Il y a dix jours, trois officiers de la mission Barkhane ont été contaminés par le Covid-19. Cette semaine, c'est le porte-avions Charles-de-Gaulle qui est contaminé par le virus avec une cinquantaine de cas avérés à bord. Depuis le début de la crise sanitaire, le nombre de contaminés dans les armées n'a pas été réellement publié pour rester confidentiel. Mais, depuis quelques jours, on obtient plus d'informations.
Depuis le commencement de l'épidémie en France, le nombre de militaires contaminés n'était pas bien connu. Le 26 mars, la ministre des Armées, Florence Parly, faisait une estimation de 400 militaires contaminés. Il y a une semaine, elle réévaluait le nombre à la hausse avec 600 militaires touchés par le virus. Une évaluation qui semblait ne pas révéler l'ampleur des contaminations alors que les effectifs militaires s’élèvent à environ 275 000 personnels. Le chiffrage était forcément faussé en l’absence de tests massifs dans les unités.
Sur RFI, Didier Lanteri, médecin chef du Service de Santé des Armées a dressé un bilan plus précis: «Nous sommes affectés au même titre que la population générale, on a à peu près 4 000 cas cumulés, confirmés probables et possibles au sein du ministère des armées, ce qui est un chiffre qui s’inscrit complètement dans la prévalence nationale». Auditionnée au Sénat ce vendredi, Florence Parly a confirmé ces chiffres : avec un total de 369 cas de contamination confirmés par tests, 867 cas «déclarés» et 3 800 cas «probables et possibles».
«Les soignants du Service de Santé des Armées, en première ligne, sont aussi les plus touchés en proportion d’effectifs, avec près de 150 cas avérés», a précisé, Jean-Marc Tanguy, journaliste et chroniqueur Défense. C'est la carte de la transparence que le ministère des Armées joue maintenant. Le Service de Santé des armées (SSA) va dans les tous prochains jours «présenter ces chiffres dans un très grand détail». Jean-Marc Tanguy rappelle qu’aux États-Unis, les chiffres de la contamination dans les armées, incluant les contractors et les familles des militaires sont donnés quotidiennement depuis le début de la crise.
Le porte-avions Charles-de-Gaulle , à bord duquel une cinquantaine de marins ont été contaminés au Covid-19, a été obligé de réduire sa mission dans l’Atlantique Nord. Il est rentré, dimanche 12 avril 2020, à son port de base avec onze jours d’avance sur la date prévue pour que des marins malades du Covid-19 soient pris en charge par le Service de santé des armées. Le reste de l’équipage sera placé en «quatorzaine» sur trois sites de la Marine. Néanmoins, l’équipage du Charles-de-Gaulle ne sera pas autorisé à débarquer immédiatement.
Tous les militaires du groupe aéronaval, du matelot à l’amiral seront soumis au même traitement, indique l’État-major. Tous devront passer par un confinement à terre par une quatorzaine ce qui est un exercice difficile car il y a 1760 marins à bord du porte-avions et près de 250 à bord de la frégate Chevalier Paul qui l’accompagne.
La frégate La Motte-Piquet et le ravitailleur La Somme, qui ont rejoint leur port de Brest, font partie du groupe aéronaval. Les avions, qui se trouvent sur le porte-avions doivent rejoindre les bases aéronautiques navales de Landivisiau, Lann-Bihoué et Hyères.
Le confinement va s’organiser de la Bretagne à la Provence à cinq endroits différents. Les autorités disent vouloir communiquer en totale transparence avec les élus locaux pour «protéger la population et faire en sorte que les marins et leurs proches ne soient pas stigmatisés».
Les marins du Charles-de-Gaulle devront patienter et attendre que la logistique se mette en place pour quitter le navire cela après une longue mission de trois mois en Méditerranée Orientale au sein de l’opération Chammal qui regroupe la coalition internationale contre l'Etat islamique, après des exercices dans l’Atlantique Nord. Pour le moment tous les marins doivent porter le masque sur le navire. L'intérieur du navire et les rampes de maintien dans les coursives et les escaliers du bord sont régulièrement javellisées. Les marins touchés par le Covid-19 ont été isolés dans la partie Alpha du porte-avions mise en dépression afin de circonscrire la zone et d’éviter la propagation du virus.
Il reste cependant à savoir comment le virus a pu venir à bord du porte-avions. La dernière escale du bâtiment a eu lieu à Brest du 13 au 15 mars dernier et depuis aucune personne extérieure n’est venue sur le bateau. L'enquête se poursuit.
Désormais, des périodes d'isolement sont mis en place avant d'envoyer des soldats sur des missions extérieures (Opex) comme au Sahel pour garder leurs efficacités.
Le médecin chef Didier Lantéri, indique que le Service de Santé des Armées (SSA) élabore des stratégies pour contenir le virus: «Nous n’avons pas une politique de dépistage massif, nous suivons les préconisations du ministère de la Santé. Le but des tests pour nous est d’identifier un cluster, dès que le cluster est identifié ensuite on se base uniquement sur les critères cliniques. Il y a deux enjeux quand vous avez un cluster, le premier c’est l’aspect individuel c’est-à-dire la prise en charge des patients et le deuxième c’est l’aspect collectif à savoir la protection du groupe, de la communauté. Concernant la prise en charge des patients, on va avoir tendance à évacuer, à rapatrier en France le militaire qui serait un cas confirmé, ensuite, on isole tous las cas contacts et là, le but est de protéger le groupe et de préserver la capacité opérationnelle de la force. Nous n’avons pas prévu de conserver sur les théâtres les formes cliniques qui pourraient représenter un risque, nous évacuerons rapidement tous les personnels confirmés ou probables dans les zones où il n’y aurait pas d’automates PCR (appareil d’analyse médicale qui permet de diagnostiquer les infections)».
Florence Parly, la ministre des Armées, a indiqué vendredi dernier 10 avril que l'épidémie bouscule les opérations extérieures et a précisé auprès des sénateurs que les les relèves de Barkhane seraient décalées d’un ou deux mois si la crise sanitaire se poursuivait. L’État-major se veut confiant et indique la poursuite à un rythme soutenu des opérations dans la bande sahélo-saharienne et en particulier dans la zone des trois frontières Mali-Niger-Burkina contre le groupe État Islamique au Grand Sahara.
Confronté à une contamination effrénée du coronavirus, le commandant du porte-avions américain, l'USS Theodore Roosevelt, a appelé à l'aide dans une lettre en employant un style dramatique pour demander l'autorisation d'évacuer son équipage sur l'île de Guam, avait rapporté au début du mois d'avril des média américains. Après l'USS Theodore Roosevelt américain dans le Pacifique, le Charles de Gaulle est devenu officiellement le deuxième porte-avions contaminé par la pandémie qui s'est abattue depuis décembre sur le globe.
Olivier Renault