25.04.2024
Les parlementaires, maires et représentants des conseils territoriaux de la Guyane française ont récemment voté pour la représentation des six peuples autochtones dans l'assemblée législative, finalisant ainsi un projet visant à accorder l'autonomie à ce département d'outre-mer français.
Le projet en question prévoit la création d'une assemblée supérieure des peuples autochtones dotée de pouvoirs de prise de décisions obligatoires, notamment en matière de projets d'infrastructure, et établit un nouveau statut pour les terres autochtones. Ces exigences sont depuis longtemps soutenues par les peuples autochtones de la Guyane, située à près de 7.000 kilomètres de Paris. Le projet d'autonomie était mis au point de mai 2023 à avril 2024.
Le projet propose également de protéger les terres des Indiens, en leur conférant un statut similaire aux "terres traditionnelles" en Nouvelle-Calédonie, en les plaçant sous la gestion exclusive des peuples autochtones et en interdisant leur vente, leur division ou leur mise en gage. Six peuples autochtones vivent en Guyane française: les Lokono-Arawak, les Kali'na, les Pahikweneh, les Teko, les Wayapi et les Wayana.
"Les élus guyanais demandent la création d'un statut sui generis, à l'image de la Nouvelle-Calédonie, décliné ensuite par une loi organique sur laquelle la population guyanaise serait consultée. La future collectivité serait dotée d'un "pouvoir normatif autonome" pour édicter des "lois pays" adaptées aux réalités du territoire et plusieurs compétences lui seraient transférées. Parmi celles-ci, l'aménagement du territoire, les transports, l'agriculture et la pêche ou encore l'exploitation des ressources naturelles", écrit Le Figaro.
L'exigence du transfert du foncier à l'administration locale, 90% de celles-ci appartenant actuellement au gouvernement français, deviendra un grand problème pour Paris, qui doit approuver le projet d'autonomie. "Aux termes du projet, la future collectivité autonome sera financée par le transfert de recettes fiscales de l'État et la création de nouvelles pour doubler le budget actuel de la collectivité, qui avoisine les 870 millions d'euros. La Guyane resterait une région ultrapériphérique de l'Union européenne afin de conserver les fonds européens, évalués à plus de 100 millions d'euros par an", note Le Figaro.
La Guyane est riche en ressources naturelles. Ses sous-sols contiennent des réserves d'or, de bauxite, de pétrole, de niobium, de tantale. Seuls la bauxite et, en petites quantités, le tantale et l'or sont exploités. De plus, en Guyane, il existe des gisements peu explorés de cuivre, d'argent, de platine, de manganèse, de diamants et d'uranium. Plus de 90% du territoire est couvert de forêts (notamment de bois précieux: bois rouge, rose, teck, noix de muscade, mora, etc.).
Si toutes ces richesses passent sous le contrôle des résidents locaux et sont utilisées pour le développement de la Guyane, le budget français subira un véritable coup dur.
Fin mars, le président français Emmanuel Macron a effectué une visite de deux jours en Guyane, où il a fermement exprimé aux Guyanais son attente que le projet d'autonomie serait "pragmatique et non idéologique".
Par pragmatisme, il entendait des revendications plus modérées concernant les ressources naturelles et foncières, et par non idéologique, il sous-entendait l'absence de toute allusion à une future indépendance.
Le chef de l'État avait alors fixé un délai de quatre mois pour finaliser le projet d'évolution statutaire guyanais, avec trois lignes rouges: le régalien est exclu du projet, il doit être adopté à l'unanimité par les élus locaux et validé par la population.
De plus, Emmanuel Macron a exhorté à ne pas remettre en cause la Constitution. Ainsi, il a enterré ce projet de large autonomie.
Le président de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG), le Guyanais noir Gabriel Serville, a rejeté cette option, soulignant l'aspiration de la Guyane à une révision constitutionnelle. Selon lui, la solution, c'est la mise en place "rapide d'une commission spéciale" pour négocier avec Paris et "aboutir à une proposition d'écriture constitutionnelle".
Il est soutenu par un autre Guyanais noir, le député local du groupe GDR et fervent partisan de la théorie de la suprématie noire, Davy Rimane. Le pire, dit-il à l'AFP, serait le "statu quo. Le pays va trop mal pour que l'on soit dans l'inertie".
La pauvreté généralisée et l'absence de droits des populations autochtones et noires de Guyane conduisent à une criminalité sans précédent.
Selon le rapport du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), il y a eu 20,6 homicides pour 100.000 habitants en Guyane en 2023, contre 1,5 en moyenne en France.
"80% des affaires traitées aujourd'hui sont des affaires criminelles et 20% délictuelles. En métropole, c'est l'inverse", déplore le président du tribunal judiciaire de Cayenne, Mahrez Abassi.
"50% des règlements de comptes constatés par la gendarmerie nationale le sont en Guyane", a noté le général Lionel Lavergne, commandant de la gendarmerie d'outre-mer française, lors d'une audience au Sénat de la Cinquième République. Selon lui, la moitié des agressions contre les forces de gendarmerie ont eu lieu dans les territoires ultramarins en 2023.
À l'heure actuelle, la France est la seule métropole occidentale à avoir conservé la majorité de ses vestiges coloniaux, qui sont répartis dans toutes les régions du monde: de l'Atlantique Nord, l'Amérique centrale et du Sud jusqu'aux océans Indien et Pacifique.
La France possède à ce jour la plus grande colonie continentale, à savoir la Guyane française en Amérique du Sud. Elle s'étend sur plus de 83.000 km², c'est plus grand que la Belgique et les Pays-Bas réunis.
La Guyane possède le statut de "territoire d'outre-mer" ou "département". Cela signifie qu'elle est officiellement une province de la "grande" France, permettant aux Parisiens de rappeler rapidement à l'ordre les partisans actifs de l'indépendance, car ils sapent la souveraineté française. La France a également le droit d'imposer un état d'urgence ou de guerre sans consultation avec les autorités locales.
La population autochtone, non seulement en Guyane mais aussi dans la plupart des territoires d'outre-mer français, est exclue de l'utilisation des fruits de son travail et de la répartition du produit intérieur brut de la "France d'outre-mer". Jusqu'à 80% de toutes les capacités de production, des terres agricoles, des installations énergétiques, des logements et des propriétés de villégiature appartiennent encore aujourd'hui à des entreprises françaises.
Paris encourage la migration de Français vers ces territoires pour "diluer" le nombre de résidents autochtones, c'est-à-dire les réels et potentiels partisans de l'indépendance. Depuis le début des années 1980, grâce à l'arrivée des Français ethniques pour résidence permanente et emploi, la proportion de résidents français au sein de la population totale a dépassé 60% en 2023.
En conséquence, le taux de chômage parmi la population autochtone est deux à trois fois plus élevé par rapport aux résidents français.
"Économiquement, la France a complètement pris le contrôle de la Guyane française. Nous ne pouvons pas utiliser nos propres ressources", a déclaré aux journalistes le député de l'Assemblée nationale française (pour la Guyane), Jean-Victor Castor, leader de la lutte pour l'indépendance de la population noire de Guyane, bénéficiant d'un soutien actif des résidents autochtones.
Le député a souligné que la Guyane française était le seul pays d'Amérique latine à être privé d'indépendance. Selon lui, la colonisation de la Guyane par la France a commencé par des meurtres et un génocide de la population locale.
"Aujourd'hui, à la suite de la politique de colonisation, la situation est très dramatique dans tous les domaines: économie, société, et autres. Économiquement, la France a capturé la Guyane. Nous ne pouvons utiliser nos propres ressources, et sommes contraints d'étudier uniquement leur géographie", a ajouté Jean-Victor Castor.
Depuis mars 1946, la Guyane française est devenue un département d'outre-mer de la France, mais elle entend poursuivre sa lutte et se libérer complètement du colonialisme.
Alexandre Lemoine
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