29.11.2023
La vie politique en Ukraine s'est mise en mouvement après une longue interruption. Elle était presque inexistante après le début de la guerre. Tout le monde s'était uni autour du président. On craignait et on refusait de critiquer le président, qui était perçu comme le symbole de la nation qui se bat. À présent, cette consolidation n'existe plus. L'opposition est devenue plus audacieuse, la population commence à exprimer ses doutes à haute voix. Des fissures apparaissent au sein même de l'équipe présidentielle.
Comme en témoigne la récente déclaration de la députée Mariana Bezuhla, du parti au pouvoir Serviteur du peuple. La vice-présidente de la commission parlementaire de la sécurité nationale et de la défense a pratiquement accusé le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny, de manque de professionnalisme et a exigé sa démission.
Lorsqu'un éminent représentant du parti au pouvoir défie le commandant des forces armées du pays en pleines hostilités, c'est un évènement extraordinaire.
Tout comme la tentative du général Zaloujny de présenter sa vision de la situation sur les fronts (et il pense que le conflit est dans une impasse) non pas depuis la tribune du parlement, ni dans une interview à un média ukrainien, mais sur les pages du magazine britannique The Economist.
Le président Volodymyr Zelensky a apparemment douloureusement réagi à cette démarche de Zaloujny et a durement répondu dans le journal britannique The Sun, en qualifiant d'"énorme erreur" le fait que le général essaie de s'immiscer dans la politique au lieu de "s'occuper de la guerre".
Dans ces conditions, on ne peut plus parler de l'unité de la société ukrainienne, qui a pu être maintenue au moins en apparence la première année après le 24 février 2022.
L'opposition politique en Ukraine, qui jusqu'alors se comportait calmement et loyalement, s'est ravivée. Cela concerne avant tout les partisans de l'ancien président Petro Porochenko, qui n'hésitent plus à critiquer Zelensky et son entourage sur les réseaux sociaux. Les journalistes en exil donnent de grandes interviews révélatrices aux médias occidentaux, peu flatteuses pour le président, et elles sont publiées.
Les principales critiques adressées aujourd'hui au dirigeant ukrainien et à son équipe sont les suivantes: la corruption, dont même les alliés occidentaux parlent de plus en plus, la censure, la privation des opposants de l'accès à la télévision, entièrement contrôlée par les autorités. Ainsi que l'incapacité (ou le manque de volonté) d'établir des relations avec le commandement militaire: le conflit de Zelensky avec Zaloujny ne renforce certainement pas la réputation de Kiev aux yeux des États-Unis et de l'Europe.
Cependant, même les opposants de Zelensky s'expriment avec une extrême prudence sur la question principale autour de laquelle les différends entre le président et le commandant en chef ont émergé. Ils préfèrent ne pas écrire ni parler ouvertement de certaines choses.
Par exemple, le fait que la contre-offensive a échoué, que le front est figé, qu'il n'y aura pas de victoire rapide comme promis, et ce n'est même pas certain qu'il y en aura une, et que des négociations avec Moscou, officiellement interdites par Zelensky, devront probablement être engagées tôt ou tard, ainsi que faire certaines concessions et compromis, bien que désagréables et douloureux.
Pour l'instant, seul le populaire commandant en chef des forces armées ukrainiennes peut en parler, et encore, seulement de manière allusive.
Elsa Boilly
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