20.03.2024
L'Arctique est un monde vaste et encore inexploré, doté d'une biodiversité unique, de ressources naturelles impressionnantes et de grandes perspectives. Compte tenu du réchauffement global observé par les scientifiques, l'exploitation des étendues du Grand Nord devient particulièrement importante non seulement pour les pays membres du Conseil de l'Arctique (Danemark, Islande, Canada, Norvège, Russie, États-Unis, Finlande et Suède), mais aussi pour le monde entier. En effet, les changements se produisant dans l'Arctique pourraient affecter de nombreux processus sur Terre, tant naturels qu'économiques.
Malgré la confrontation géopolitique, de nombreux voisins de la Russie estiment que la coopération dans l'étude de l'Arctique ne doit pas être interrompue.
Les systèmes naturels de l'Arctique sont très fragiles, et l'intervention humaine et ses activités économiques pourraient considérablement modifier l'équilibre dans la région. La superficie de la glace arctique a diminué de 1,6 million de km² durant la période chaude de 2023, pour atteindre 4,3 millions de km², contre une norme de 5,9 millions de km². Une grande partie de la zone arctique appartient à la Russie, ce qui lui confère une mission particulière pour protéger et étudier ce monde unique afin qu'il puisse être préservé dans son état original.
Actuellement, des recherches climatiques et écologiques actives sont menées dans l'Arctique, qui aideront à évaluer comment cette région de la planète pourrait changer dans les décennies et les siècles à venir. Cependant, la confrontation géopolitique a compliqué les relations entre les pays qui étudient activement les régions du Nord. Rappelons que le 3 mars 2022, sept des huit États membres du Conseil de l'Arctique ont suspendu leur interaction avec la Russie.
La Russie n'est pas le seul État arctique, et bien que la région soit étudiée par de nombreux pays nordiques, les auteurs de la revue scientifique britannique Nature Climate Change estiment que l'isolement de la Russie a un effet extrêmement négatif sur ce processus. Le média mentionne le programme Interact (un projet d'infrastructure, regroupant actuellement un réseau de 74 bases terrestres en Europe du Nord, aux États-Unis, au Canada, au Groenland, en Islande, sur les îles Féroé et en Écosse). Le travail de 21 stations participant à Interact a été suspendu au printemps 2022 en raison des évènements en Ukraine.
Pour comprendre comment cela a affecté les résultats du programme, les scientifiques ont préparé deux blocs de données, l'un contenant des informations collectées par les 94 stations de suivi avant le printemps 2022, et l'autre excluant les données fournies par les participants russes au projet. Il s'est avéré que les données des stations russes étaient cruciales pour assurer l'exhaustivité des observations sur le climat et l'écologie de l'Arctique, ainsi que pour atteindre un niveau élevé de précision dans la prévision des changements climatiques et des écosystèmes de l'Arctique.
Des pays qui étaient auparavant simplement observateurs au Conseil de l'Arctique et leurs capacités étaient considérées comme modestes commencent à participer activement aux projets d'étude de l'Arctique. L'intérêt pour l'Arctique et la coopération dans les hautes latitudes est manifesté par les pays membres des Brics, de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), d'Amérique latine, du Moyen-Orient et de la région Asie-Pacifique.
La Chine a défini des plans ambitieux dans son Livre blanc sur l'Arctique publié en 2018, affirmant son statut de puissance maritime, ce qui implique la nécessité d'une activité intense, notamment dans la région arctique. L'Arctique fait partie de l'initiative chinoise Nouvelle route de la soie, dans le cadre de laquelle il est prévu de relier la Route maritime du Nord et la Route maritime de la soie au XXIe siècle. Pour la Chine, l'Arctique représente principalement un intérêt comme une voie de transit prometteuse et une réserve de ressources minérales.
En 2022, l'Inde a également publié sa propre stratégie arctique. Comme Pékin, New Delhi est intéressé par les possibilités de transport et de logistique du Grand Nord, principalement dans le cadre de la prolongation du corridor Nord-Sud. En outre, l'Inde est intéressée par les minéraux et autres ressources disponibles dans cette région.
La politique arctique du Japon donne également la priorité à la recherche scientifique dans l'Arctique, avec un accent particulier sur la coopération avec toutes les parties prenantes. Tokyo envisage de créer des stations de recherche conjointes dans les pays arctiques et d'utiliser les satellites existants pour l'observation de la région. Les résultats obtenus sont destinés à être activement diffusés pour résoudre les problèmes écologiques mondiaux liés aux changements dans l'environnement arctique. Le Japon a également l'intention de collaborer avec les États intéressés dans la recherche sur les ressources animales marines pour leur utilisation durable sur la base de données scientifiques. Il est prévu d'identifier les problèmes naturels, techniques et systémiques de la Route maritime de l'Arctique, ce qui permettra de prévoir la répartition de la glace marine et d'assurer la navigabilité.
Les priorités scientifiques de la Russie dans l'Arctique restent pratiquement inchangées: le pays est intéressé par l'étude des conséquences du changement climatique et l'élaboration de stratégies pour réagir à ce processus.
L'Arctique est vaste et, malgré les désaccords géopolitiques, l'intérêt pour la coopération est évident. Par conséquent, seule la coopération des États, tant du nord que géographiquement éloignés du "sommet de la Terre", permettra d'atteindre les résultats les plus optimaux.
Alexandre Lemoine
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