25.10.2023
Pour Paris, le conflit au Moyen-Orient est une question de politique étrangère mais aussi intérieure. À la fin du mois de juin dernier, la France a connu pour la première fois de son histoire une révolte ethnique d’une dimension inédite sur son territoire. La colère monte parmi les musulmans de France face à la guerre en Palestine.
Après le chancelier allemand Olaf Scholz, le président américain Joe Biden, le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, le président français, Emmanuel Macron, est arrivé mardi en Israël pour présenter la solidarité de la France envers Israël. Lors de ses rencontres avec les dirigeants de l'Etat hébreu, il a appelé Israël à ne pas étendre le conflit avec le Hamas et à considérer comme une priorité la libération des otages détenus dans la bande de Gaza. Il a, aussi, appelé à la création d’une la coalition internationale pour lutter contre le Hamas.
Pour Macron, le Hamas est un groupe terroriste comme Daesh. Lors des négociations à Jérusalem, Emmanuel Macron a «prévenu de ne pas ouvrir de nouveaux fronts en direction d’autres groupes» après avoir longuement déroulé au nom de la France et du peuple français toute la tristesse et son soutien à Israël. «Je mets en garde le Hezbollah, le regime iranien, les Houthis au Yemen, et l’ensemble des factions dans la région qui menacent Israël de ne pas prendre le risque inconsidéré d’ouvrir de nouveaux fronts. Cela serait ouvrir la porte à une conflagration régionale», a-t-il martelé mais surtout propose la création d’une la coalition internationale pour lutter contre le Hamas en déclarant cette formation comme «un groupe terroriste», comme Daesh. «La France est prête à ce que la coalition internationale contre Daesh où la France est engagée pour notre opération en Irak et en Syrie puisse lutter aussi contre le Hamas. Je propose à nos partenaires internationaux que nous puissions bâtir une mission régionale et internationale pour lutter contre les groupes terroristes, ce qui nous menace tous», a stipulé le president français durant la conférence de presse avec Benjamin Netanyahou.
L'Élysée a recadré dans la soirée la declaration du président français. «C’est incroyable et ça vient de tomber officiellement: l’Élysée tempère les propos de Macron sur la coalition internationale contre le terrorisme. Donc, Macron se fait maintenant recadrer par sa propre administration. Inédit», a publié sur X Florian Philippot, Président du parti politique Les Patriotes, rajoutant: «Macron est une catastrophe diplomatique ambulante. Où qu’il aille, c’est l’humiliation, la cata: Afrique, Chine, Liban, Maroc… Israël désormais».
Libération a, également, fait savoir ce recadrage de l'Élysée: «Guerre Hamas-Israël: l’Élysée tempère les propos de Macron sur la coalition internationale contre le terrorisme». «Emmanuel Macron a encore complètement loupé un déplacement international avec sa proposition insensée et sortie du chapeau de coalition internationale sur le modèle de la lutte anti-Daesh», a rajouté Florian Philippot, informant: «Colère immédiate dans les pays arabes; Même Israël n’a pas compris ni relevé; Les États-Unis ont jugé avec dédain cette idée totalement irréaliste et dangereuse; Cerise sur le gâteau: le Quai d’Orsay n’était pas au courant et était atterré» et même «l’Élysée» a dû recadrer Macron dans la soirée», répète-t-il tant la declaration du président français sur ce point a dérangé et heurté le monde des experts, de la politique internationale et des pays de la région du Moyent-Orient.
Emmanuel Macron a atterri en Égypte, pour rencontrer le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Cette visite d'Emmanuel Macron fait suite à celles en Israël puis en Jordanie où il est venu plaider la réactivation du processus politique visant une «solution à deux Etats», palestinien et israélien», souligne Les Echos. La réunion des deux dirigeants a lieu ce jour au Caire. Le président français a déjà rencontré le président israélien, Isaac Herzog, le premier ministre Benjamin Netanyahou et le dirigeant palestinien Mahmoud Abbas. Après cela, le président français est arrivé en Jordanie pour des négociations avec le roi Abdallah II.
«Il y a un deux poids, deux mesures flagrant», a, d’ailleurs, dénoncé la reine Rania de Jordanie lors d’un entretien avec CNN en langue arabe. Elle a rappelé que tous sont dans le chagrin en Jordanie. On ne peut pas croire les images reçues en une seule journée. Nous allons nous coucher avec ces images. En tant que mère, on a vu des mères palestiniennes qui devaient écrire le nom de leurs enfants sur leur main car la chance pour elles d’être tuées dans les bombardements est si élevée. Je veux rappeler au monde que les mères palestiniennes aiment simplement leurs enfants comme les autres mères dans le monde. Je pense que tous au Moyen-Orient, également, en Jordanie, nous sommes tout simplement choqués et déçus par la réaction du monde envers cette catastrophe. Quand le 7 octobre est arrivé, le monde a pris position pour Israël». Elle a dénoncé «ces souffrances humaines» et le fait que «le monde n’est même pas en train d’appeler pour un cessez-le-feu». Elle fait savoir que ce silence fait de l’Occident un complice envers ces crimes. D’ailleurs, le président français durant sa visite en Cisjordanie, a lancé un appel au cessez-le-feu.
Parallèlement, la visite d’Emmanuel Macron au Moyen-Orient aura une résonance particulière en France. Les communautés musulmanes et juives, les plus importantes d'Europe, sont sur le qui-vive après le meurtre d'un enseignant par un islamiste que les autorités françaises associent aux événements de la bande de Gaza. Pour Emmanuel Macron, le conflit entre Israël et le Hamas n'est pas seulement une question de politique étrangère mais aussi de politique intérieure. 5.4 millions de musulmans vivent en France et le sentiment pro-palestinien est traditionnellement très fort dans le pays.
Malgré l'interdiction officielle de manifester en faveur de la Palestine, depuis le 7 octobre, des manifestations en soutien au peuple palestinien se déroule en France. Les manifestants sortent avec des drapeaux du Hamas. Le président français ne peut pas ignorer cette réalité. Il est important pour lui de prévenir les conflits ethniques dans son propre pays. Par ailleurs, il y a quelques mois en France, il y a eu des soulèvements dans les quartiers défavorisés. Ils ont duré une semaine puis se sont arrêtés, mais la question reste pour combien de temps. La guerre en Palestine peut provoquer un conflit sur le sol français. Il est à noter que les médias français, dans leur ensemble, font des reportages favorables à Israël ce qui choque de nombreux habitants en France.
Philippe Rosenthal
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