Plus de vingt-cinq ans après les faits, l’ex-premier ministre et l’ex-ministre de la Défense doivent répondre de leur participation présumée au financement occulte de la campagne de 1995.
L'ex-premier ministre, Edouard Balladur, a longuement clamé son innocence mercredi, au deuxième jour de son procès pour des soupçons de financement occulte de sa campagne à la présidentielle de 1995.
Il a affirmé du haut de ses 91 ans que «dans cette affaire hors du commun, il n'est jamais question que de rumeurs».
Pendant près d'une demi-heure, il a lu ses notes face à la Cour de justice de la République après s'être lentement avancé vers le pupitre.
«Ce dossier est fondé sur des approximations, des rapprochements, des coïncidences, des suppositions que rien n'atteste. Avec de tels procédés, on pourrait condamner n'importe qui», a-t-il soutenu.
Edouard Balladur comparaît au côté de son ministre de la Défense d'alors, François Léotard, 78 ans, pour avoir, d'après l'accusation, mis en place pendant ses deux années à Matignon un système de rétrocommissions illégales sur d'importants contrats d'armement avec l'Arabie saoudite et le Pakistan, destinées à alimenter en partie ses comptes de campagne.
Les deux hommes, qui nient toute infraction, sont jugés jusqu'au 11 février pour «complicité d'abus de biens sociaux», l'ancien premier ministre étant également renvoyé pour «recel» de ce délit.
Il a déclaré que «cette affaire est une affaire hors du commun» et qu'en raison de sa durée, «voilà plus de vingt-cinq ans que mon procès est ouvert dans l'opinion publique», et par sa «violence», «rien ne m'aura été épargné».
Selon lui, dans les contrats d'armement, son «seul rôle était de décider si leur signature était compatible avec l'intérêt national et la politique étrangère que nous menions», en lien avec le président de la République d'alors, François Mitterrand, rajoutant que dans un dossier mené par des juges d'instruction à «l'incompétence avérée», «on dit que je ne pouvais pas ne pas savoir (...)». Il pose la question: «Aurais-je l'obligation de tout savoir et d'intervenir partout?»
Il a aussi évoqué de nouveau l'attentat de Karachi au Pakistan en 2002, point de départ de cette affaire tentaculaire aux multiples ramifications car c'est au cours de l'enquête sur cet attentat, dans lequel 11 Français travaillant à la construction de sous-marins ont trouvé la mort, qu'avaient apparu les soupçons de rétrocommissions.
Edouard Balladur a regretté que «plus personne ne doute de ma responsabilité», car «c'est devenu une vérité historique». «Vingt ans après cet attentat, la justice n'en sait toujours pas davantage sur ses causes et ses auteurs. C'est dramatique».
Il a affirmé que «le financement de ma campagne n'a aucun lien avec l'attentat de Karachi», en rajoutant avoir confiance en «la vérité», et «la justice».
L'audience se poursuit avec l'interrogatoire de François Léotard qui se défend seul sans avocat car, comme il l'a lancé hier lors du premier jour de procès: «Il s’agit de mon honneur. Je le défendrai seul!»