11.10.2023
Le prochain scrutin présidentiel argentin sera déterminant quant à l’avenir du pays au sein des BRICS et de sa place dans l’ordre multipolaire contemporain. Et au moment où les forces pro-occidentales s’activent – les partisans du pouvoir actuel ne prévoient pas de reculer. Retour sur la question.
L’élection présidentielle argentine qui aura lieu le 22 octobre prochain sera importante non seulement pour ce pays sud-américain, mais également pour le bloc des BRICS dont l’Argentine a été invitée à devenir membre lors de la première étape d’élargissement, adoptée dans le cadre du récent 15ème Sommet de l’organisation en Afrique du Sud, aux côtés de cinq autres pays (l’Iran, l’Arabie saoudite, l’Ethiopie, l’Egypte et les Emirats arabes unis).
L’importance est notable dans le sens que si le candidat appartenant à la coalition péroniste actuelle – Sergio Massa – est tout comme le chef d’Etat sortant Alberto Fernandez un partisan de l’intégration de l’Argentine au sein de l’alliance pro-multipolaire, c’est beaucoup moins le cas pour ses adversaires, représentés par Javier Milei, libéral-libertaire d’extrême droite et Patricia Bullrich, d’obédience également libérale.
Le gouvernement actuel a en effet beaucoup œuvré dans l’objectif d’adhérer aux BRICS et les multiples raisons à cela ont été d’ailleurs bien expliquées récemment par la Secrétaire d’Etat au changement climatique Cecilia Nicolini, dans un entretien à la revue Le Grand Continent. Parmi les arguments avancés par la responsable argentine – l’intégration au sein des BRICS offrirait des plateformes de négociation plus puissantes, permettant d’équilibrer le positionnement de l’Argentine sur l’échiquier mondial, engager des dialogues sur un pied d’égalité, renforcer l’intégration régionale, à privilégier le dialogue dans le multilatéralisme et en faveur de l’équilibre international, ainsi que de réduire les asymétries dans les négociations entre les pays.
Elle a également rappelé que la Nouvelle banque de développement des BRICS joue aujourd’hui un rôle majeur, y compris dans le financement de projets dans les nations du Sud global. Si les nombreuses remarques de la Secrétaire d’Etat argentine étaient justes et légitimes, il n’en demeure pas moins effectivement que les opposants à la pleine intégration du pays au sein de l’alliance pro-multipolaire pourront tenter de forcer le pays à faire marche arrière.
Les raisons sont assez connues. Les liens qui unissent les dits opposants aux intérêts washingtoniens, à l’heure où l’establishment étasunien continue d’interférer dans les affaires internes de nations latino-américaines. L’Argentine est loin d’en être une exception. Ceci étant dit il faut tout de même garder à l’esprit plusieurs éléments.
Le premier étant que même des représentants latino-américains jugés proches de Washington, à l’instar de l’ex-président brésilien Jair Bolsonaro, au final n’ont pas osé s’éloigner de l’alliance pro-multipolaire. D’ailleurs cela est parfaitement logique: malgré les sympathies pro-washingtoniennes et les méfiances vis-à-vis de Pékin et Moscou, l’économie fait bien les choses. Et à ce titre aujourd’hui la République populaire de Chine est l’un des principaux partenaires économico-commerciaux de plusieurs Etats latino-américains, y compris du Brésil et de l’Argentine. Le tout bien souvent – en avance sur les USA, au grand dam des décideurs étasuniens.
En ce qui concerne plus précisément l’Argentine, ses exportations actuelles à destination des cinq premiers membres des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) – représentent plus de 40% du volume total. Et comme le rappelle bien encore une fois Cecilia Nicolini: «sans le commerce avec la Chine, le Brésil, l’Inde ou la Russie – l’Argentine ne survivrait pas longtemps».
Et si bien que les opposants au pouvoir argentin actuel gagnent lors du prochain scrutin présidentiel et décident d’appliquer les désirs des nostalgiques de l’unipolarité basés à Washington en s’éloignant des BRICS – ils ne sauront expliquer longtemps les problèmes d’ordre économique que cela représentera pour les citoyens du pays. D’autant plus que les élites occidentales ne font jamais de cadeau aux pays partenaires. Les beaux discours représentent une chose, mettre la main à la poche une tout autre, en dehors des moments où ce même establishment occidental pense, à tort, avoir l’opportunité immédiate à se débarrasser d’un adversaire géopolitique et/ou géoéconomique.
Et enfin dans le cas où l’Argentine sous une éventuelle présidence pro-libérale et pro-occidentale déciderait à ne pas adhérer pleinement au sein des BRICS – ce ne sera que temporaire. Le temps que les citoyens argentins encore non convaincus puissent faire les bonnes conclusions, que les éléments radicalement pro-occidentaux puissent perdre encore plus de crédibilité, et que les BRICS se renforcent encore davantage, au moment où plusieurs autres étapes d’élargissement de l’alliance seront observées, avec des candidatures qui se comptent par dizaines. Le reste à suivre.
Mikhail Gamandiy-Egorov
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram: https://t.me/observateur_continental