02.10.2023
Les tensions montent entre la Serbie et les Etats-Unis via le Kosovo, territoire non reconnu par Belgrade. La diplomatie américaine accuse les Serbes de vouloir attaquer le territoire reconnu par la majorité des pays de l’UE (sauf cinq des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne) et les Etats-Unis en déclarant que l’armée serbe consolide sa présence avec des blindés à la frontière du Kosovo.
Là, aussi, Washington ne joue pas avec la diplomatie alors que le président serbe, Aleksandar Vucic, dément ces accusations. Que cherchent donc les Etats-Unis avec la Serbie? Ouvrir un nouveau front? Briser le plan de Macron d’élargissement de l’UE?
«Une évolution inquiétante et rapide». «Il s’agit d’une évolution inquiétante et rapide. Après qu'une escouade serbe a tué un policier du Kosovo le week-end dernier, puis s'est engagée dans un échange de tirs avec la police du Kosovo», avertit Radio et télévision suisses (SRF). Le média suisse précise, cependant, que «rien ne prouve que le président serbe, Aleksandar Vucic, ait été directement impliqué dans l'attaque contre le policier kosovar» alors que les Etats-Unis accusent directement le président serbe d’être à l’origine de cette attaque.
John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, a déclaré: «Nous voyons un important déploiement militaire serbe le long de la frontière avec le Kosovo, y compris la mise en place sans precedent d’artillerie, de chars et d’unités d’infanterie».
La Deutsche Welle (DW) rappelle qu’ «aux premières heures du dimanche 24 septembre, le Kosovo a connu la pire flambée de violence depuis sa déclaration d'indépendance de la Serbie en 2008. L'incident s'est produit à Banjska, un village situé à 15 kilomètres au nord-ouest de Mitrovica. Des policiers kosovars sont tombés dans une embuscade alors qu'ils inspectaient deux camions sans plaque d'immatriculation bloquant une route. Un officier a été tué». La SRF titre: «L'échec de la diplomatie occidentale au Kosovo».
Observateur Continental évoquait déjà en 2022 une «situation compliquée» car «le Kosovo, avec sa population majoritairement albanaise, a déclaré son indépendance de la Serbie en 2008, mais le gouvernement de Belgrade le considère toujours comme un territoire séparatiste» et l’UE a échoué à mener des accords diplomatiques.
John Kirby accuse la Serbie de concentrer des forces militaires à la frontière du Kosovo, une affirmation vite relayée par les medias occidentaux. Pourtant, selon NTV, «un journaliste de l'agence de presse AFP a rapporté sur place qu'aucun mouvement de troupes particulier ni aucune présence accrue des forces armées serbes n'avaient été observés dans la ville de Raska, dans le sud de la Serbie, près de la frontière avec le Kosovo».
Le Kosovo accuse la Serbie d’avoir du matériel militaire de la Chine et de la Russie. L’agitation des Etats-Unis a - pour le moins - pour but de renforcer sa présence militaire au Kosovo. «L’OTAN souhaite donc accroître sa présence dans ce pays des Balkans occidentaux. Il y a actuellement environ 3.400 soldats de la KFOR stationnés au Kosovo, dont environ 70 membres de la Bundeswehr», stipule NTV.
Politico, relate la déclaration du Premier ministre du Kosovo, Albin Kurti, à l'Associated Press: «Nous avons besoin de l'OTAN parce que la frontière avec la Serbie est très longue et que l'armée serbe a récemment renforcé ses capacités» ; «Ils disposent de nombreux équipements militaires provenant à la fois de la Fédération de Russie et de Chine», a-t-il déclaré. «L'OTAN envoie 600 soldats britanniques au Kosovo en réponse aux affrontements», informe la DW.
Le président serbe, Aleksandar Vucic, a parlé avec le secrétaire d'Etat américain, Anthony Blinken, de la situation du Kosovo-et-Métochie a annoncé Tanjug, l’agence de presse serbe. «Il y a certaines choses sur lesquelles nous sommes d’accord et d’autres sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Nous avons convenu qu'une désescalade était nécessaire, qu'un rôle beaucoup plus important de la KFOR était nécessaire, et que la Serbie soutiendrait toujours et certainement ce rôle plus important et plus important de la KFOR au Kosovo-et-Métochie (territoire correspondant à la République du Kosovo)». «J'ai nié les mensonges sur le plus haut niveau de préparation au combat de nos forces parce que je ne l'ai pas signé et que ce n'est pas vrai et que nous n'avons pas deux fois moins de forces qu'il y a deux ou trois mois», a martelé Aleksandar Vucic dont le pays - tout comme le Kosovo - est candidat à l’UE.
Le president serbe a détaillé la tuerie: «Nous avons la preuve qu'au moins une, et peut-être deux personnes [serbes] ont été littéralement liquidées de sang-froid et qu'elles n'ont pas été liquidées au combat mais blessées, qu'elles étaient en vie, qu'elles se sont rendues, puis qu'elles ont été liquidées de sang-froid à courte distance». Aleksandar Vucic a évoqué Milan Radoicic, qui a annoncé aujourd'hui au public qu'il avait démissionné de son poste, qu’il «devra répondre aux autorités compétentes et que la question de savoir si le procureur le poursuivra en justice est une question à résoudre».
Milan Radoicic, a affirmé avoir organisé un commando meurtrier à l’insu du gouvernement serbe. Il a aussi précisé que «le but de la campagne était d'encourager les Serbes du Kosovo à résister à la terreur du régime Kurti» car, selon lui, «le gouvernement du Premier ministre du Kosovo, Albin Kurti, persécute les Serbes du Kosovo afin de nettoyer ethniquement le pays». «Nous ne sommes pas des terroristes, mais des combattants pour notre propre peuple», a rétorqué le maintenant ex-vice-président de la Liste serbe.
«Ils ont tout fait pour détruire la Serbie, mais la Serbie va gagner!», a lancé Aleksandar Vucic dénonçant la campagne de communication des Etats-Unis.
Avec ces tensions, la question se pose si encore un plan international d’Emmanuel Macron, ici pour un élargissement de l’UE avec les Balkans occidentaux est bel et bien en train de prendre l’eau. Observateur Continental signalait, citant la fondatrice de l’ONG serbe, Centre pour la politique européenne (CEP), Milena Mihailovic, que l’Europe a fait preuve de «frivolité et d’inaction dans sa politique d’intégration» et que cela a conduit l'actuel président serbe Aleksandar Vucic à s'éloigner de l’UE et à se rapprocher de la Russie. En outre, les accusations des Etats-Unis poussent la Serbie a prendre de la distance avec l’UE.
Philippe Rosenthal
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