'armes aux États-Unis et à Israël.
La France conteste le projet allemand de défense aérienne européenne, le European Sky Shield (ESS). C'était un autre signe de tensions croissantes entre Berlin et Paris, écrit le Financial Times (FT), citant des sources. Les désaccords sur la manière dont l'Europe devrait contrer la Russie sont devenus la toile de fond du spectacle aérien du Salon du Bourget, en France. Parallèlement, une conférence sur la stratégie de défense aérienne a eu lieu à Paris. L'événement a été décrit par les interlocuteurs du FT comme un forum entre les ministres de la défense de l'UE, les responsables militaires américains et de l'Otan.
Macron critique I’Iron Dome israélien et la dépence militaire à l’industrie US. Dans son discours, le président français, Emmanuel Macron, a critiqué le système de défense israélien voulu par Berlin: «L'analogie tacite avec l’ Iron Dome israélien n'est pas vraiment opérante parce qu'on parle d'un territoire qui est 200 fois plus grand. Avec, si on voulait une protection complète et étanche, quelque chose qui serait techniquement infaisable, économiquement insoutenable et stratégiquement contestable». «Nous devons donc faire des choix. Et nos choix ont une part d'interdépendance», «En dépendant trop de l’extérieur, comme je l’ai dit à Bratislava, on se prépare les problèmes de demain», a-t-il stipulé en évoquant la volonté de développer plus fortement la base industrielle et technologique de défense (BITD).
«En bénéficiant de l’interopérabilité de l’Otan, nous devons avoir une BITD européenne qui nous permettra d’avoir davantage de stocks, une production adaptée à nos rythmes», continue-t-il, affirmant: «La dépendance sur des éléments essentiels de notre protection ne me semble pas souhaitable et nous avons un immense travail au-delà de ce qui est déjà consolidé à faire en la matière».
Il a donné des exemples de ce travail européen en saluant l’«économie de guerre, le stock, le rythme»: «une lettre d'intention entre France, Belgique, Chypre, Hongrie et Estonie pour l'acquisition commune de missiles Mistral»; «confirmé la rejointe prochaine par la Belgique du programme SCAF, élargissement qui permettra encore d'ancrer davantage en Europe ce projet au cœur de la défense aérienne de demain»; «annoncer, avec ma collègue italienne Giorgia Meloni, que le SAMP/T franco-italien est désormais déployé et opérationnel en Ukraine, où il protège des installations clés et des vies».
Chose importante, le président français a insisté sur le fait qu’ «on doit aussi davantage standardiser en Européens». Posant la question: «Pourquoi on est obligé encore d'acheter trop souvent américain?», il répond que «les Américains ont beaucoup plus standardisé que nous et qu'ils ont eux-mêmes des agences fédérales qui massivement subventionnent leurs industriels», et que selon lui, il «faut standardiser advantage» pour «gagner en souveraineté parce qu'on sera moins dépendant des choix technologiques».
Qu'est-ce que la France n'aime pas? L’Usine nouvelle a rappelé que «l’Allemagne est à l’origine de l’initiative European Skyshield (ESS) [une initiative visant à créer un système européen unifié de défense aérienne et antimissile consistant en des achats groupés d'équipements], un projet de bouclier antimissile» et qu’ «elle a rallié à sa |en date du 13 février dernier] cause 14 pays de l’Otan, tandis que la France et l’Italie développent une solution concurrente».
Reuters en date du 19 juin actualise le nombre à 17 des pays signataires à l’initiative European Skyshield (ESS), dont les États baltes, le Royaume-Uni et plusieurs puissances d'Europe de l'Est, qui se sont traditionnellement tournés vers les États-Unis pour le matériel militaire».
Le principal motif d'insatisfaction est que ces pays ne peuvent pas impliquer les intérêts de leur industrie nationale. Paris, notamment, a été pris au dépourvu par l'annonce de l’initiative European Skyshield (ESS) et a reporté le sommet franco-allemand en partie par agacement, note le FT.
Emmanuel Macron a reproché à l’initiative European Skyshield (ESS) de s'appuyer trop sur des systèmes d'armes produits en dehors de l'Europe. Dans le même temps, selon lui, le système ne stipule pas suffisamment comment contenir au mieux la Russie, notamment par l'acquisition potentielle de frappes de missiles à longue portée, note le quotidien anglophone.
A Paris, l'exclusion de l’initiative European Skyshield (ESS) du système de défense antimissile franco-italien SAMP-T est devenue un point sensible. Il a la même portée que l'American Patriot qui se trouve inclus dans le programme, mais pas le SAMP-T.
L'Allemagne n'est pas d'accord avec les critiques françaises. Les responsables de Berlin rejettent les critiques françaises comme étant infondées et affirment que l'urgence de construire un système européen de défense aérienne signifie que l'achat de systèmes prêts à l'emploi est préférable à de nouveaux développements à long terme et souvent coûteux.
Cependant, chacun des pays de l’initiative European Skyshield (ESS) fait ses propres choix d'achat. L'Allemagne a annoncé le 15 juin via la commission budgétaire du Bundestag allemand son intention d'acheter des missiles Iris-T au fabricant national Diehl BGT Defence GmbH pour la défense à moyenne portée, les Patriot à la société américaine Raytheon Technologies pour la défense à longue portée et les Arrow 3 à Israël pour la défense à longue portée.
Affrontement entre Paris et Berlin. Les responsables français et allemands ont évité de critiquer publiquement les plans de l'autre. Mais, dans les coulisses, les différences sont évidentes. Berlin et Paris ne peuvent pas cacher leurs désaccords. Ils sont présents dans toutes les sphères de l'économie et de la politique.
Philippe Rosenthal
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