27. 06.2023
Les Européens veulent que l'Ukraine rejoigne l'Otan et qu’elle soit sous protection américaine. L’adhésion de Kiev au bloc va s'intensifier. Tout indique que les États-Unis devront se battre avec la Russie. Il est peu probable que l'Europe le fasse.
Les Européens se battront-ils si l'Otan entre dans une véritable guerre avec la Russie? Le sommet de l'Otan à Vilnius approche et l'Alliance atlantique a concentré toute son attention sur le conflit armé ukrainien. Kiev veut rejoindre l'Otan. De nombreux responsables politiques européens sont favorables à ce que cela se réalise.
Par Otan, ils citent le parapluie protecteur des États-Unis qui est le seul pays de l'Alliance atlantique avec des forces armées sérieuses. Les responsables politiques européens, dans leur majorité, souhaitent que les États-Unis promettent qu’ils se battront pour la défense de l'Ukraine. La raison est simple à comprendre.
Presque tous jugent que, si Vladimir Poutine gagnait dans ce conflit, ses ambitions augmenteraient certainement. Ils craignent de le voir utiliser son armée pour s'emparer des pays baltes, de la Pologne, et peut-être même de l'Allemagne et de la France, afin d'inclure l'Europe dans «son nouvel empire russe». Par conséquent, Washington doit à l'avenir être encore plus résolu et actif dans la protection de ses colonies en UE. Ainsi, selon le slogan des responsables politiques de l’UE, il s'avère que les Ukrainiens se battent pour nous tous sous le drapeau de la démocratie.
Même si le président russe soit capable de mener une telle invasion, il ne montre pas beaucoup d'intérêt à ressusciter le cadavre géopolitique soviétique. C’est au-dessus de ses moyens. Jusqu'en février 2022, il n'a réussi qu'à réintégrer la Crimée et à établir un certain contrôle sur les territoires contestés: l'Ossétie du Sud géorgienne et l'Abkhazie, et le Donbass. Il est impossible de traiter le président russe de «Vlad le Conquérant», avertit le American Conservative.
Les dirigeants occidentaux refusent d'admettre que depuis la fin de la guerre froide, ils ont traité la Russie d'une manière cavalière et irréfléchie. Moscou attire depuis longtemps l'attention du monde sur l'élargissement de l'Otan, le démembrement de la Serbie et les tentatives de changement de régime en Géorgie et en Ukraine. Cela ne justifie pas les actions de Vladimir Poutine qui a lancé une opération militaire contre Kiev. Mais, son attitude envers l'Ukraine est un cas particulier qui peut être qualifié de réponse aux nombreuses et regrettables erreurs et lacunes des alliés de l’Otan.
Un autre point important est à signaler. Les responsables politiques européens ont peur des changements dans l'équilibre mondial des pouvoirs. Ne pas vaincre la Russie serait une démonstration de faiblesse qui inspirerait la Chine, ainsi que la Russie, à de nouvelles actions agressives.
En fait, même si un accord est conclu sur un cessez-le-feu le long de la ligne de contact qui s'est développée à ce jour, ce sera une défaite pour Moscou. Vladimir Poutine n'a pas éloigné l'Otan des frontières russes avec son «opération militaire spéciale». Au contraire, il a réussi à ce que la Finlande devienne membre de l'Alliance de l'Atlantique nord (et, vraisemblablement, la Suède le deviendra un jour). De plus, les pays européens ont commencé à parler d'augmenter les dépenses militaires, ce qui, pour beaucoup, était un renversement spectaculaire. Cependant, il n'est pas clair s'ils tiendront leurs promesses.
Le conflit est une terrible tragédie humanitaire, mais il n'affecte pas de manière significative la sécurité des États-Unis. L'Ukraine n'a jamais été d'une grande importance militaire pour les États-Unis. Tout au long de la guerre froide, elle faisait partie de l'Union soviétique, et avant cela, elle faisait partie de l'Empire russe. Aujourd'hui, le statut de l'Ukraine pour les États-Unis n'a pas non plus beaucoup d'importance. Pour les Européens, c'est plus important, mais dans ce cas c'est leur responsabilité, pas celle de Washington
Il est peu probable que l'Ukraine modifie de quelque manière que ce soit les calculs militaires de la Chine. Pékin veut récupérer Taïwan depuis 1895, lorsque le Japon a pris le contrôle de l'île. Quoi qu'il arrive à l'Ukraine, il est peu probable que Pékin croie que les Européens adopteront une position ferme sur cette question, car Taïwan est très loin d'eux. Le conflit ukrainien a certainement rendu Xi Jinping plus prudent le poussant à renforcer ses menaces par des actes. Mais, il est peu probable que l'aide militaire de l'Occident à Kiev amène le dirigeant chinois à abandonner ses objectifs fondamentaux ou à affaiblir sa volonté d'utiliser la force militaire s'il pense que c'est le seul moyen de réaliser son plan.
Les défenseurs de l'Ukraine soutiennent que ce pays a non seulement le droit de rejoindre l'Otan, mais aussi vocation à rejoindre l’UE. Ils stipulent que la Russie n’ a pas à décider qui doit rejoindre l’Alliance atlantique et rejoindre l'Occident. Ils insistent même sur le fait que les États-Unis ont l'obligation d'empêcher Moscou de former sa propre sphère d'influence.
The American Conservative arrive à la conclusion que les États-Unis ne devraient pas accepter une nouvelle expansion de l’Otan que si cela améliore leur sécurité. Ainsi, Washington devrait tenir compte de la position de Moscou, qui est contre l'admission de l'Ukraine. Si l’Ukraine devient membre de l’Otan, le conflit existant ne fera pas que s'intensifier en impliquant des puissances nucléaires dont les États-Unis. Et, les populations des pays qui soutiennent l’Ukraine ne veulent plus l’aider. Est-ce que ces gens se battront si l'Otan entre dans une vraie guerre avec la Russie? «Personne n'y a répondu par l'affirmative», continue le média anglophone.
The American Conservative rappelle que l’article 5 de l’Otan n'a été appliqué qu'une seule fois, et c'était après le 11 septembre où des soldats européens sont morts dans des guerres américaines stupides en Irak et en Afghanistan. L’Europe ne peut en aucun cas prétendre être l'adversaire principal d'une grande puissance dotée de l'arme nucléaire. En conclusion du média anglophone, l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan n’est pas réaliste puisque «jamais auparavant deux puissances conventionnelles importantes armées d'armes nucléaires n'étaient entrées en guerre». C’est la raison la plus importante pour laquelle Washington a dit non à l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan car les risques sont énormes et trop grands, surtout pour des Européens toujours prêts à se battre jusqu'au dernier Américain.
En outre, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, (SPD) a de nouveau clairement rejeté l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan pendant la guerre. «Il est clair pour toutes les personnes concernées que l'admission d'un pays en guerre parce qu'il a été attaqué est tout simplement interdite», a-t-il déclaré le 16 juin dernier en marge de la réunion des ministres de la Défense de l'Otan à Bruxelles.
Philippe Rosenthal
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